Intervention de Lamia El Aaraje

Séance en hémicycle du lundi 18 octobre 2021 à 16h00
Projet de loi de finances pour 2022 — Article 18 et débat sur le prélèvement européen

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLamia El Aaraje :

Le débat sur le PSR-UE a été marqué en 2020 par trois décisions importantes, qui ont eu des conséquences majeures sur le budget de l'Union et ont entraîné la hausse de la contribution française à ce même budget : l'accord sur le cadre financier pluriannuel pour la période 2021-2027, qui s'élève à 1 074 milliards d'euros ; l'accord sur le plan de relance européen, d'un montant de 750 milliards d'euros ; et la décision relative aux ressources propres (DRP).

Le PSR-UE prévu dans le projet de loi de finances pour 2022 est stable par rapport au précédent – 26,4 milliards d'euros –, mais il demeure à un niveau historiquement élevé depuis l'importante hausse de près de 5 milliards d'euros qu'il a connue entre 2020 et 2021 et qui représentait une augmentation de près de 25 %.

Revenons tout d'abord sur l'accord relatif au cadre financier pluriannuel 2021-2027, conclu par le Conseil européen de juillet 2020. Il prévoit un plafond de 1 074 milliards d'euros en crédits d'engagement et de 1 210 milliards d'euros en crédits de paiement. En y ajoutant le plan de relance européen de 750 milliards d'euros – 390 milliards d'euros de subventions et 360 milliards d'euros de prêts –, la totalité des sommes agrégées équivaut à un effort financier de plus de 2 018 milliards d'euros, soit 1,8 % du revenu national brut des vingt-sept États membres de l'UE.

Cet effort est considérable et devrait permettre de relancer l'investissement d'ici la fin de l'année 2023. Même si les montants sont élevés et constituent une augmentation sans précédent des financements communautaires, l'accord sur le CFP présente un certain nombre d'écueils. Il pérennise tout d'abord – alors qu'il aurait dû y mettre fin – les rabais octroyés à certains États membres dont les « quatre frugaux » – Pays-Bas, Suède, Autriche, Danemark – et l'Allemagne, pour un montant de 7,5 milliards d'euros sur sept ans.

Ensuite, le compromis relatif à l'accord sur la conditionnalité liée à l'État de droit est en net retrait par rapport aux propositions antérieures. Il fait peser un sérieux doute sur l'efficacité du recours à un tel mécanisme, en exigeant désormais que les sanctions soient adoptées à la majorité qualifiée – dans la version antérieure, c'était aux États membres visés par cette procédure de trouver eux-mêmes une majorité qualifiée pour empêcher les sanctions d'entrer en vigueur.

Enfin – c'est le dernier écueil –, les fonds concernant plusieurs programmes importants ont été réduits par rapport aux propositions antérieures de la Commission et du Parlement européen.

S'agissant du plan de relance européen, la France a été dotée de 40 milliards d'euros de subventions, dont 70 % auront été engagées en 2021 et 2022 et 30 % d'ici la fin de 2023. Le plan de relance européen et le cadre financier pluriannuel ont en effet eu des conséquences structurelles profondes, à la fois sur le niveau de dépense des budgets pluriannuels et sur le niveau des contributions nationales au budget européen.

Par ce prélèvement sur recettes, la contribution nationale de la France, qui a déjà augmenté de 5 milliards d'euros par rapport au PLF pour 2020 – elle est stable par rapport à 2021 –, reste historiquement élevée dans le PLF pour 2022. Le PSR-UE représente 10,5 % des recettes fiscales françaises. L'importante hausse constatée par rapport à 2020 s'explique en grande partie par les augmentations générales des dépenses et par l'introduction d'une nouvelle méthode pour calculer la contribution nationale de chaque État membre.

Cependant, il convient de noter que le calcul final de la contribution française pour 2022 reste soumis à de nombreux aléas budgétaires et peut encore faire l'objet de modifications. Je pense notamment aux incertitudes qui demeurent quant au fait que le Royaume-Uni s'acquitte finalement de l'ensemble de ses obligations financières, tout de même évaluées à 47,5 milliards d'euros mais qui ont été récemment contestées par le gouvernement britannique.

Face à l'augmentation inexorable des contributions nationales au budget de l'UE et aux besoins de financement qui seront dans le futur de plus en plus importants pour investir dans les transitions énergétique et numérique, il conviendrait de générer un financement pérenne et autonome de l'UE en adoptant de véritables ressources propres qui soient substantielles. La Commission européenne prépare la publication d'un paquet « Ressources propres » prévoyant l'introduction d'un panier de nouvelles ressources, à même de garantir un niveau adéquat de financement des dépenses de l'Union dans le CFP. D'après le Parlement européen, ces ressources doivent être « fondées sur l'assiette commune consolidée pour l'impôt sur les sociétés, les recettes nationales provenant du système d'échange de quotas d'émission de l'Union européenne ».

Une telle réforme est urgente : le financement du plan de relance européen implique de dégager pour environ 15 milliards d'euros de nouvelles ressources par an à l'horizon 2028 et jusqu'en 2058. À défaut, c'est la contribution des États membres qui devrait être encore augmentée.

S'agissant des enjeux à plus long terme, il n'est pas sans utilité de rappeler que du succès du plan de relance européen dépendra aussi l'élaboration et la constitution plus formelle, au niveau de l'UE, d'une véritable union budgétaire. Il faut désormais se tourner vers ce qui viendra après le plan de relance européen et, de ce point de vue, deux options complémentaires s'offrent dans le futur à l'UE : elle devra pérenniser ce puissant outil d'investissement en l'institutionnalisant, alors qu'il n'est actuellement que temporaire, tout en assouplissant durablement les règles budgétaires qui la régissent. Nous appelons de nos vœux une telle réforme. Aussi, monsieur le secrétaire d'État, souhaitons-nous connaître votre point de vue sur ce sujet et savoir comment vous envisagez les futures étapes de l'intégration européenne en matière budgétaire.

Le groupe Socialistes et apparentés apportera son soutien au prélèvement sur recettes au profit de l'UE, qu'il considère comme une contribution nécessaire et indispensable à la solidarité européenne, dont nous avons tous tant besoin.

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