Intervention de Fiona Lazaar

Séance en hémicycle du jeudi 8 avril 2021 à 15h00
Droit à une fin de vie libre et choisie — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFiona Lazaar :

La fin de vie est une question qui traverse la société tout entière depuis longtemps et qui mérite un débat sociétal serein et respectueux dans notre hémicycle.

Les enquêtes d'opinion révèlent qu'une grande majorité de nos concitoyens se déclarent favorables à l'ouverture d'un droit à mourir avec une aide active. Il est évident que le résultat de ces enquêtes n'est pas de nature à clore le débat.

La liberté de choix quant à sa propre fin de vie n'est pas une simple décision. Les soignants qui sont auprès des malades jusque dans leur dernier souffle, et à qui je tiens de nouveau à rendre hommage, expriment avec émotion l'ambivalence, les hésitations, l'incertitude des individus lorsqu'ils sont atteints par la maladie, lorsqu'ils sentent que leur fin de vie approche. Alors je m'interroge : peut-on réellement savoir aujourd'hui ce que nous souhaiterons demain ?

Si je suis favorable à l'ouverture de droits nouveaux pour nos concitoyens, j'assume aujourd'hui devant vous, sans ambiguïté et en toute humilité, mes questionnements, mes doutes sur le sujet. Je crois que, face à une transformation aussi vertigineuse, dont les conséquences doivent être savamment pesées, il ne faut toucher à la loi que d'une main tremblante. Il est important de prendre le temps face à des enjeux aussi considérables. Or une niche parlementaire nous contraint par définition à un débat express ; ce n'est donc pas, à mon sens, le cadre opportun.

Je crois que nos échanges d'aujourd'hui peuvent toutefois constituer une étape supplémentaire utile, nécessaire, car il faudra, j'en suis convaincue, que notre pays puisse avoir ce débat dans la sérénité et en associant le plus largement possible la société civile. S'il y a un constat partagé de tous, c'est que trop souvent encore, en France, on meurt mal.

Depuis vingt ans, des évolutions remarquables ont été permises, notamment par les lois Leonetti de 2005 et Claeys-Leonetti de 2016 ayant respectivement interdit l'acharnement thérapeutique et ouvert la possibilité pour les personnes atteintes d'une maladie incurable de demander, de manière encadrée, une sédation profonde et continue jusqu'au décès. Ces lois sont issues de consensus et d'équilibres aussi subtils que précieux, qu'il s'agit de préserver et, certainement, de mieux faire connaître et appliquer. Combien de Français ont entendu parler des directives anticipées ou des modalités de désignation d'une personne de confiance ? Combien ont effectivement usé de ce droit ? Je suis convaincue que nous devons mieux faire connaître et appliquer plus largement ce que permet déjà la loi.

Par ailleurs, j'insiste sur le fait que le débat opportunément ouvert sur le droit à une fin de vie libre et choisie ne doit pas occulter l'enjeu des soins palliatifs pour garantir une fin de vie digne. Et parce qu'on ne soigne pas avec des lois, il est indispensable de remobiliser des moyens pour les soins palliatifs en France. Il est nécessaire de continuer à professionnaliser ces soins, de lutter contre les inégalités territoriales, d'intégrer des unités dédiées dans chaque hôpital. À l'hôpital d'Argenteuil, par exemple, cela fonctionne bien : il y a une unité dédiée combinée avec une offre d'hospitalisation de jour, des équipes mobiles intra-hospitalières, des équipes mobiles qui se déplacent au domicile des patients.

Nous devons être capables, partout en France, d'offrir de meilleures conditions de fin de vie aux malades. Oui, la fin de vie doit être digne pour tous et en toutes circonstances. La complexité et la sensibilité du débat ne doivent jamais nous détourner de la nécessité de répondre aux enjeux du temps, aux préoccupations de nos concitoyens. Alors, poursuivons cette réflexion, mais laissons-nous le temps d'un débat qui devra, je le répète, associer le plus grand nombre et se mener dans la dignité et le respect.

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