Intervention de Bernard Bouley

Séance en hémicycle du vendredi 23 juillet 2021 à 15h00
Santé au travail — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBernard Bouley :

Les travaux qui nous amènent à débattre et à légiférer sur la prévention en santé au travail ont mis en évidence un consensus sur l'importance de ce sujet pour la société. Quand bien même cette prise de conscience collective serait le seul point positif à retenir, elle représenterait une véritable avancée. La santé des salariés, physique comme mentale, prend aujourd'hui toute la place qu'elle mérite, dans l'intérêt des acteurs qui y concourent, salariés et employeurs, mais aussi dans celui du pays dans son ensemble.

Il me paraît essentiel de rappeler que le socle des travaux parlementaires est inéluctablement resté l'accord national interprofessionnel auquel ont abouti les partenaires sociaux. Il a été un phare qui a guidé les parlementaires, notamment les députés du groupe Les Républicains, vers l'objectif d'apporter des réponses concrètes, adaptables et proches des entreprises.

Le temps qui a été accordé aux partenaires sociaux, aux députés et aux sénateurs pour débattre sereinement est l'assurance que les entreprises sauront s'approprier la prévention en santé de manière bénéfique pour tous les environnements de travail. Dans notre pays, dont le tissu économique dans le secteur privé se caractérise par 80 % d'entreprises de moins de dix salariés, les services de prévention et de santé au travail auront, de fait, une place prépondérante dans le système.

Le texte abouti qui nous est soumis s'est enrichi de l'important travail effectué par les sénateurs et par la commission mixte paritaire, qui s'est tenue le 19 juillet. Il confère aux services de prévention et de santé au travail les moyens d'assurer un service effectif, cohérent, garantissant une équité de traitement pour toutes les entreprises et tous les salariés. Leur offre sera mieux définie dans le dialogue social et sera certifiée par une tierce partie. C'est une avancée très structurante pour la cohérence et la qualité du service rendu. Dans ce cadre, chaque professionnel des services de prévention et de santé au travail inscrira plus facilement son action dans l'organisation générale formalisée dans le projet de service, pour plus d'efficacité.

La proposition de loi donne un cadre solide pour assurer une cohérence nationale de santé et de prévention au travail, mais laisse aussi la souplesse nécessaire pour s'appliquer à des contextes différents. Elle renforce la prévention pour toutes les entreprises, grâce à une aide à l'évaluation des risques, sans excès de formalisme cependant pour les plus petites d'entre elles. Elle reconnaît enfin que les chefs d'entreprise et les indépendants sont aussi des travailleurs dont la santé compte ; ils pourront bénéficier d'un accompagnement s'ils en font le choix, ce qui représente une avancée à souligner.

La proposition de loi contient une autre avancée forte : la mise en place d'un référentiel d'interopérabilité pour les systèmes d'information des services de prévention et de santé au travail. Cela augure une progression très sensible de la traçabilité et de la portabilité des données de santé au travail, ainsi que du développement des connaissances dans ce domaine.

Le texte prévoit le recours à des médecins praticiens correspondants et à des infirmiers exerçant en pratique avancée. Sur le papier, cette disposition crée des possibilités de prise en charge, mais nous devrons rester vigilants quant à son effectivité : elle sera longue, voire difficile à appliquer, étant donné la démographie des médecins généralistes et des prérequis pour leur mobilisation – d'autant qu'il n'est absolument pas certain qu'ils veuillent s'impliquer dans ce dispositif.

On peut se féliciter que le texte établisse un volet plus large de compétences mobilisables pour accompagner les entreprises et les salariés, toujours sous l'autorité d'un médecin du travail, doté d'un statut protecteur particulier. Néanmoins, la question de l'attractivité de la médecine du travail n'est malheureusement pas suffisamment prise en considération. Il ne suffira pas d'autoriser la prescription de soins ou d'arrêts de travail à titre expérimental : la spécialité ne peut trouver son intérêt dans les attributs d'autres spécialités.

Par ailleurs, on peut s'interroger sur le fait que les nouvelles compétences des médecins du travail ne soient pas neutres pour les comptes sociaux et sur la réaction que cela suscite chez les médecins libéraux. Il faudra donc sans doute revenir plus spécifiquement sur la question de l'attractivité dans l'avenir. Car on ne pourra renforcer la prévention dans le domaine de la santé au travail sans médecins du travail qualifiés, qui ont choisi d'embrasser cette spécialité.

Le texte qui nous est soumis est globalement conforme à l'accord national interprofessionnel négocié par les partenaires sociaux, le groupe Les Républicains votera donc pour son adoption. Ce vote favorable ne doit cependant pas occulter un aspect essentiel. Beaucoup de sujets sont renvoyés aux décrets. Le succès de la réforme dépendra donc sensiblement de leur rédaction. Nous veillerons à ce que l'exécutif y respecte la lettre, mais aussi l'esprit, de la proposition de loi qui – je le souhaite – sera votée tout à l'heure.

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