Intervention de Hélène Vainqueur-Christophe

Séance en hémicycle du jeudi 1er février 2018 à 15h00
Accès à l'eau — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHélène Vainqueur-Christophe :

Je ne reviendrai pas sur les engagements internationaux de la France en la matière, mais souhaiterais partager mon expérience d'élue de terrain pour formuler plusieurs remarques. Nous sommes bien en 2018, en France, et plus précisément sur l'archipel de la Guadeloupe. Sur cette terre, l'eau est présente en quantité incroyable, tombe en abondance du ciel, ruisselle et alimente nos riches rivières, mais paradoxalement, et j'allais dire cruellement, elle ne coule plus au robinet chez nos compatriotes.

Pour bien vous figurer la crise d'ampleur vécue par nos compatriotes guadeloupéens, je tiens à décrire la situation à laquelle nombre d'entre eux sont confrontés quotidiennement : les coupures d'eau sont prolongées, intempestives et aléatoires ; l'exaspération et le système D ont désormais laissé place à la colère. Cette situation, mes chers collègues, est bien le résultat de défaillances, parfois politiques, dans la gestion du service public de l'eau. Attentisme et irresponsabilité des pouvoirs publics – disant cela, croyez-moi, je ne vise personne – ont malheureusement conduit la Guadeloupe dans l'impasse.

Les canalisations sont de vraies passoires, à tel point que plus de 50 % de la production est perdue. Ce chiffre atteint près de 80 % sur certains réseaux d'adduction vétustes et non entretenus. Au total, près de 7 millions de mètres cubes se perdent dans la nature quand, en même temps, les Guadeloupéens doivent souffrir de coupures d'eau.

Bien sûr, le problème est particulièrement complexe. Bien sûr l'heure n'est plus à chercher les éventuels coupables ou complices de cette situation – elle est véritablement à l'action. Mais si je vous rapporte ces faits, mes chers collègues, c'est pour vous montrer que si j'approuve l'intention qui préside à cette proposition de loi et si je comprends sa portée symbolique, je ne peux me satisfaire du fait qu'elle se cantonne à n'être qu'une belle déclaration de principe.

En insérant un droit à l'eau dans la Charte de l'environnement, nous donnons droit à un accès gratuit à l'eau potable sans pour autant garantir son application concrète. Or, pour reprendre l'exemple guadeloupéen, comment garantir cet accès à l'eau ? Je vous le dis franchement, ce droit ne s'appliquera que lorsque les investissements auront été réalisés par les pouvoir publics pour réparer les réseaux et que la production et la distribution auront été réorganisées. En Guadeloupe, le coût total des travaux à réaliser a été évalué à 950 millions d'euros : quelque 600 millions pour l'eau et 300 millions pour l'assainissement.

Je profite donc de cette tribune non seulement pour soutenir ce texte, mais surtout pour signifier à l'État qu'il ne peut plus recourir au procédé dilatoire qui consiste à renvoyer dos à dos en Guadeloupe élus, entreprises et usagers. Cet appel vaut également pour l'ensemble du territoire français. Compte tenu du vieillissement et parfois du pourrissement des infrastructures, ainsi que du renchérissement du prix d'accès à cette ressource essentielle, l'État a, à mon sens, l'ardente obligation de financer et de mettre en oeuvre, en lien avec les collectivités locales ou les gestionnaires des eaux, un plan massif d'investissement dans l'eau et l'assainissement.

Si, bien sûr, nous pouvons considérer que l'eau est un bien commun de l'humanité, que nous avons la responsabilité, au nom des générations actuelles et futures, de ne pas la gaspiller ni de la polluer, et que sa préservation est une question de dignité et d'humanisme, l'eau toutefois a bel et bien un prix, qui reflète en partie son coût de production, de dépollution, d'acheminement et de distribution. C'est là le deuxième bémol que je souhaite mettre à ce texte, dont je soutiens bien entendu l'intention, en dépit de ces quelques remarques tirées d'une expérience locale.

Je remercie une nouvelle fois notre rapporteur, et avec lui l'ensemble des membres de son groupe, de cette initiative qui nous permettra de mieux appréhender l'ambition portée par le Gouvernement sur ce thème, à la veille du lancement des assises de l'eau.

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