Intervention de Jean-François Beynel

Réunion du jeudi 30 janvier 2020 à 15h00
Commission d'enquête sur les obstacles à l'indépendance du pouvoir judiciaire

Jean-François Beynel, chef de l'inspection générale de la justice :

En effet. Le directeur des services judiciaires serait en mesure de vous donner la statistique précise car toutes les déclarations d'intérêt qui lui sont remises sous pli cacheté. Si, au sein d'une cour d'appel, des déclarations n'étaient pas transmises, ou dans des proportions anormalement faibles, la direction des services judiciaires serait amenée à réagir. Quoi qu'il en soit, dans ma cour d'appel, tout le monde avait transmis sa déclaration en respectant le délai imparti, et je peux témoigner de l'efficacité du système, qui se mesure à plusieurs titres.

Tous les magistrats ont fait une déclaration d'intérêts – moi le premier, auprès du premier président de la Cour de cassation. La loi et le texte réglementaire prévoient que la déclaration s'accompagne d'un entretien avec le premier président de la juridiction. J'ai conçu cet entretien comme une vraie discussion, en trois temps.

Le premier temps portait sur la nature de la déclaration d'intérêts, et comportait la lecture de l'article 7-1 de l'ordonnance portant loi organique, qui la définit. C'est un texte moderne et puissant, qui a retenu la définition la plus large du conflit d'intérêts : tous les comportements, dispositions et attitudes qui constituent en eux-mêmes un conflit d'intérêts ou qui sont susceptibles d'en paraître un aux yeux d'un observateur de bonne foi. Il s'agit donc non seulement des liens directs – par exemple si le juge est le conjoint de l'avocat qui plaide – mais aussi de comportements pouvant laisser paraître qu'il existe un conflit d'intérêts. Lors de l'entretien, mes collègues ont découvert la portée de cette notion très large.

La discussion ainsi engagée, je demandais à mon interlocuteur quelles difficultés particulières il pouvait rencontrer, pour examiner le moyen de les résoudre.

Dans un troisième temps, je recevais la fameuse déclaration d'intérêts. Sans être une révolution, cette démarche a permis à l'ensemble des magistrats de s'interroger et de se repositionner face à d'éventuels conflits d'intérêts. Elle a donc été relativement efficace.

La déclaration d'intérêts permet à la hiérarchie de prendre les dispositions nécessaires : il est possible d'être en conflit d'intérêts, tout en étant un excellent magistrat. Lorsque j'étais jeune auditeur de justice et stagiaire au parquet – cela remonte à quelques années –, j'ai vu arriver dans la salle d'audience un coiffeur de ma ville natale chez qui j'allais. J'ai immédiatement informé mon maître de stage de mon souhait de ne pas travailler sur ce dossier, afin que nul ne puisse penser que mes réquisitions avaient été influencées par le fait que je connaissais cette personne.

Pour répondre à votre question, je pense donc que la déclaration d'intérêts, qui a permis à la hiérarchie de réorganiser le service en fonction des difficultés identifiées, a été très bénéfique.

Le fait qu'elle soit actée la rend très efficace : des présidents de cours qui s'interrogent sur la faute éventuelle commise par un magistrat peuvent en effet s'y reporter pour confronter les faits à la déclaration.

Par ailleurs, le formulaire me semble couvrir l'ensemble des questions que l'on peut se poser sur un magistrat de l'ordre judiciaire : les éventuels conflits d'intérêts avec les activités de son conjoint ou les intérêts associatifs, personnels et financiers du magistrat. Le champ que couvrent les questions du formulaire est très large.

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