Intervention de Agnès Buzyn

Réunion du mercredi 21 février 2018 à 18h10
Délégation aux outre-mer

Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé :

C'est avec grand plaisir que je m'exprime devant vous sur ce sujet auquel j'ai eu l'occasion de m'intéresser lorsque je présidais l'Institut national du cancer (INCa) dans les années 2011 à 2016. L'INCa a d'ailleurs été très impliqué dans la recherche sur la chlordécone. C'est donc un sujet de préoccupation qui m'anime depuis plusieurs années.

J'ai par ailleurs la ferme volonté d'éviter aux départements d'outre-mer toute perte de chance dans le domaine de la santé publique. C'est aussi la raison pour laquelle, la stratégie nationale de santé comporte un chapitre consacré, non pas aux outre-mer, mais à chaque territoire, car chacun d'entre eux connaît des besoins particuliers. Je veux vous persuader de mon entière détermination à réduire les inégalités de santé dans ces territoires.

Le traitement de la crise de la chlordécone est compliqué par le fait que plusieurs autorités publiques sont impliquées. J'ai demandé que me soit communiqué l'ensemble des mesures prises dans le cadre du Plan National d'action chlordécone (PNAC) 1, 2, et 3 : la Direction générale de la santé (DGS), qui pilote la plupart de ces actions, a fait preuve de constance dans leur organisation telle que prévue par le plan. L'ensemble des registres des cancers a été récolé, toutes les études programmées ont été lancées et financées, certaines sont terminées. D'autres vont être prolongées comme l'étude Ti Moun, qui porte sur les enfants et va être prolongée jusqu'à la puberté afin de savoir si ce perturbateur endocrinien a des effets sur la puberté précoce.

Nous avons également adopté des mesures de suivi des travailleurs exposés, et mesuré l'intoxication des populations à la chlordécone. Par ailleurs, nous encourageons l'exploitation des jardins familiaux.

Notre premier axe de travail porte sur l'amélioration des connaissances des liens entre chlordécone et maladie, que ce soit des maladies hormonales parce qu'il s'agit d'un perturbateur endocrinien ou de maladies du développement neurologique, du fait de la toxicité sur les enfants, ou de cancers, particulièrement de la prostate.

Le deuxième axe concerne une meilleure information des populations vulnérables, singulièrement les femmes enceintes qui doivent absolument être préservées de la contamination.

Les moyens alloués jusqu'à présent par le ministère se sont élevés à 6,7 millions d'euros en dix ans. La seule étude demeurée inachevée est Madiprostate ; j'ai en l'occasion d'en parler ce matin aux parlementaires. Cette étude a été financée pendant trois ans, elle a fait l'objet de multiples avis scientifiques, et un certain nombre d'experts à, in fine, jugé irréalisable, non pas pour des raisons techniques, mais pour des raisons de méthodologie. C'est pourquoi elle a été arrêtée.

En revanche, d'autres études se poursuivent, sur lesquelles je reviendrai.

Nous avons, par ailleurs, la ferme volonté d'augmenter le nombre des messages de prévention, notamment de ceux portant sur l'alimentation, qui doit impérativement être sécurisée. Le moyen d'aboutir à une alimentation sans chlordécone est le développement des jardins familiaux, après évaluation de la contamination des sols chez les particuliers afin de le permettre de pratiquer une agriculture saine à leur propre usage.

Nous pensons être en mesure, dans les années qui viennent, d'organiser des circuits sans chlordécone à l'issue du nouveau zonage de la contamination, d'après le ministre de l'agriculture, sera achevé avant l'été prochain, ainsi que de l'évaluation individuelle des sols. Des registres sont donc en place, et des études en cours, dont l'étude d'imprégnation individuelle des personnes Kannari.

En outre, nous prévoyons de saisir les trois alliances scientifiques, ce qui est plus du ressort de la ministre chargée de la recherche, qui connaît parfaitement le dossier : l'Alliance nationale pour les sciences de la vie et de la santé (Aviesan), l'Alliance thématique nationale des sciences humaines et sociales (Athéna) et l'Alliance nationale de recherche pour l'environnement (AllEnvi). Nous leur demandons de nous fournir une synthèse scientifique de toutes les connaissances acquises sur la chlordécone ; ensuite nous publierons un rapport complet portant sur tous les travaux menés depuis des années dans les territoires antillais.

Nous organisons un grand colloque scientifique pour le mois d'octobre prochain afin de réunir l'ensemble des scientifiques travaillant sur le sujet, notamment pour déterminer s'il y a lieu de lancer de nouvelles études que nous serons évidemment prêts à financer.

Le directeur général de la santé, qui est à mes côtés aujourd'hui, ainsi que le directeur de l'Agence « Santé publique France », agence sanitaire chargée de la santé publique et de la surveillance du territoire, François Bourdillon, se déplaceront en Martinique et en Guadeloupe, pour informer les populations en organisant des forums citoyens. Nous sommes en effet confrontés à un enjeu de transparence, et je demanderai aux deux Agences régionales de santé (ARS) de produire des documents d'information à l'intention des populations portant particulièrement sur les connaissances acquises et les moyens de se prémunir de toute contamination, particulièrement pour les personnes les plus vulnérables.

Par ailleurs, nous poursuivons l'accompagnement du développement des jardins familiaux, qui permettent aux familles d'utiliser leur propre sol, par des financements ad hoc, déjà disponibles à la DGS.

Voilà pour les actions en cours ; à ma connaissance, dans le cadre du plan chlordécone 1,2 et 3, la seule étude qui n'a pu être menée jusqu'à présent est Madiprostate, non pas pour des raisons financières, car le financement n'a pas fait défait, mais pour des raisons de robustesse scientifique qui n'était pas au rendez-vous.

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