Intervention de Annie Chapelier

Séance en hémicycle du jeudi 10 février 2022 à 15h00
Renforcement du droit à l'avortement — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnnie Chapelier :

Je souhaite le préciser d'emblée : le groupe Agir ensemble a décidé de ne pas adopter de position commune sur cette proposition de loi. Dans le respect de la liberté d'opinion, chacun de ses membres votera selon ses convictions.

Nous venons de faire nos adieux à Mme Marie-Claire Chevalier, figure emblématique de la lutte pour le droit à l'avortement : elle qui avait été jugée pour avoir avorté après un viol à l'âge de 16 ans fit, par sa victoire, basculer l'histoire de nombreuses femmes et contribua à la légalisation, trois ans plus tard, de l'IVG, l'interruption volontaire de grossesse. J'espère que nos débats sauront lui rendre hommage.

Il nous revient de poursuivre la lutte, et c'est ce que nous faisons en nous battant pour faire adopter cette proposition de loi nourrie par le remarquable rapport de Mmes Battistel et Muschotti – un travail collectif et transpartisan très sérieux, sur un sujet qui l'est tout autant. Nous l'examinons aujourd'hui pour la troisième fois. Le contexte international nous oblige à nous mobiliser : alors que, partout dans le monde, nous voyons grandir les menaces du conservatisme et se réduire comme peau de chagrin les droits des femmes, nous avons la responsabilité de porter un discours politique féministe affirmé et fort.

Je souhaite maintenant répondre à certains propos tenus au cours de nos nombreux débats sur le droit à l'avortement et qui ne manqueront certainement pas de revenir.

Comme le disait Simone Veil en 1974, dans ce même hémicycle, l'avortement de convenance n'existe pas. Je ne peux que témoigner de la profondeur et de la justesse de cette affirmation : des centaines de femmes que j'ai pu rencontrer durant ma carrière professionnelle, aucune n'avait décidé d'avorter par désinvolture, jamais. L'avortement n'est pas une forme de contraception ; il sert au contraire à compenser les lacunes des moyens de contraception existants, dont aucun n'est fiable à 100 %. Il est vrai qu'en ce domaine, l'éducation à la sexualité est insuffisante ; cependant, ce n'est pas l'unique cause. En effet, dans un rapport publié en 2009 par l'IGAS – Inspection générale des affaires sociales –, il était bien précisé que 72 % des IVG étaient réalisées sur des femmes sous contraception et que, dans 42 % des cas, cette contraception reposait sur une méthode médicale théoriquement très efficace, comme la pilule ou le stérilet.

La culpabilisation des femmes qui souhaitent avorter est donc profondément injuste. Elle l'est d'autant plus quand on sait que la contraception et la responsabilité qui y est liée incombent systématiquement aux femmes, comme si le rapport sexuel qui avait entraîné la grossesse ne concernait qu'elles. Le groupe Agir ensemble avait fait adopter par amendement une demande de rapport à la LFSS – loi de financement de la sécurité sociale – pour 2022 concernant les différentes méthodes de contraception masculine et leur prise en charge, une disposition déclarée non conforme par le Conseil constitutionnel. Notre pensée reste inchangée : nous nous devons de promouvoir le partage de la charge contraceptive.

Par ailleurs, les disparités territoriales, comme toute injustice, touchent de façon plus violente les plus vulnérables. C'est une des raisons qui amènent les femmes à se retrouver hors délai et sans solution. En portant de douze à quatorze semaines de grossesse le délai de recours à l'IVG, en élargissant les compétences des professionnelles médicales de la santé des femmes que sont les sages-femmes, nous permettrons aux milliers de Françaises qui partent chaque année avorter à l'étranger d'être prises en charge dans leur pays sans les difficultés qu'un tel voyage implique.

Je veux me tourner vers vous, mesdames – et messieurs, souvent –, qui désapprouvez ces mesures visant à améliorer l'accès à l'IVG,…

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