Intervention de Laurent Saint-Martin

Séance en hémicycle du lundi 18 octobre 2021 à 16h00
Projet de loi de finances pour 2022 — Article 18 et débat sur le prélèvement européen

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaurent Saint-Martin, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

Confrontée à une crise sanitaire sans précédent, l'Union européenne a su réagir vite et bien, en partie parce qu'elle a su apprendre des crises précédentes, notamment de la crise de 2008. Elle a ainsi permis à la France et à ses voisins européens de bénéficier d'outils, d'aides d'urgence, ainsi que d'un plan de relance – j'y reviendrai. Il faut néanmoins, désormais, préparer la sortie des mesures d'urgence, comme nous le faisons au plan national en mettant fin au « quoi qu'il en coûte », anticiper les problématiques liées au plan de relance et consolider l'avenir. Aussi, en tant que rapporteur général du budget, consacrerai-je ces quelques minutes de prise de parole à deux enjeux qu'il me paraît essentiel d'aborder : les futures règles d'encadrement des finances publiques au lendemain de la crise et les modalités de remboursement de l'endettement commun.

Concernant, d'abord, l'évolution des règles d'encadrement des finances publiques et des politiques macroéconomiques nationales, rappelons que la clause dérogatoire générale du pacte de stabilité et de croissance (PSC), qui a pour conséquence de suspendre cet encadrement, a été mise en œuvre pour la première fois en 2020 – c'était heureux et nécessaire – et qu'il est prévu d'y mettre un terme à la fin de l'année 2022, c'est-à-dire dans à peine plus d'un an. Il nous faut donc, dès à présent, progresser sur cette question de l'évolution des règles d'encadrement, car le pacte de stabilité et de croissance, qui prévalait jusqu'alors, a montré ses limites avant la crise sanitaire, en conduisant au déploiement de politiques procycliques sans permettre une véritable maîtrise de l'endettement.

Pour ma part, j'estime non seulement que les nouvelles règles européennes devront mieux prendre en considération les conséquences de la crise sur les déficits et les niveaux d'endettement, mais aussi et surtout qu'il faudra encourager l'investissement, en particulier l'investissement productif ayant vocation à décarboner l'économie, pour favoriser une reprise forte et massive de la production en Europe et dans les économies nationales.

S'agissant du second point, à savoir la nécessité de progresser sur les modalités de remboursement de la dette commune émise par la Commission européenne pour financer le plan de relance Next Génération EU, rappelons le caractère inédit de ce plan : voilà un peu plus d'un an, nous nous félicitions ici de cette avancée majeure à l'échelle communautaire. Qui aurait cru, il y a dix-huit mois, que l'Europe serait capable de définir aussi rapidement un programme d'endettement commun de 750 milliards d'euros ? La France en sera bénéficiaire, à hauteur de 45 milliards d'euros courants, dont 40 milliards qui seront directement consacrés au financement de son plan de relance, lequel s'articule autour des trois priorités que chacun ici connaît désormais : la transition écologique, la compétitivité et la cohésion nationale.

Selon les termes de la décision relative au système des ressources propres de l'Union européenne du 14 décembre 2020, les fonds empruntés dans le cadre du plan de relance devront être remboursés à partir de 2028, ou de manière anticipée si de nouvelles ressources propres sont introduites d'ici là. J'insisterai sur ce dernier point.

Je voudrais que chacun ait à l'esprit le fait qu'en l'absence de nouvelles ressources propres, le PSR-UE que nous votons chaque année serait évidemment amené à augmenter, puisque nous devrions contribuer, à due concurrence de notre revenu national brut (RNB), au remboursement de l'endettement communautaire. Cette hausse, qui représenterait environ 2,5 milliards d'euros sur trente ans, ne serait pas une mince affaire sur le plan budgétaire. Il est donc aussi dans notre intérêt d'inviter l'Europe à progresser sur la question des ressources propres. Dans cette perspective, la Commission européenne a été invitée à faire, au premier semestre 2021, des propositions relatives à l'introduction d'un mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, d'une taxe sur le secteur du numérique et d'une ressource propre fondée sur le système d'échange de quotas d'émission de l'Union européenne (SEQE-UE), qui auraient vocation à s'appliquer en 2023.

Il a également été demandé à la Commission européenne de faire, d'ici à 2024, des propositions relatives à l'instauration d'une taxe sur les transactions financières (TTF). Ainsi, lorsque nous répondons, dans le cadre des longs débats qui se tiennent régulièrement sur ces bancs sur la création de la TTF, que l'enjeu est désormais européen, nous renvoyons précisément à la nécessité de dégager de nouvelles ressources propres européennes afin de rembourser l'endettement commun.

Compte tenu des enjeux budgétaires qui y sont liés, la question du remboursement du plan européen devient majeure. Monsieur le secrétaire d'État, nous souhaiterions bien sûr savoir non seulement quel sera le nouvel agenda de la Commission européenne, mais aussi dans quelle mesure la présidence française du Conseil de l'Union européenne, pendant le premier semestre de l'année 2022, sera au rendez-vous de ces deux grandes questions que sont l'encadrement des finances publiques et le remboursement de la dette.

Je propose à l'Assemblée nationale d'approuver l'article 18 du projet de loi de finances pour 2022, qui fixe à 26,4 milliards d'euros le montant de notre contribution en 2022 au fonctionnement et aux actions de l'Union européenne, soit sensiblement le même montant qu'en 2021.

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