Intervention de Sylvia Pinel

Séance en hémicycle du jeudi 21 octobre 2021 à 9h00
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSylvia Pinel :

La dernière loi de financement de la sécurité sociale du quinquennat porte les stigmates de décennies de désorganisation et de sous-financement de notre système de santé, qu'une crise sanitaire d'une intensité inédite est encore venue aggraver. Aujourd'hui, pour le dire en quelques mots, notre système de santé est à l'image de nos soignants : à bout de souffle.

Nous étions mal préparés à traverser une crise comme celle de l'épidémie de covid-19, mais nous avons tenu. Nous avons tenu grâce au dévouement et à l'abnégation des personnels de santé. Je veux une nouvelle fois exprimer ma profonde gratitude à l'ensemble des personnels soignants.

Nous avons également tenu grâce à notre système de protection sociale, qui sort fortement fragilisé de cette crise. À présent, c'est donc à son chevet qu'il nous faut nous porter. Cette année, son déficit atteindra plus de 30 milliards d'euros – et la trajectoire anticipe un déficit stagnant autour de 15 milliards d'euros jusqu'en 2025 ! Ces déficits abyssaux remettent en cause jusqu'à la pérennité de notre système de protection sociale.

À ces inquiétudes s'ajoute l'incertitude quant à une possible reprise épidémique. Cette hypothèse ne doit pas être écartée, nous aurions tort de penser que la crise sanitaire est dernière nous.

Aussi, notre première interrogation à l'endroit de ce projet de loi concerne les dépenses exceptionnelles liées au Covid. Vous ne provisionnez que 4,9 milliards d'euros pour 2022, alors qu'elles ont été de 18 milliards en 2020 et de 14 milliards en 2021. Cela pose la question suivante, qui vaut pour l'ensemble du PLFSS : sommes-nous prêts ? Qu'il s'agisse de l'accès aux soins, du soutien à l'autonomie et, plus largement, de nos politiques de solidarité sommes-nous armés, équipés pour affronter les défis qui nous font face ? Rien n'est moins sûr.

S'agissant tout d'abord de l'accès aux soins, les difficultés s'aggravent. L'hôpital public est à un point de rupture. Vous vous félicitez de nous présenter le « premier PLFSS depuis 2007 sans économies, mêmes cachées, pour l'hôpital ». Il faut en effet s'en réjouir, mais cela en dit long, après tant d'années de restrictions budgétaires, qui ne nous honorent pas. Je me rappelle aussi que, l'an dernier, en pleine crise sanitaire, 4 milliards d'euros d'économie étaient votés dans le cadre de l'examen du PLFSS. Ne pas en ajouter cette année était donc le minimum.

Dans ce contexte, les mesures du Ségur de la santé étaient nécessaires, et nous l'avons dit. Malheureusement, elles restent insuffisantes pour relancer l'attractivité des métiers hospitaliers. Elles étaient par ailleurs incomplètes, et il était essentiel de rectifier le tir.

Je pense bien entendu aux sages-femmes, grandes oubliées du Ségur. Celles exerçant à l'hôpital bénéficieront à partir de janvier d'une prime de 100 euros et d'une hausse de salaire d'environ 100 euros brut par mois. Cela reste en deçà de leurs revendications, légitimes au regard des missions qu'elles accomplissent. Surtout, cela ne règle en rien les questions liées à leur statut au sein de la fonction publique hospitalière, lequel est vécu comme une forme de mépris pour leurs qualifications et leurs compétences. Rien d'étonnant, dès lors, que l'on assiste à des départs de plus en plus nombreux vers le secteur libéral et à une désaffection durable pour le métier.

Je pense également aux agents et aux salariés oubliés des secteurs sociaux et médico-sociaux. Là encore, trop de professionnels des secteurs du handicap, de l'aide à domicile ou de la protection de l'enfance restent écartés. Une réponse doit impérativement être donnée, en lien avec les départements.

Je relève d'ailleurs que les retards dans la mise en œuvre des revalorisations ont été préjudiciables. Les différences de traitement ont entraîné des distorsions, entre secteurs ou entre établissements, selon qu'ils sont publics ou privés, lucratifs ou non. À tel point que des départs ont eu lieu, au gré des négociations, vers les établissements concernés par les revalorisations.

Il en résulte que la crise des recrutements n'a jamais été aussi forte. À l'hôpital public, le choc d'attractivité espéré après le Ségur n'a pas eu lieu. Si les annonces ont suscité beaucoup d'espoir, le quotidien des personnels n'a hélas pas vraiment changé : praticiens et infirmières continuent de manquer ; les lits et services continuent de fermer ; les blocs opératoires tournent au ralenti.

Les grands hôpitaux, d'ordinaire attractifs, rencontrent, eux aussi, des pénuries de personnels. Pas moins de 820 postes d'infirmiers sont toujours à pouvoir pour la seule AP-HP. En France, 30 % de postes de médecins sont vacants – oui, 30 % !

La situation est plus que critique, et elle risque d'empirer puisque les promotions sortantes des écoles d'infirmiers sont moins importantes que les précédentes.

Nous sommes en plein cercle vicieux : du fait de ces départs, les restructurations se poursuivent, comme les économies et les fermetures de lits. Dès lors, la charge de travail des personnels augmente, le ratio infirmier/patient se dégrade, provoquant de nouveaux départs. En ce moment, les urgences pédiatriques sont saturées, alors que nous entrons en période d'épidémie de bronchiolites. Les enfants sont alors transférés dans des services inadaptés, faute de places. Nous ne pouvons accepter une situation dans laquelle les personnels passent leur temps à chercher des lits pour des patients trop nombreux dans des services en sous-effectifs.

Dans ce contexte, une question se pose à mesure que l'inquiétude monte du terrain : allez-vous reporter l'application du décret encadrant le recours à l'intérim médical, qui doit entrer en vigueur ce 27 octobre ?

Nous ne pourrons malheureusement pas défendre les amendements par lesquels nous proposions qu'on garantisse un nombre minimal de soignants par patient ou un nombre minimal de lits correspondant aux besoins des territoires : ils ont été jugés irrecevables. De tels ratios permettraient pourtant de garantir la sécurité des patients et la qualité des soins.

Je veux aussi insister sur la nécessité d'être vigilant concernant les projets d'investissement rendus possibles par la reprise de la dette hospitalière votée l'an dernier. Ces projets structurants doivent impérativement servir un objectif d'amélioration de la qualité et de la proximité des soins. Notre groupe défendra des amendements en ce sens.

Cela semble aller de soi mais, sur le terrain, des inquiétudes se font sentir. À titre d'exemple, dans le Tarn-et-Garonne, le projet de restructuration du centre hospitalier de Montauban, qui est absolument nécessaire, ne doit pas obérer les capacités d'investissement et les besoins du centre hospitalier intercommunal Castelsarrasin-Moissac, le CHICM, ni, à terme, sa pérennité.

Nous devons veiller à ce que les réorganisations hospitalières n'éloignent pas les citoyens de la santé, les obligeant à parcourir des kilomètres pour se soigner. Plus largement, c'est la question de la désertification médicale qui inquiète, et les réponses apportées ne sont pas suffisantes. En Occitanie, nous connaissons malheureusement trop bien ce phénomène en milieu rural, mais aussi désormais en ville. Les délais de rendez-vous chez les généralistes et les spécialistes ne cessent de s'allonger.

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