Intervention de Nathalie Elimas

Séance en hémicycle du jeudi 7 décembre 2017 à 9h30
Dons de jours de repos non pris aux aidants familiaux — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNathalie Elimas :

Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nos liens familiaux cimentent nos vies et notre société. Confrontés à la perte d'autonomie de leurs proches, de nombreux Français décident de se consacrer, pour tout ou partie, à ces personnes dépendantes. La France compte ainsi 8,3 millions d'aidants familiaux, dont 4,3 millions pour les personnes âgées. Parmi ces Français, près de 5 millions de salariés aident un enfant, un conjoint, un parent ou un proche malade, handicapé ou en perte d'autonomie.

À l'avenir, ces situations ne pourront qu'augmenter en raison des effets corrélés de l'augmentation de l'espérance de vie et du vieillissement de la population. C'est pourquoi de plus en plus de personnes âgées ou en perte d'autonomie, plus ou moins bien prises en compte par la collectivité, seront de facto à la charge d'un ou de plusieurs proches actifs. Cette proposition de loi vise à soutenir ces salariés aidants, qui devraient représenter un salarié sur quatre d'ici 2030.

Ces aidants, qui accomplissent quotidiennement un travail formidable, sont pourtant soumis à des contraintes personnelles et professionnelles importantes. Ils sont exposés à un manque de temps évident, au stress, à la fatigue, au découragement, à la culpabilité de mal s'occuper de leur proche – qu'il s'agisse d'un ascendant, d'une personne âgée dépendante, d'une soeur, d'un frère, ou d'un descendant, comme un enfant gravement malade ou handicapé, ou encore d'un conjoint en fin de vie.

À ce titre, les aidants ont besoin d'être soutenus d'une façon adaptée à leur situation. Il est nécessaire que notre société prenne à bras-le-corps ce problème en mettant en place des dispositifs publics propres à soulager les aidants, ainsi qu'à faciliter leur vie personnelle, sociale et professionnelle.

C'est un enjeu humain de solidarité, mais également un enjeu économique. En effet, ces aidants, qui sont physiquement et affectivement sollicités par le soutien qu'ils apportent à leurs proches dépendants, demandent à rester des actifs intégrés à la vie économique de leur entreprise. Or leurs obligations vis-à-vis de leurs proches emportent des conséquences non négligeables.

Le fait d'être aidant constituerait la première cause d'absentéisme. Cela représenterait jusqu'à quarante jours de non-productivité par an. En moyenne, les salariés aidants s'absenteraient véritablement durant vingt-cinq jours et feraient en outre du présentéisme pendant quinze jours – c'est-à-dire que durant cette période, ils s'astreignent à être présents au travail, mais en étant si fatigués et si stressés qu'ils ne sont pas opérationnels. Le coût social global de cette réalité est estimé à 20 milliards d'euros, soit 5 000 à 8 000 euros par an et par salarié aidant.

Il est donc essentiel de développer l'écosystème financier, juridique et humain d'accompagnement des aidants, et de réfléchir à des mesures de soutien structurelles aussi bien qu'à des modalités de flexibilité destinées à ces salariés. Se priver de leur travail et de leurs compétences serait une grave erreur économique collective, mais nier leur besoin d'accompagnement ouvrirait tout autant de risques sociaux et humains.

Des dispositifs légaux et réglementaires ont été progressivement mis en place : le congé de présence parentale, le congé de solidarité familiale, le congé de proche aidant. L'assouplissement et l'élargissement du congé de soutien familial pour les aidants sont une bonne chose ; le droit à une formation spécifique l'est tout autant. La loi de 2015 relative à l'adaptation de la société au vieillissement a notamment permis des avancées significatives pour les aidants des personnes âgées.

C'est pourquoi je salue la proposition de loi que nos collègues du groupe UDI, Agir et indépendants nous soumettent aujourd'hui, qui vise à étendre le dispositif de dons de jours de repos non pris aux aidants familiaux, comme cela est d'ores et déjà possible pour les parents d'un enfant gravement malade depuis la loi de 2014.

Il ne s'agit pas d'instituer des aménagements à la marge mais de trouver des solutions concrètes pour aider ces salariés à mieux articuler leur vie professionnelle et leur rôle d'aidant, et leur permettre ainsi de s'épanouir. Les aidants accomplissent un travail essentiel à notre vivre-ensemble, afin de relever le défi de la perte d'autonomie dans un contexte budgétaire contraint. Bien souvent, les aidants permettent le maintien à domicile de leurs proches, tout en favorisant des formes de solidarité et de sociabilité plus adaptées à des personnes âgées et privilégiées par celles-ci.

