Intervention de Marie-Christine Dalloz

Séance en hémicycle du lundi 18 octobre 2021 à 16h00
Projet de loi de finances pour 2022 — Article 18 et débat sur le prélèvement européen

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Christine Dalloz, suppléant M. Éric Woerth, président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

Pour l'année 2022, l'article 18 du projet de loi de finances fixe le montant du prélèvement sur recettes en faveur de l'Union européenne à 26,4 milliards d'euros, un montant en léger retrait par rapport à celui arrêté pour 2021, qui devrait être, d'après la correction apportée cet été dans la première loi de finances rectificative pour 2021, de 26,5 milliards. Cette légère baisse ne saurait cependant faire oublier la très forte progression qu'a connue ce prélèvement sur recettes depuis 2019. Il s'élevait alors à 21 milliards d'euros, ce qui représente une augmentation de 25 % en quatre ans. Et si l'on regarde un peu en arrière, je rappelle que son montant en 2008 était de 16,6 milliards : c'est donc une hausse de 10 milliards que nous aurons connue en quatorze ans. Ce prélèvement représente désormais près de 7 % des dépenses nettes du budget de l'État français, soit un montant supérieur au budget de la mission "Sécurités" , et seules quelques missions budgétaires très importantes le dépassent : Solidarité, insertion et égalité des chances, Recherche et enseignement supérieur, Défense et Enseignement scolaire.

Plusieurs facteurs ont contribué à cette forte croissance du prélèvement français ces dernières années, en particulier l'augmentation des rabais consentis à certains pays à l'occasion du nouveau cadre financier pluriannuel 2021-2027. Ce phénomène a mécaniquement conduit à accroître la part de la France dans la contribution au budget de l'Union européenne. Nous sommes en effet le principal contributeur à ces corrections mais ne bénéficions d'aucun rabais. La France figure également parmi les tout premiers contributeurs nets au budget de l'Union européenne. Alors qu'elle abonde les ressources communautaires à hauteur de 18 %, les dépenses de l'Union européenne bénéficiant à la France sont de l'ordre de 11 %.

Si notre contribution à la maison commune est donc importante, elle n'en permet pas moins de mener une action qui, dans le contexte de la crise, s'est révélée particulièrement utile pour accompagner les États aussi bien dans la réponse sanitaire, dès 2020, que dans la construction des plans nationaux de relance, en 2021. Les premiers versements aux États membres, dont les plans nationaux de relance et de résilience ont été validés cet été, ont représenté 51,4 milliards d'euros et ont concerné seize États membres. La France, qui a déjà reçu, à ce titre, 5,1 milliards d'euros, devrait au total recevoir 39,4 milliards de subventions. Ces montants sont certes élevés mais, une fois encore, il faut les remettre en perspective : l'Espagne, avec 69,5 milliards d'euros, et l'Italie, avec 68,9 milliards, recevront une part bien plus importante de l'effort européen, la clé de répartition retenue ayant été conçue en fonction d'une mesure de l'impact de la crise sur chaque pays.

Une question fondamentale, et non résolue à ce jour, est celle des ressources propres à privilégier pour financer l'engagement de l'Union européenne dans le financement de la relance de l'économie de chacun de nos pays. Comme en avait décidé le Conseil européen, c'est le produit des nouvelles ressources propres créées après 2021 qui doit être utilisé pour assurer le remboursement des emprunts contractés par l'Union européenne pour financer la relance. Nous avons tout intérêt à développer des ressources propres en carbone, dont les recettes pourraient s'avérer très importantes. La Commission européenne a d'ailleurs proposé le 14 juillet 2021 l'instauration d'un mécanisme d'ajustement carbone aux frontières et d'un système d'échange de quotas d'émission carbone aux frontières. Ces ressources propres favorables à l'environnement prolongeraient la démarche et l'esprit qui ont présidé à la mise en place de la taxe sur les déchets non recyclés.

Il ne faudrait pas toutefois que la création de ces taxes conduise à alourdir la pression fiscale pesant sur les consommateurs européens. L'instauration d'une taxe sur les services numériques comme autre ressource propre n'est pas souhaitable dans le contexte de l'instauration, au niveau de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), d'une imposition mondiale minimale des grandes entreprises multinationales. Il est vrai – et cela mérite d'être rappelé – que les entreprises numériques connaissent un taux d'imposition effectif plus de deux fois inférieur à celui des entreprises traditionnelles. Cependant l'approche retenue par l'OCDE et le G20 est de ne pas se contenter de cibler l'économie numérique mais au contraire de trouver une solution globale. L'Union européenne a tout intérêt à voir aboutir la réforme engagée à l'échelle de l'OCDE ; le fait de ne pas créer de ressource propre numérique devrait y contribuer.

Nous nous trouvons face au double enjeu de réussir, dans le cadre de l'OCDE, la réforme de l'imposition mondiale minimale des entreprises et, dans le cadre de l'Union européenne, la création de nouvelles ressources propres. Si jamais la réforme des ressources propres achoppe, ce sont les États membres qui devront directement accroître leurs contributions respectives au budget communautaire et assurer ainsi le remboursement des emprunts contractés par la Commission européenne. Compte tenu de la part de la France dans cet effort collectif, ce serait un échec pour notre pays. À la veille de la présidence française de l'Union européenne, nous devons avoir conscience de ces enjeux et contribuer à les relever avec succès.

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