Intervention de Olivier Véran

Séance en hémicycle du jeudi 13 janvier 2022 à 9h00
Reconnaissance de l'endométriose comme une affection de longue durée — Discussion générale

Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé :

Mesdames et messieurs les députés, je vous remercie de nous donner la possibilité de débattre de la prise en charge de cette maladie chronique, insuffisamment connue et pourtant très fréquente, qu'on disait volontiers invisible et qui est pourtant ancienne, qu'est l'endométriose. Elle a émergé il y a quelques décennies – non pas en tant que maladie, puisqu'on sait depuis le XIXe siècle que des patientes en souffrent, mais en tant qu'affection visible par la société – et a pris une place de plus en plus importante. Pourquoi ? Parce que la parole s'est progressivement libérée, parce que la recherche a progressé et que la connaissance des tenants et aboutissants de cette maladie chronique a avancé.

Vous l'avez très bien dit, mesdames les députées qui êtes intervenues, et je ne reprendrai pas tous vos propos. C'est la situation, hélas encore trop classique dans notre pays et dans la plupart des pays occidentaux, de cette adolescente qui a des douleurs de règles épouvantables et à qui on dit : « C'est normal, ce sont les règles. » C'est la situation de cette collégienne ou de cette lycéenne, obligée d'aller à l'infirmerie deux ou trois jours par mois, parfois sans qu'on puisse suspecter qu'elle présente une maladie chronique qui peut se traiter. C'est la situation de cette jeune femme qui finit par consulter des médecins – son médecin généraliste, ou d'autres –, leur parlant de douleurs prégnantes et invalidantes. Avec un retard au diagnostic de sept ans en moyenne dans notre pays, on va lui dire pendant plusieurs années : « On va voir, on va peut-être faire une échographie, ce sont des douleurs, mais c'est hormonal. » C'est l'histoire de cette femme, en âge d'exercer sa profession, obligée de s'arrêter de travailler de temps en temps parce qu'elle a trop mal, ou d'aller au travail avec la boule au ventre et de passer une très mauvaise journée. C'est l'histoire de ces femmes qui se rendent compte qu'elles souffrent de cette maladie chronique depuis des années au moment de la prise en charge d'un parcours d'infertilité – elle est en effet la première cause de ce problème.

Que faire face à cette pathologie ? Cela a été très bien dit et c'est tout l'objet du plan national voulu par le Président de la République, à l'issue d'une mission que j'avais confiée, il y a près d'un an, à une spécialiste : la députée européenne, mais aussi et surtout gynécologue, Chrysoula Zacharopoulou. Elle s'est beaucoup entourée ; les services de mon ministère ont accompagné les travaux de la mission, en lien avec les professionnels de tout le pays, avec les chercheurs et les associations de malades. C'est fondamental d'écouter la parole des malades ; les associations sont structurées, bien organisées et parfaitement au fait des tenants et aboutissants de cette maladie.

Il faut développer la recherche fondamentale car de nombreuses questions se posent encore sur les origines de la maladie. A-t-elle une origine génétique ? Peut-on, à terme, envisager une thérapie génique ?

Il faut aussi développer la recherche sur les traitements. Il existe actuellement des traitements hormonaux, antalgiques et, parfois, des traitements chirurgicaux, lorsque des brides se sont développées dans le péritoine et ont envahi d'autres organes, provoquant un handicap encore plus important. Ce n'est heureusement pas la règle, mais cela arrive souvent.

Il faut également développer la recherche sur les moyens diagnostiques, dont on sait qu'ils évoluent. Ces moyens sont l'échographie, qui peut être endovaginale dans certaines situations, et l'IRM – imagerie par résonance magnétique –, nous disent les spécialistes. Mais il faut des radiologues capables de bien lire l'IRM abdominale d'une patiente souffrant d'endométriose ; ce n'est pas forcément à la portée de tous les radiologues.

Tout cela implique un parcours de diagnostic et de prise en charge très précis, très spécifique, hyperspécialisé, lequel nécessite à mon sens une structuration de la prise en charge dans les territoires pour qu'il n'y ait pas une Française qui ne sache à qui s'adresser, dans la région ou le département dans lequel elle réside, pour trouver le bon spécialiste au bon moment, capable de faire le juste diagnostic et de lui proposer le bon traitement.