En outre, leur intervention est moins coûteuse pour les finances publiques que le recours à des établissements ou à des professionnels à domicile. Il est donc de notre devoir de prendre pleinement en compte et de minimiser autant que possible les effets importants de cette activité sur leur qualité de vie. Aidons-les, prenons-les en considération dans leur juste rôle et à leur juste place au sein de notre société !

Mes chers collègues, vous l'avez compris, les députés du groupe MODEM voteront en faveur de cette proposition de loi. Nous souhaitons qu'elle soit une première étape vers une meilleure prise en compte des proches aidants, et ce tout au long du quinquennat. Le Président de la République a d'ailleurs annoncé plusieurs mesures afin d'accompagner les aidants dans leur engagement : tout d'abord, il s'agit de leur permettre de mieux se former ou d'être accompagnés en intégrant dans le droit à la formation un « chèque bilan santésocial », proposé au début des situations de dépendance, puis à période régulière, un accompagnement psychologique pouvant aussi être proposé, et la formation serait assurée par les acteurs de terrain – associations et professionnels de santé – , sous réserve de certaines conditions comme la signature d'une charte des bonnes pratiques ; ensuite, il s'agit de prendre toutes les mesures nécessaires pour faciliter les démarches administratives que réalisent les aidants pour leurs aînés ; enfin, il s'agit de valoriser les dispositifs de répit, notamment de favoriser l'accueil de jour ou encore la création d'hébergements temporaires pour aider les aidants et encourager le relayage à domicile, appelé aussi le « baluchonnage », c'est-à-dire l'intervention d'une tierce personne au sein du domicile des personnes âgées.

Dans la droite ligne de ces engagements, Mme la ministre de la santé a annoncé que des mesures seraient prises en faveur des aidants afin de mieux prendre en compte la charge que représente l'accompagnement d'un proche en perte d'autonomie, ce que nous saluons. Il s'agit notamment de mieux valoriser leurs droits à la retraite. En effet, nous ne devons pas oublier les aidants familiaux qui décident d'abandonner leur emploi pour se consacrer à une personne dépendante car ils perdent, de ce fait, les bénéfices liés à cet emploi, le droit à la retraite par exemple. Or ils ne devraient pas être pénalisés par ce choix.

Ces orientations sont salutaires, elles sont attendues par les aidants et nous souhaitons qu'elles soient mises en oeuvre dans les meilleurs délais. Nous saluons d'ores et déjà la mesure prise dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2018, que notre assemblée a définitivement adopté en début de semaine, qui vise à compenser intégralement la hausse de la CSG pour les aidants familiaux percevant la prestation de compensation du handicap.

En outre, le groupe MODEM propose deux mesures complémentaires qui pourraient améliorer significativement la situation des aidants. La première vise à trouver des solutions pour soutenir financièrement les aidants. En effet, la perte d'autonomie entraîne pour eux des dépenses allant de 1 000 euros à 1 500 euros par mois, qu'il s'agisse des frais d'aménagement du logement, de la rétribution de l'aide à domicile, des frais d'hébergement dans un établissement spécialisé, pour ne citer que quelques-unes des dépenses les plus importantes. Or le dédommagement d'un aidant familial est aujourd'hui au plus de 85 % du SMIC horaire sur la base de 35 heures par semaine, et les sommes perçues dans ce cadre doivent être déclarées aux impôts. Aussi, ne pourrait-on pas envisager de réviser cette imposition ? La seconde mesure consiste à demander au Gouvernement un rapport relatif à la situation des aidants familiaux, rapport qui étudiera en particulier la possibilité de maintenir l'affiliation à l'assurance vieillesse pour les parents aidants d'un enfant handicapé de plus de vingt ans. Nous espérons vivement que ces deux amendements pourront être adoptés aujourd'hui par notre assemblée. Aux côtés de la mesure proposée par nos collègues du groupe UDI, Agir et indépendants, nous sommes persuadés que les propositions de notre groupe vont dans le sens d'une plus grande justice pour les aidants, ce qui passe notamment et surtout par l'amélioration de leur quotidien.

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