Intervention de Guillaume Chiche

Séance en hémicycle du jeudi 10 février 2022 à 15h00
Renforcement du droit à l'avortement — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGuillaume Chiche :

Cette proposition de loi touche à un droit aussi fondamental qu'inaliénable, celui pour chaque femme de disposer de son propre corps.

De manière continue, notre société patriarcale a tenté de mettre les femmes sous tutelle et a peiné à reconnaître leurs libertés les plus fondamentales. C'est bien parce que, décennie après décennie, nombre de femmes, d'associations et de professionnels engagés se sont battus pour obtenir de nouveaux droits que les femmes, en France, ont vu, lentement, bien trop lentement, leur situation évoluer. À ce titre, je veux saluer et remercier les militantes déterminées dans la défense des droits des femmes ; mesdames les rapporteures, soyez fières d'en faire partie, aux côtés de celles et de ceux qui, dans cette assemblée et surtout au-dehors, ont travaillé de manière acharnée à faire la lumière sur ce qu'il se passait dans notre société, parfois même en apportant leur témoignage personnel intime.

Disons-le clairement : nombre de femmes habitant sur le territoire national n'ont pas accès à l'interruption volontaire de grossesse. D'abord, parce qu'elles demeurent encore trop souvent dans la solitude et le silence face à un avortement ou à une grossesse non désirée ; ensuite, parce qu'elles n'ont pas accès aux professionnels de santé dans des délais suffisants pour recourir à une IVG ; enfin, parce que les entraves au droit d'avorter demeurent nombreuses.

Cette proposition de loi, tout comme l'investissement sans relâche des acteurs associatifs comme le Planning familial, avec sa formidable campagne de libération de la parole « Oui, j'ai avorté », a le mérite de briser un tabou. Aucune femme ne devrait plus jamais avoir honte d'avorter. Une femme sur trois, mes chers collègues : c'est la proportion de femmes qui ont recours à l'avortement au cours de leur vie. Une femme sur trois.

Pourtant, ce droit humain fondamental n'est pas effectif pour l'ensemble des femmes dans notre pays. Nombreuses sont celles qui doivent se rendre à l'étranger, en Espagne, au Royaume-Uni, aux Pays Bas ou ailleurs, pour recourir à une IVG, parce qu'elles ont dépassé les délais en France.

Ce phénomène bien connu s'est amplifié depuis le début de la crise sanitaire. Ce n'est pas acceptable. Nous ne pouvons plus tolérer que des femmes soient contraintes de quitter le territoire pour accéder à l'interruption volontaire de grossesse, ce droit qu'elles ont obtenu de haute lutte en France. Nous ne pouvons plus non plus tolérer que des femmes en soient rendues à supplier des sages-femmes ou des médecins de procéder à des IVG hors délai. Enfin, nous ne pouvons plus tolérer que nombre de femmes soient contraintes d'aller au terme d'une grossesse non désirée.

Chaque année, entre 3 000 et 5 000 femmes sont privées de leur droit à l'IVG. C'est inacceptable. Les raisons en sont nombreuses : double clause de conscience des médecins ; impossibilité d'accéder aux professionnels de santé dans certains territoires – trente-sept départements comptent ainsi moins de cinq professionnels de santé pratiquant l'IVG médicamenteuse ; discours culpabilisateurs d'emprise patriarcale.

Il est donc nécessaire de légiférer en adoptant un texte et des amendements progressistes tendant à porter à quatorze semaines le délai d'accès à l'avortement ; d'ouvrir la possibilité aux sages-femmes de réaliser des IVG chirurgicales ; de supprimer la double clause de conscience ; de créer un répertoire national recensant les professionnels de santé ainsi que les structures pratiquant l'interruption volontaire de grossesse, pour donner aux femmes une information fiable et rapide.

En adoptant ce texte, nous ferons du droit à l'avortement un droit réel. Parce que toutes les femmes doivent bénéficier de la liberté absolue de disposer de leur propre corps, sans avoir à se justifier, sans culpabilité, sans avoir à subir les avis des uns et des autres, concernant leur propre vie.

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