Intervention de Alexandra Benachi

Réunion du mardi 3 septembre 2019 à 16h15
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique

Alexandra Benachi, présidente de la Fédération française des centres pluridisciplinaires de diagnostic prénatal (CPDPN) :

La phrase stipulant qu'il n'est possible de tenir compte d'aucune caractéristique fœtale fait que nous serions coincés. Si vous laissez cette phrase en l'état, nous ne pourrons pas agir sur un fœtus qui a une anencéphalie. Cette situation pourrait relever de l'alinéa relatif aux pathologies fœtales, mais puisqu'il a été décidé d'écrire un alinéa spécifique à l'ISG, il faut écarter la mention des caractéristiques fœtales pour cette première indication de l'ISG.

La deuxième situation est celle d'une patiente ayant une grossesse multiple et ayant elle-même une pathologie telle que le fait d'avoir une grossesse multiple peut mettre sa vie en danger. Par exemple nous savons que la grossesse gémellaire est beaucoup plus délicate pour les patientes qui portent une valve cardiaque : elles mettent leur vie en jeu. Nous conseillons alors l'ISG, la plupart du temps au premier trimestre, avant 14 semaines d'aménorrhées, car le risque de fausse couche est plus important à la suite de cette intervention après 14 semaines. La plupart des patientes ont une échographie au premier trimestre et c'est alors qu'est fait le diagnostic de grossesse gémellaire. Si elles ont une contre-indication à une telle grossesse, l'ISG peut être pratiquée à ce moment-là.

La troisième situation est celle des grossesses hypermultiples, c'est-à-dire les triplés ou les quadruplés. La probabilité d'avoir un triplé spontané est d'environ une sur un million, mais lorsqu'on est un peu « aidé » par la simulation et l'assistance médicale à la procréation (AMP), certaines patientes arrivent avec des grossesses triples ou quadruples, même si mes collègues ont fait énormément de progrès ces dix dernières années. L'organisme n'est pas vraiment fait pour porter trois ou quatre enfants. Les risques de diabète et d'hypertension de fin de grossesse sont beaucoup plus importants, ainsi que les risques d'accouchement prématuré. Presque aucune grossesse triple n'arrive à terme et la prématurité est entre 26 et 36 semaines. J'ajoute que nous n'avons aucun moyen d'indiquer aux patientes si elles accoucheront à 26 ou 36 semaines, les conséquences n'étant évidemment pas les mêmes. Ces cas relèvent de ce que nous appelons des réductions embryonnaires. Il est possible de mettre dans le texte un cadre temporel, puisque nous effectuons de telles réductions avant 14 semaines d'aménorrhées quoiqu'il arrive.

Pour répondre précisément à votre question, nous ne sélectionnons aucun fœtus dans ce cas. Nous prenons le fœtus le plus accessible. En effet, les gestes correspondants causent un risque de fausse couche d'environ 5 %. Lorsqu'une patiente parfois déjà passée par une AMP doit prendre la décision de faire une réduction embryonnaire et que nous expliquons ce risque de fausse couche, la situation étant déjà assez compliquée à gérer pour elle, nous prenons le fœtus situé le plus haut dans l'utérus, en injectant un produit dans le cordon. Nous ne « sélectionnons » donc absolument pas. Nous attendons en général l'échographie du premier trimestre effectuée entre 11 et 14 semaines d'aménorrhées pour confirmer l'absence de malformation. S'il y a malformation, nous arrêtons bien entendu le fœtus concerné. Je dis « le » fœtus, car nous passons généralement de trois à deux fœtus, et exceptionnellement de trois à un fœtus. Lorsqu'il n'y a pas de malformation, nous ne choisissons absolument pas. Nous ne regardons jamais le sexe du fœtus. Nous prenons celui qui est le plus facilement accessible. Comme cela se fait sous contrôle échographique par voie abdominale, dans la grande majorité des cas, nous prenons simplement le plus proche de la sonde, celui situé le plus haut dans l'utérus, car c'est ainsi que le risque de fausse couche est le plus faible.

Ainsi, pour répondre à votre question, je répète que nous ne regardons jamais le sexe du fœtus. Nous pouvons donc dans cette indication préciser la phrase selon laquelle il ne faut pas prendre en compte les caractéristiques du fœtus. Ce sera juste celui situé le plus haut dans l'utérus.

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