Intervention de Gérard Leseul

Séance en hémicycle du vendredi 23 juillet 2021 à 15h00
Santé au travail — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGérard Leseul :

Nous arrivons au terme de l'examen parlementaire de la proposition de loi pour renforcer la prévention en santé au travail. Nos collègues sénateurs ont apporté certaines modifications positives à ce texte. Ainsi, dans le domaine de la lutte contre le harcèlement sexuel, ils ont modifié sa définition dans le code du travail, à l'initiative du groupe socialiste. Elle prévoit désormais que le harcèlement est constitué lorsqu'il est subi par la victime, et non lorsqu'il est imposé par l'auteur.

Néanmoins, malgré quelques ajouts, l'équilibre général du texte ne se trouve pas modifié, et les défauts et les manques que nous soulevions dès la première lecture sont toujours présents.

Cette proposition de loi n'est malheureusement pas capable de rendre la médecine du travail attrayante. Pourtant, les besoins sont grandissants. La crise du covid et le bouleversement des conditions de travail ont entraîné une dégradation de la santé des travailleurs, avec une hausse importante des troubles psychosociaux, comme la DARES – Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques – l'a identifié, en pointant le doublement du risque de dépression et une détérioration importante de la santé des salariés.

Certes, le texte reprend en grande partie les conclusions de l'accord national interprofessionnel signé en décembre dernier de façon quasi unanime par les confédérations syndicales, à l'exception d'une grande centrale. Pour autant et de manière paradoxale, les professionnels de la santé au travail, qui sont les premiers concernés, n'y ont pas été suffisamment associés et n'ont pas manqué d'opposer certaines critiques à votre texte. Au point que 800 médecins du travail ont écrit aux députés pour demander des aménagements assez radicaux à la proposition de loi. Ils dénonçaient l'absence d'avancée notable pour la prévention des risques professionnels et une régression sans précédent pour la protection des salariés, liée à la nouvelle organisation de leur suivi, qui renvoie dos à dos médecins du travail et médecins généralistes.

Ainsi, les critiques que nous adressions à ce texte en première lecture restent identiques. Tout d'abord, la crainte relative à la préservation du secret médical entre médecine du travail, médecine de ville et hôpital demeure entière ; les débats n'ont pas apporté suffisamment d'éléments rassurants. Ensuite, nous continuons à y voir une gestion de la pénurie : sous couvert d'une réorganisation de la gouvernance et d'une harmonisation de l'offre, le décloisonnement entre santé publique et santé au travail fait fi de la désertification médicale de beaucoup de nos territoires.

Enfin, il faut mentionner les manques et les questions insuffisamment abordées dans ce texte : la bonne articulation de la santé et de l'inspection du travail, la responsabilité des employeurs en cas d'accident du travail ou de suicide, les risques psychosociaux, la pénibilité, la qualité de vie au travail, la santé des travailleurs en intercontrat ou en recherche d'emploi. En réalité, on assiste à un glissement vers des missions de santé publique et de promotion de la santé globale et à une dilution de la mission de santé au travail au profit d'une notion de santé en entreprise.

Pour notre part, nous considérons que la prévention des maladies professionnelles et des risques psychosociaux doit être prioritaire. La pleine santé, physique et mentale, au travail est la condition d'un travail qui émancipe ainsi qu'une dimension de la justice sociale.

Selon nous, une vraie politique de santé au travail doit viser un triple objectif : mieux connaître et identifier les risques et les maladies professionnelles en renforçant la recherche en santé du travail et les organismes de veille ; mieux les prévenir en garantissant un accès rapide et de qualité à un service public unifié de prévention et de santé au travail et un meilleur suivi des travailleurs ; mieux les reconnaître et les réparer, notamment en révisant le tableau des maladies professionnelles pour prendre en compte les risques émergents et les poly-expositions, mais aussi en abaissant le taux minimal d'incapacité permanente partielle– reconnaissance des affections psychiques comme le burn-out – et en rétablissant les critères de pénibilité. Nous reviendrons sur le covid long.

Ces objectifs d'une grande politique de santé au travail ne se retrouvent pas dans votre texte, ce qui nous conforte dans l'idée qu'il s'agit d'une occasion manquée, d'une proposition de loi issue d'une vision encore trop technique et sans grand souffle. C'est pourquoi le groupe Socialistes et apparentés votera contre.

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