Intervention de Sylvia Pinel

Séance en hémicycle du vendredi 23 juillet 2021 à 15h00
Approbation de la mesure 1 (2005) – annexe vi au protocole au traité sur l'antarctique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSylvia Pinel :

Il y a soixante ans, l'Antarctique devenait le premier continent n'appartenant à personne et ne relevant de la souveraineté d'aucun État. Trente ans plus tard, une nouvelle étape était franchie, avec le protocole de Madrid, qui faisait entrer ce territoire au patrimoine mondial de l'humanité, afin de préserver son exceptionnelle biodiversité. À l'époque, les pays signataires s'inquiétaient des conséquences potentielles des activités humaines sur ce continent. Ils avaient prudemment souhaité les restreindre au tourisme, encore balbutiant, et à la recherche scientifique. Ces préoccupations, légitimes hier, le sont encore plus aujourd'hui : si l'incidence du tourisme reste très limitée, ce dernier ne sera plus l'apanage de quelques privilégiés lorsque se développeront des infrastructures portuaires ou aériennes et que les coûts d'accès diminueront.

Nous avons, à tout le moins, un devoir : créer les mécanismes permettant de préserver les écosystèmes lorsqu'ils risquent d'être bouleversés par l'activité humaine. L'annexe VI aujourd'hui en débat s'inscrit dans cette logique : elle prévoit que tout opérateur privé ou étatique exerçant une activité en Antarctique doit réduire le risque d'atteinte à l'environnement créé par son activité. J'aurais aimé qu'elle aille plus loin : n'est-il pas urgent de limiter, voire d'empêcher toute activité qui pourrait causer des dommages irréversibles ? L'annexe reste insuffisante pour ce qui concerne les mesures de dédommagement auxquelles seraient astreints les pollueurs en cas d'atteinte à l'environnement – peut-on d'ailleurs réellement parler de dédommagement, quand une catastrophe écologique provoque des dommages irréversibles ?

Quoi qu'il en soit, si je regrette que cette question cruciale soit renvoyée à des travaux futurs, qui ne seront pas achevés avant plusieurs années, je reconnais bien volontiers que la ratification de l'annexe au protocole constitue une première étape et une avancée. Elle est cependant modeste au vu des enjeux climatiques auxquels font face les régions polaires, et qui nous imposent d'agir bien au-delà de la simple ratification d'accords internationaux. L'Antarctique, plus particulièrement, est à l'avant-poste de la menace grandissante du dérèglement climatique. L'écosystème marin, tout d'abord, est mis en péril par la disparition du krill, cette espèce indispensable à la chaîne alimentaire de l'Antarctique. La base de l'alimentation de beaucoup d'espèces est victime de la pêche intensive.

Mais sur le long terme, la menace la plus importante pour la région est sans conteste le réchauffement climatique. Il provoque déjà la fonte des glaces et la contraction des glaciers. Sur ce continent, la disparition des glaces est synonyme de disparition des sites de nidification et d'alimentation pour de nombreuses espèces. Partout dans le monde, la fragilisation des barrières de glace risque de conduire à une dangereuse montée du niveau de la mer. L'enjeu est de taille, puisque l'élévation des mers se traduira par davantage d'inondations, obligera à des révisions coûteuses des infrastructures côtières et entraînera des déplacements de population importants.

Autre menace majeure : celle de franchir un point de rupture dans le réchauffement climatique, qui conduirait à une rédaction en chaîne et à une succession d'événements climatiques graves. La fonte des calottes polaires pourrait, selon certains scientifiques, avoir pour conséquence de libérer le méthane et le CO2 emprisonnés dans le permafrost et de délivrer ainsi l'équivalent d'environ quinze années d'émissions humaines de gaz à effet de serre.

L'Antarctique n'est plus seulement le témoin à distance du réchauffement de la planète : il est aussi en passe de devenir un acteur majeur du dérèglement climatique. Son sort ne devrait pas intéresser que quelques passionnés du grand froid, mais bien nous engager collectivement, car – cela a déjà été dit – tout ce qui touche l'Antarctique influe sur le monde, et réciproquement.

C'est pourquoi le groupe Libertés et territoires votera pour ce texte, qui représente une première étape en vue d'une plus grande protection de l'Antarctique.

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