Intervention de Agnès Firmin Le Bodo

Séance en hémicycle du jeudi 8 mars 2018 à 9h30
Lutte contre la précarité professionnelle des femmes — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAgnès Firmin Le Bodo :

Notre démocratie s'honore des progrès tangibles accomplis en ce sens depuis deux siècles, mais beaucoup reste à faire afin de parvenir à une égalité réelle, qui doit s'incarner dans tous les domaines de la vie en société.

En tant que représentants de la nation, il est de notre devoir et de notre responsabilité d'agir et de continuer en ce sens. Nous serons vigilants. Je souhaite également, en cette journée internationale des droits des femmes, rendre hommage à toutes ces femmes et ces hommes qui se sont battus pour faire reconnaître et progresser les droits des femmes.

Citons notamment Olympe de Gouges, dont le buste, sur lequel figure sa « Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne », est situé à l'entrée de la salle des quatre colonnes de l'Assemblée nationale. Elle a été la première à lutter pour l'égalité des sexes.

Depuis cette déclaration fondatrice, de nombreuses mesures ont permis des avancées significatives en matière de droits des femmes. Sans prétendre à l'exhaustivité, on peut citer quelques jalons tels que le droit de vote des femmes en 1944, l'autorisation de travailler sans l'accord de son mari en 1965, l'autorisation de la contraception en 1967 et le droit à l'IVG en 1975.

En matière d'égalité au travail, la loi Roudy de 1983 a posé le principe constitutionnel de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Depuis, pas moins de huit lois ont été votées pour rendre effective cette égalité au travail. Pour autant, il y a loin des intentions à la réalité : dans les faits, les femmes gagnent aujourd'hui 9 % de moins que les hommes à poste équivalent, et 25 % en moyenne de moins tous postes confondus.

Au-delà de ces chiffres, l'inégalité entre les femmes et les hommes dans le monde du travail se traduit de façon moins visible : les femmes subissent bien souvent des discriminations, voire du harcèlement. Même si ce n'est pas le sujet ici, il est important de souligner que le harcèlement au travail constitue l'une des causes les plus perverses des inégalités ; il peut engendrer stress et perte de confiance en soi et une dégradation de la qualité de vie au travail.

De manière plus générale, en milieu professionnel, les inégalités concernent les différents secteurs d'activité. Les femmes se destinent à des métiers qu'elles croient être faits pour elles et se détournent parfois de professions dont elles estiment à tort qu'elles ne leur conviennent pas. Elles sont ainsi sous-représentées dans les domaines financiers, dans l'ingénierie et dans les postes à haute responsabilité – et, monsieur le secrétaire d'État, c'est très fortement le cas dans la haute administration.

Ces inégalités se matérialisent également en ce qui concerne l'accès aux emplois stables. Les chiffres l'illustrent encore une fois : 30 % des personnes employées à temps partiel sont des femmes, contre seulement 8 % des hommes.

La proposition de loi que vous défendez, madame la rapporteure, entend répondre à ces discriminations ; nous approuvons son volontarisme et sa philosophie. Pour autant, nous sommes beaucoup plus réservés sur le dispositif que vous proposez, qui risque d'avoir des effets adverses que vous n'avez pas anticipés.

Même si nous comprenons la logique dissuasive que vous défendez, nous croyons que cette méthode n'est pas la bonne et que ce texte méconnaît les réalités complexes du marché du travail. En effet, sanctionner financièrement les entreprises qui embauchent à temps partiel afin de les inciter à embaucher davantage à temps plein aurait comme conséquence une augmentation du coût du travail, particulièrement pour les petites et moyennes entreprises.

Cela pourrait également entraîner, vous l'avez dit, une augmentation du travail dissimulé. Pénaliser les entreprises embauchant à temps partiel ne constitue donc pas une réponse adaptée, d'autant que le temps partiel peut être choisi et correspondre à une demande de souplesse et d'équilibre entre vie familiale et vie professionnelle.

Il est vrai cependant que lorsqu'un enfant arrive ce sont le plus souvent les femmes qui doivent aménager leur temps de travail. Aux côtés de politiques publiques ambitieuses de développement des dispositifs de garde d'enfant et de congés parentaux, nous croyons qu'il est nécessaire de sensibiliser les entreprises elles-mêmes à ces enjeux, afin d'encourager la mise en place de services de garde d'enfants et de formules d'aménagement du temps de travail.

Lutter contre la précarité professionnelle des femmes passe également évidemment par la loi. C'est déjà en partie ce qu'a fait la loi Woerth, en sanctionnant les entreprises qui n'engagent pas de négociations collectives, ou qui ne mettent pas en place de plan d'action concernant l'égalité entre leurs salariés. Ces mesures permettent d'engager un dialogue et d'offrir aux femmes une possibilité de se faire entendre, notamment sur les questions de la rémunération, de la formation professionnelle et du renouvellement de contrat. De plus, bien qu'elles impliquent des sanctions en cas de non-respect, elles ne pèsent pas directement sur la gestion économique des entreprises et leurs besoins d'embauches.

Il faut cependant nuancer l'efficacité de ce dispositif, puisqu'il ne touche pas toutes les entreprises et que parmi celles qu'il concerne, seules 39 % sont couvertes par un accord d'entreprise ou un plan d'action relatif à l'égalité professionnelle entre hommes et femmes.

Il est donc indéniable qu'il faille continuer à travailler sur les dispositifs existants, en vue de les étendre à un champ plus large d'entreprises, et instaurer de nouvelles mesures qui soient efficaces dans la lutte contre la précarité professionnelle des femmes sans constituer un frein à la compétitivité de nos entreprises.

Par ailleurs, le Gouvernement a annoncé des mesures en faveur de la transparence sur les inégalités au sein de l'entreprise, en insistant sur la nécessité pour ces dernières de prendre leurs responsabilités par le biais d'un système de valorisation ou de stigmatisation des comportements. Nous jugerons sur pièces le contenu de cette réforme mais nous sommes convaincus que la vraie réponse aux inégalités entre les femmes et les hommes dans le monde du travail réside dans un changement profond des mentalités.

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