Intervention de Clément Beaune

Séance en hémicycle du lundi 18 octobre 2021 à 16h00
Projet de loi de finances pour 2022 — Article 18 et débat sur le prélèvement européen

Clément Beaune, secrétaire d'État chargé des affaires européennes :

Je suis très heureux de me trouver, cette année encore, devant l'Assemblée pour lui demander, au nom du Gouvernement, d'autoriser le prélèvement sur les recettes de l'État au profit de l'Union européenne (PSR-UE), qui s'élèverait en 2022 à 26,4 milliards d'euros, soit une contribution légèrement inférieure – de 800 millions d'euros – au montant inscrit en loi de finances initiale (LFI) pour 2021.

Depuis un an, le choix d'une réponse budgétaire commune et ambitieuse en Europe, défendu par la France, a été validé et mis en œuvre. Depuis que j'ai eu l'honneur de présenter devant vous la contribution française au titre de l'année 2021, la solidarité budgétaire en Europe a en effet donné lieu à des avancées majeures : elle est désormais en acte, comme en témoigne le déploiement du plan de relance européen dont nous avions débattu l'an dernier. Depuis un an, ce plan a enfin été adopté par les vingt-sept États membres, selon leurs procédures démocratiques et parlementaires respectives. Ce processus fut long – trop, au goût de certains, et je partage cette impatience –, mais ce fut un temps de débat démocratique et politique : ce ne sont donc pas des lourdeurs bureaucratiques qui ont retardé l'exécution de ce plan de relance si nécessaire.

Les plans de relance de dix-neuf États membres ont déjà été approuvés – les plans de vingt-cinq États ont été soumis à leurs partenaires européens et à la Commission européenne. Des financements à hauteur de plus de 50 milliards d'euros ont déjà été distribués aux États concernés, dont, vous le savez, 5,1 milliards d'euros à la France. La Commission européenne a émis, dans ce cadre, plus de 70 milliards d'euros de dette commune et a réalisé ces derniers jours une première émission verte pour un montant de 12 milliards d'euros. Je tiens à le souligner, car les opérations de ce type, qui répondent à nos différentes ambitions européennes – budgétaire, économique, climatique –, feront progressivement de l'Union européenne le premier émetteur de titres d'endettement vert au monde.

Au-delà du plan de relance, le budget européen bénéficie de moyens préservés, voire renforcés, pour déployer des politiques jugées essentielles et prioritaires par la France, comme la politique agricole commune (PAC), la cohésion, la santé, la recherche, le climat, ou encore le programme Erasmus d'échange d'étudiants ou d'apprentis, qui célébrera ses 35 ans l'an prochain. Ces moyens accrus monteront en puissance au cours de l'année 2022, deuxième année de la programmation budgétaire 2021-2027.

Cette solidarité a permis aux pays européens de résister ensemble à la crise, en retrouvant, pour la plupart d'entre eux, leur niveau d'activité d'avant-crise dès la fin de l'année 2021 – ce qui n'était pas l'horizon espéré l'an dernier. Elle leur permet par ailleurs de se projeter dans une reprise économique solide, juste et écologique. Ces moyens européens, dont je vous demande d'approuver la part française, sont en effet au service d'une ambition politique importante et, je crois pouvoir le dire, française.

Depuis un an, l'Union européenne a poursuivi sa mue et progressé sur les chantiers majeurs défendus par notre pays et d'autres, en affirmant davantage sa souveraineté. Dans tous les domaines, l'Europe a mis fin à une certaine naïveté, même s'il reste à l'évidence un long chemin à parcourir, et a renforcé les actions permettant de rénover ses politiques pour affirmer sa puissance internationale. Elle l'a d'abord fait dans le domaine du numérique, en proposant par exemple de réguler certaines pratiques de marché et d'inciter les grandes plateformes numériques à assumer la responsabilité qu'elles portent au titre des produits qu'elles vendent et des contenus qu'elles diffusent, mettant ainsi fin au mythe de la neutralité des intermédiaires dont profitent actuellement ces acteurs.

En matière environnementale, comme je le mentionnais, l'Europe a agi en proposant le 14 juillet dernier un ensemble de mesures qui lui permettront d'exposer clairement la façon dont elle atteindra ses objectifs climatiques – les plus ambitieux au monde, mais aussi les plus concrets, puisque treize textes législatifs importants traduisent désormais nos ambitions de réduction des émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2030 et notre objectif d'atteinte de la neutralité carbone d'ici à 2050.

Mais l'Europe s'est aussi affirmée en matière de commerce international, en proposant enfin un encadrement des subventions versées par les pays tiers aux entreprises qui opèrent sur son marché, ou encore en travaillant à l'instauration d'un devoir de vigilance des entreprises ou à l'interdiction des produits issus du travail forcé. En matière sociale, l'Europe avance sur la question des salaires minimums en son sein pour faire face au dumping social et travaille au renforcement des droits des travailleurs des grandes plateformes numériques.

C'est à cette Europe, imparfaite mais en voie de réforme et capable d'agir dans le monde pour défendre ses intérêts et ses valeurs comme pour mieux protéger ses citoyens et ses entreprises, que je vous demande d'apporter la contribution de la France, qui s'inscrit dans ce contexte politique de réforme.

Ces efforts, nous les poursuivrons au premier semestre 2022 sous la présidence française du Conseil de l'Union européenne. Cette présidence sera une occasion rare, comme il n'en arrive désormais que tous les quatorze ans, de faire progresser l'agenda français – mais partagé, me semble-t-il – en Europe, notamment sur les questions numériques, environnementales et sociales. Plus que jamais, la France devra alors défendre sa vision d'une Europe répondant à un triptyque relance, puissance et appartenance, pour renforcer les actions de l'Europe en faveur de l'investissement dans les transitions numérique et verte et pour promouvoir une Europe capable de projeter son modèle et ses valeurs dans le monde, une Europe rendue non seulement plus proche des citoyens par des réformes concrètes, mais aussi plus proche des territoires, auxquels elle doit apporter des solutions et un soutien tangibles – car la relance passe également par un soutien massif à l'investissement local.

Je crois pouvoir dire, sans arrogance française mal placée que, sous l'action résolue et constante de la France, dans une logique de partenariats renforcés et par-delà les sensibilités politiques, l'Europe change depuis quatre ans. L'année 2022 et le budget auquel je demande à l'Assemblée de bien vouloir autoriser la contribution française seront l'occasion d'approfondir cette vaste transformation.

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