Intervention de Sabine Rubin

Séance en hémicycle du vendredi 23 juillet 2021 à 15h00
Respect des principes de la république — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSabine Rubin :

En juin dernier, notre pèlerin n'a-t-il pas décidé d'augmenter les déductions fiscales pour les dons aux cultes, ce qui est tout de même une bien curieuse manière de renforcer la laïcité dans notre pays ?

Trêve de plaisanterie, ce texte mal bricolé, peu inspiré – c'est le cas de le dire –, s'inscrit pleinement dans votre stratégie de division permanente des Français : division entre actifs et retraités avec la casse des retraites ; division entre salariés et chômeurs avec celle de l'assurance chômage ; division entre islamo-gauchistes et vrais républicains quand il s'agit de jeter l'opprobre sur vos opposants ; et maintenant que le passe sanitaire tient lieu de brevet de civisme, division entre vaccinés et non vaccinés.

Cependant, il est un séparatisme qui a pudiquement été éludé au long de ces sept mois de débats : la révolte des élites ; ce séparatisme des plus riches, qui ronge notre pays, mine notre économie et fracture notre société. Rien n'est fait pour répondre à ce problème, pour combler cette faille – que dis-je, ce fossé grandissant.

Rien n'est fait pour rétablir l'ISF – impôt de solidarité sur la fortune – ou créer une taxe exceptionnelle sur les dividendes, comme nous le proposons au nom de l'égalité républicaine.

Rien n'est entrepris pour renforcer nos services publics, pourtant au cœur de notre pacte social.

Rien n'est fait pour renforcer l'école publique, pourtant socle de notre République, pour lutter contre les déserts scolaires, pour cesser de subventionner grassement l'enseignement privé, pour surveiller davantage les écoles hors contrat.

Rien non plus n'est fait pour assurer l'égalité territoriale, enjeu majeur pour lutter contre l'anomie sociale et le sentiment d'abandon des quartiers populaires.

Vous ne faites rien, pas même abroger le concordat d'Alsace-Moselle, qui coûte 65 millions d'euros alors que plus de 50 % des personnes concernées n'en veulent même pas.

Mais quand il s'agit de revenir sur l'instruction en famille sans s'interroger sur son augmentation, quand il s'agit de déroger à nos libertés fondamentales, alors là, que d'agitation ! Et quand il faut restreindre nos libertés associatives, rogner sur cette grande loi de 1901 au nom d'un vague contrat d'engagement républicain, que de précipitation !

En vérité, votre texte ne fait qu'alimenter les pires surenchères réactionnaires, de la présence de drapeaux étrangers lors des mariages de particuliers jusqu'à l'absurde polémique sur les accompagnatrices scolaires voilées, entre autres tenues vestimentaires visées.

Quant à l'objet initial du texte, la lutte contre le terreau du terrorisme, votre projet de loi est un échec patent. Questionné sur l'efficacité qu'auraient eue les dispositions du texte, si elles avaient été en vigueur, pour prévenir les derniers attentats terroristes que la France a connus, le Premier ministre a lui-même répondu qu'il était « très difficile de répondre positivement à cette question ».

En dévoyant la laïcité par inconséquence et par cynisme, vous ne manquez pas d'alimenter cette vague réactionnaire qui, partout en Europe, empoisonne le débat public. Ce faisant, vous contribuez à attiser les rancœurs et les rancunes vis-à-vis de nos compatriotes de confession musulmane, si injustement victimes d'une suspicion généralisée. Lutter contre les séparatismes, c'est créer les conditions sociales, politiques et économiques de l'union du peuple français, non agiter de stériles polémiques politiciennes.

Au fond, avec ce projet de loi, c'est l'idée même de République qui se trouve durablement abîmée. Ce sont nos principes de liberté, d'égalité et de fraternité qui sont une nouvelle fois foulés aux pieds. Pour toutes ces raisons, le groupe La France insoumise votera contre ce texte et nous formerons même dès ce soir, à son sujet, un recours devant le Conseil constitutionnel.

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