Le régime de protection prolongée ne constitue pas la règle ; les exceptions au droit de communication concernent des cas extrêmement rares. En effet, certains documents peuvent conserver une sensibilité avérée qui s'oppose donc à leur communicabilité, même si le délai de cinquante ans est dépassé.
Je prendrai deux exemples. Le premier porte sur le plan d'un établissement pénitentiaire. Nous connaissons tous le patrimoine de nos prisons, certaines sont récentes, d'autres ne le sont pas. Tant que l'établissement pénitentiaire, qui peut avoir plus de cent ans, est utilisé, alors ses plans constituent une donnée très sensible dont la divulgation n'est pas pertinente.
Le second exemple concerne la base de sous-marins nucléaires lanceurs d'engins de l'île Longue, qui a été créée dans les années soixante. En ce moment même, nous y procédons à des investissements importants appelés à durer. Ainsi, cent ans après sa création, la base et ses plans de construction constitueront des éléments très sensibles qui s'opposeront, en cas de demande, à la communication desdits plans par exemple.
Voilà deux exemples montrant que même au-delà de cent ans, la sensibilité des informations demandées peut dans certains cas – certes peu nombreux – demeurer intacte.
Néanmoins, il ne s'agit pas de donner carte blanche à l'administration et de lui conférer un droit d'appréciation qui ne serait pas encadré. Certains éléments répondent ainsi à des critères objectifs ; les exemples que je viens de prendre en sont l'illustration même.
Par ailleurs, en cas de litige, il existe des procédures : il est possible de saisir la Commission d'accès aux documents administratifs (CADA) ; le juge administratif exerce un contrôle entier pour s'assurer que l'administration aura soupesé convenablement, d'une part, les intérêts du demandeur, celui qui souhaite accéder à ces documents, et, d'autre part, la préservation de notre souveraineté.
La recherche du bon équilibre est un exercice parfois délicat. J'insiste vraiment, le plafonnement à cent ans qui, de prime abord, peut paraître de bon sens peut s'avérer compliqué à appliquer dans la vie concrète. Le régime prévu par l'article 19 prévoit quelques dérogations qui n'ont pas vocation à être la règle ; c'est un régime d'exception qui doit pouvoir s'appuyer sur des considérations objectives.
J'espère vous avoir convaincus que cet article n'a pas pour objet d'empêcher l'accès des chercheurs, des historiens et de nos concitoyens aux archives, mais de concilier deux principes qui sont éminemment respectables. La solution que nous avons trouvée me paraît équilibrée et de bon sens.