Intervention de François Ruffin

Séance en hémicycle du jeudi 7 décembre 2017 à 9h30
Taxe sur les transferts de sportifs professionnels — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Ruffin :

Le maillot que je porte aujourd'hui est celui de l'Olympique eaucourtois. C'était le club de mon ami Antoine. Franck Hernat en était le président ; je l'avais rencontré à un repas de fin d'année à la salle des fêtes d'Eaucourt-sur-Somme. Vous voyez l'ambiance : les tables étaient couvertes de nappes fluo, la sono balançait « Et tu chantes, chantes, chantes, ce refrain qui te plaît ! » Les gosses sprintaient dans les allées, rampaient sur le carrelage. Avec Antoine, on s'était réfugiés dans la cuisine, derrière la buvette, près du président. Je venais pour élucider le mystère du miracle des maillots pliés.

Que je vous explique : depuis tout petit, je jouais au foot, et, depuis tout petit, le samedi ou le dimanche, dans les vestiaires, avant le match, un entraîneur posait une bassine sur un banc ; dans la bassine, tous les shorts, les chaussettes, les maillots lavés, pliés, rangés dans l'ordre : d'abord, le 1 du gardien, le 2 de l'arrière droit, jusqu'au 12, 13, 14 des remplaçants, alors qu'on les avait quittés crados, couverts de sueur, chiffonnés. Le week-end d'après, on les retrouvait donc lavés, pliés, rangés dans l'ordre.

J'ai essayé d'en causer une fois avec mes partenaires de l'association sportive du foyer rural de Ribemont-sur-Ancre, tandis que l'on enfilait les protège-tibias : « C'est quand même miraculeux, non, ces maillots qui nous arrivent lavés, pliés, rangés dans l'ordre ? » Ils n'ont pas bien pigé où, philosophiquement, je voulais en venir. Vérifiez plutôt si le ballon est gonflé, m'ont-ils conseillé.

Alors, ce soir, derrière ses grosses lunettes et ses épaisses moustaches, j'espérais que Franck Hernat allait m'éclairer. Il avait quarante ans, travaillait chez DAR, un fabricant de vérandas à Poix-de-Picardie. Parfois, il partait livrer en Normandie, comme ce jeudi, à Cherbourg. Même s'il s'est levé à quatre heures du matin, cela ne l'empêche pas, le soir, de passer au stade, même vite fait, juste une demi-heure, pour assister à l'entraînement des poussins. Parfois, il s'y rend en pantoufles, à cause de ses chaussures de sécurité qui, dans la journée, lui font mal aux pieds. Je lui ai demandé : « Pourquoi tous ces efforts ? » « Pour les gamins », il répond ; c'est son leitmotiv, les gamins ; c'est sa cause, donner le goût aux gamins. Lui veut que les gamins soient heureux, mais ces heures de bonheur, ça se mérite.

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