Intervention de Emmanuelle Ménard

Séance en hémicycle du jeudi 10 février 2022 à 15h00
Renforcement du droit à l'avortement — Article 1er bis

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEmmanuelle Ménard :

Si l'on comprend l'idée de l'alinéa 4, qui tend à rendre l'avortement accessible à toutes les femmes, il ne semble pas souhaitable que les consultations puissent se faire à distance, non pour une raison idéologique mais tout simplement pour permettre aux femmes qui souhaitent avorter d'être le mieux accompagnées possible. Pouvoir prendre la décision d'avorter au terme d'une téléconsultation, cela jusqu'à sept semaines de grossesse, a été autorisé en avril 2020 du fait de la crise sanitaire sans précédent dont nous sortirons, j'espère, très vite. Un an et demi plus tard, il faudrait pérenniser cette mesure alors même qu'aucun rapport n'a été publié à la suite de cette expérimentation – de cette dérogation, si j'ose dire ? Était-ce vraiment une chance pour les femmes ? N'ont-elles pas couru plus de risques ? Comment le savoir puisque, je le répète, vous n'avez procédé à aucune évaluation ?

Jusqu'en 2020, 73,5 % des IVG étaient réalisées en établissement hospitalier, 24 % en cabinet libéral et 2,5 % en centre de santé ou en centre de planification et d'éducation familiale (CPEF). Ainsi, le corps médical était aux côtés de la femme en cas de complication. Désormais, l'accompagnement des femmes se fera à distance avec un risque bien plus grand pour elles. Ajoutons que si personne ne nie que la téléconsultation ait rendu de grands services pendant la crise et qu'elle puisse être une réponse à l'existence de déserts médicaux, c'est aussi une façon d'exercer la médecine bien différente. La proximité avec le médecin s'efface et l'écran peut cacher bien des maux. Je pense aux femmes qui vont avorter sous la contrainte mais qui ne pourront rien dire parce qu'elles seront loin du médecin, ou aux femmes battues également qui le dissimuleront et qui ne seront pas accompagnées ou identifiées par le médecin.

Comment, dans ce cas, garantir la liberté des femmes qui nous est à tous si chère ? Personne ne le pourra dans ces cas-là et voter cette mesure, c'est, d'une certaine manière, se rendre complice de cette injustice.

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