Comme vous le voyez, recherche fondamentale, recherche appliquée dans le domaine du diagnostic et du traitement, structuration de réseaux de prise en charge : tout cela est essentiel, mais il y a aussi un côté sociétal. Je ne jette la pierre à personne car la maladie, si elle a désormais émergé dans l'agenda public, était jusqu'alors mal connue. Toutefois, quand l'alerte est donnée par une jeune patiente, il ne faut plus qu'elle soit mésestimée par le milieu scolaire ou le milieu médical ; elle doit être immédiatement suivie d'effets, et l'intégration de cette patiente dans un parcours diagnostique et thérapeutique doit se faire le plus tôt possible. La parole des femmes doit être entendue, écoutée et accompagnée. C'est tout le volet sociétal que veut développer le Président de la République à travers ce plan national.

Il y a, enfin, la question de la prise en charge des soins. Cette question est présente dans la proposition de résolution et elle est légitime – j'insiste là-dessus, car ce point, sur lequel vous êtes unis, n'est pas simple. Nous avons demandé aux associations, aux spécialistes et à la Haute Autorité de santé – tout le monde connaît cet organe désormais – quelles étaient les bonnes modalités de prise en charge de la maladie, avec le postulat qu'aucune patiente ne doit être privée d'accès aux soins les plus adaptés à ses besoins de santé pour des raisons financières. Cela va de soi, c'est une évidence. Il faut aussi considérer les arrêts de travail de courte durée, qui posent la question sous-jacente du jour de carence.

Quels sont les dispositifs existants dans le droit commun ? Il y en a trois, dont deux ont déjà été cités.

Il y a l'ALD 30, c'est-à-dire la prise en charge des affections de longue durée pour des maladies chroniques et invalidantes, dont on sait qu'elles ne vont pas évoluer dans la bonne direction. C'est le diabète sévère, l'hypertension sévère, la maladie de Parkinson, certains cancers, etc. Attention, l'ALD 30 ne se déclenche pas toute seule dès lors qu'une maladie est diagnostiquée au patient : une demande doit être effectuée par le médecin, même si elle est forcément suivie d'effet dès lors que le diagnostic est reconnu comme tel. J'ai été neurologue : quand l'un de mes patients avait une sclérose en plaques, je remplissais une demande d'ALD 30 quand le patient et moi considérions que certains traitements ou prises en charge la justifiaient. Dans des maladies comme celle-ci, la demande est faite très tôt, mais pas par le patient et sans déclenchement automatique.

Il y a également l'ALD 31, qui permet, sur saisine par le médecin de l'assurance maladie, une reconnaissance pour un équivalent d'ALD 30, c'est-à-dire une prise en charge intégrale de tous les frais inhérents à la maladie. Il est déclenché – quelle que soit la pathologie, y compris l'endométriose – lorsqu'on considère que l'état de santé d'un patient engagera des frais médicaux qui justifient une prise en charge par l'assurance maladie à 100 %, sans intervention des complémentaires santé.

Enfin, il y a l'ALD 32, pour des patients qui souffrent en même temps de plusieurs maladies complexes et parfois intriquées.

Je vous le dis tout net, et ceux qui me connaissent le savent : en général, je suis plutôt un partisan du « tout sécu ». Je l'ai fait durant la crise du covid-19 pour les vaccins, pour les tests et pour la télémédecine ; avant cela, j'étais rapporteur général de la commission des affaires sociales, où j'ai plaidé pour que nous renforcions le rôle et la place de l'assurance maladie dans la prise en charge des soins médicaux, quels qu'ils soient. Cette question n'est donc pas une question idéologique.

Quelle est, dans le cas de l'endométriose, la bonne manière d'aborder la prise en charge des soins ? Faut-il décider que toutes les patientes atteintes d'endométriose seront classées en ALD 30 dès le diagnostic ? On peut se poser la question. Certaines associations en sont très partisanes, d'autres sont plus réservées.

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