Intervention de Nicole Belloubet

Séance en hémicycle du lundi 24 juillet 2017 à 16h00
Confiance dans la vie publique — Présentation commune

Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice :

Je ne fais ici qu'énoncer une réalité ! Ces deux textes traduisent un engagement fort, pris devant les Français par le Président de la République, consistant à responsabiliser la vie politique et renouveler la représentation nationale.

Cet engagement, le Gouvernement vous propose aujourd'hui de l'honorer par une réforme attendue, je crois, par tous nos concitoyens. Cette réforme répond à une exigence qui n'est nullement circonstancielle, même si elle prend de nos jours des formes nouvelles plus aiguës qu'auparavant.

L'exigence de transparence, de probité et d'exemplarité des élus découle d'une nécessité sociale, politique et éthique qui trouve sa traduction dans un texte adopté de longue date au sein de la République française, la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, dont l'article 15 précise que « La Société a le droit de demander compte à tout Agent public de son administration ». Ce principe de responsabilité, qui est au fondement de notre démocratie, a structuré toute notre histoire politique ; toutefois, depuis quelques années, des exigences nouvelles sont apparues, traduisant une modification du rapport au pouvoir, à la politique et à la représentation.

La société demande à chacun de nous davantage de transparence, de rigueur et d'éthique et parfois même un renouvellement de nos pratiques, qui sont réinterrogées. Hier encore, par tradition ou par habitude, on acceptait de couvrir d'un voile plus ou moins épais de petits compromis avec les exigences éthiques. Nos concitoyens eux-mêmes, d'ailleurs, n'étaient pas toujours choqués par des pratiques qui leur semblent aujourd'hui intolérables. On peut regretter, peut-être, cette époque révolue. On peut aussi s'accommoder, bon gré mal gré, de certaines évolutions. On peut surtout appeler de ses voeux de véritables évolutions et de véritables innovations dans ce champ éthique.

En cette matière comme dans d'autres, nous sommes tenus par la volonté des citoyens. Celle-ci doit naturellement trouver sa traduction dans l'État de droit, dans les principes de la démocratie représentative et dans le respect d'un principe fondateur de notre République, celui de la séparation des pouvoirs. Le législateur a pris la mesure de ces exigences nouvelles en adoptant en 2013 et en 2016 plusieurs textes relatifs à la transparence et à la lutte contre la corruption. De ce point de vue, il faut lui rendre hommage, d'autant plus que le Parlement a pris de son côté certaines initiatives.

Ainsi, dès 2011, votre assemblée, mesdames et messieurs les députés, s'est dotée d'un code de déontologie et d'un déontologue, et ces mesures en ont annoncé d'autres. Les deux assemblées ont ainsi déjà pris la mesure de l'enjeu éthique et accompli de grands progrès. Il reste cependant du travail pour restaurer la confiance si nécessaire que portent les citoyens à leurs représentants.

Telle est l'ambition de cette réforme, qui ne prétend en aucun cas faire oeuvre de moralisation. D'ailleurs, vous ne m'entendrez jamais employer ce terme, car les dispositions qui vous sont soumises ne se veulent en aucun cas stigmatisantes. La morale, ce n'est pas le droit, mais un concept contingent susceptible de changer au fil du temps. Or nous visons ici à élaborer un corpus de règles acceptées, partagées et fondées sur une éthique républicaine commune.

Au fond, la volonté du Gouvernement est très simple. Nous voulons fixer des règles plus claires, pour les élus comme pour tous les responsables politiques. Ces règles constitueront, à n'en pas douter, la meilleure des garanties pour chacun d'eux. En effet, nous disposerons ainsi des repères nécessaires et d'un cadre juridique et déontologique permettant de faire face à des situations parfois très complexes. Notre projet n'est donc ni punitif, ni stigmatisant, ni vindicatif. Il consiste à faire en sorte que les élus, qui démontrent quotidiennement, dans leur écrasante majorité, leur engagement, leur honnêteté et leur rigueur, ne soient plus cloués au pilori en raison du comportement de quelques-uns. Tel est l'acte de confiance que nous vous proposons. Il s'articule autour de quatre axes.

Le premier axe permet de sanctionner plus sévèrement ceux qui manquent aux exigences de la probité en leur interdisant d'accéder aux fonctions électives. Le deuxième permet de mieux prévenir les conflits d'intérêts et d'y mettre fin. Le troisième propose de rompre avec des pratiques qui ne sont plus acceptées par les citoyens. Enfin, le dernier axe de ces deux projets de loi entend renforcer le contrôle sur les comptes des partis tout en leur offrant, ainsi qu'aux candidats, un accès aux financements plus facile qu'auparavant. Tels sont les quatre axes que je vais à présent vous présenter, mesdames et messieurs les députés, avant de laisser la place au débat.

Le premier axe consiste donc à sanctionner plus sévèrement ceux qui manquent aux exigences de la probité et à les empêcher d'accéder aux fonctions électives. Les textes créent tout d'abord une sanction d'inéligibilité pour manquement à la probité. Il s'agit de l'un de leurs points les plus importants : la création d'une peine complémentaire d'inéligibilité pour quiconque manque aux exigences de la probité. Le Gouvernement propose que les juridictions répressives soient tenues de prononcer cette peine, sauf décision contraire spécialement motivée. Ainsi, quiconque ayant démontré ne pas remplir les conditions de dignité essentielles à l'exercice d'un mandat serait écarté par principe des fonctions électives.

Chacun ici sait qu'un débat a été ouvert sur cette question. La commission des lois a souhaité substituer à ce dispositif un mécanisme auquel le Gouvernement avait renoncé pour des motifs de constitutionnalité. En interdisant automatiquement, sans qu'une juridiction ne se prononce, à ceux qui ne disposent pas d'un casier judiciaire vierge – le fameux B2 – de se présenter aux élections, on porte atteinte au principe de nécessité des peines garanti par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ainsi qu'au principe d'individualisation des peines qui en découle.

Après des échanges et une réflexion approfondis sur ce point, le groupe La République en marche a pris une initiative que je juge bienvenue. Nous pourrons ainsi nous accorder sur un texte alliant réalisme, efficacité et respect des principes constitutionnels.

Dans un registre proche mais avec un enjeu différent, la commission des lois a adopté un amendement permettant au Président de la République et au Premier ministre de vérifier si une personne pressentie pour entrer au Gouvernement dispose bien d'un casier judiciaire vierge.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.