Intervention de Sabine Rubin

Séance en hémicycle du jeudi 13 janvier 2022 à 15h00
Droit de révocation des élus — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSabine Rubin :

Cette désaffection traduit-elle une indifférence à la chose publique ? Je ne le pense pas. En novembre, j'ai réalisé un micro-trottoir sur mon territoire. Il révèle que, si beaucoup de nos concitoyens méconnaissent nos institutions et nos fonctions, tous ont un point de vue sur les dysfonctionnements de notre société dans différents domaines : handicap, école, chômage, logement, écologie et, justement, démocratie. Ces personnes qui ne disent rien dans les urnes ont donc pourtant quelque chose à dire.

Certes, le problème n'est pas seulement français. Dans toutes les démocraties libérales, on constate une abstention croissante, car c'est le fait représentatif lui-même qui interroge.

Cette interrogation ne date d'ailleurs pas d'aujourd'hui. Bien avant Rousseau, les cités grecques ont récusé le principe même de représentation. On s'offusquait alors de l'idée même qu'un homme puisse briguer les suffrages de ses pairs. La participation de tous et de plein droit à l'ecclésia était la règle, précisément pour que le peuple reste souverain et pour éloigner le spectre de l'aristocratie et de l'oligarchie.

Plus tard, Rousseau, que j'ai déjà cité, l'a aussi exprimé : « L'idée des représentants […] nous viendrait du gouvernement féodal, de cet inique et absurde gouvernement dans lequel l'espèce humaine est dégradée et où le nom d'homme est en déshonneur. »

Pour notre pays, le principe de révocabilité est consubstantiel à l'idée même de démocratie et de République. Contre les défenseurs de la représentation nationale élue, comme Sieyès, nombreuses étaient déjà les voix qui s'élevaient : si le peuple est souverain et sa volonté inaliénable, estimaient certains, alors il appartient au peuple de changer son gouvernement et de révoquer ses mandataires. Dans le même esprit, le comité central de la Commune de Paris a déclaré : « Les membres de l'assemblée municipale, sans cesse contrôlés, surveillés, discutés par l'opinion sont révocables, comptables et responsables. »

Certes, je ne méconnais pas les critiques émises en commission ni le fait que cette proposition n'entend pas à elle seule résoudre la grave crise qui affecte nos institutions.

Parmi les arguments qui m'ont été opposés, la révocabilité a été discréditée au nom de l'attractivité du « métier » – je reprends le terme qui a été employé – de l'élu. Il me paraît non recevable. Je n'ai jamais considéré l'élection comme une carrière. Ce devrait même être tout le contraire et j'ose espérer que nous nous retrouvons ici par conviction sincère, non pour des avantages ou privilèges. Nous consacrons d'ailleurs tous beaucoup de notre temps à l'exercice de notre mandat, y compris dans le cadre de notre vie privée et sociale.

On a ensuite objecté l'instabilité supposée que créerait la révocabilité. Rappelons d'abord qu'il s'agit de définir, par une loi organique, un quorum qui puisse déclencher le référendum. Doit-il réunir 5, 10, ou 15 % des électeurs inscrits ? Le débat reste ouvert. Quoi qu'il en soit, l'argument est faible tant on sait la difficulté à mobiliser nos concitoyens hors du tempo électoral. En l'occurrence, il faudrait que le comportement ou la décision d'un élu suscite une réprobation telle qu'elle mette en mouvement une part significative de l'opinion publique. On est donc bien loin de l'élection permanente, crainte formulée ce matin par le ministre de la justice.

On a également évoqué le risque que des groupes d'intérêt, des lobbies dévoient ce dispositif révocatoire. Mais les élus ne sont-ils pas déjà soumis à diverses pressions ? Nos programmes respectifs – quand il y en a – ne s'ancrent-ils pas, chacun à leur manière, dans l'expression d'intérêts variés au sein de la société civile ? D'ailleurs, un programme n'est pas tant une liste de mesures à trier que l'expression d'une vision du fonctionnement de la société. En outre, lesdites mesures feront de toute façon toujours l'objet de débats parlementaires, voire de référendums.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.