Intervention de Fabien Lainé

Séance en hémicycle du mardi 20 mars 2018 à 21h30
Programmation militaire pour les années 2019 à 2025 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFabien Lainé :

Madame la présidente, madame la ministre des armées, madame la secrétaire d'État auprès de la ministre des armées, monsieur le président et rapporteur de la commission de la défense nationale et des forces armées, madame et messieurs les rapporteurs pour avis, mes chers collègues, je suis très honoré de porter la voix du groupe du Mouvement démocrate et apparentés sur ce projet de loi de programmation militaire, qui fixe, pour les sept prochaines années, les objectifs de notre politique de défense et programme les dépenses militaires pour les atteindre. Je le suis d'autant plus que ce texte est l'expression d'une prise de conscience : l'illusion de la fin de l'histoire et des dividendes de la paix est derrière nous. Avec ce texte, l'engagement de campagne du Président de la République de porter progressivement le budget de défense à 2 % du produit intérieur brut sera tenu. Cette remontée en puissance permettra de renforcer un outil de défense aujourd'hui très sollicité.

Le général de Gaulle disait : « Les grands pays le sont pour l'avoir voulu. » Le présent projet de loi est, pour nous, la traduction de cette volonté. Nous devons nous préparer à faire face à un contexte stratégique instable et incertain. C'est ce que fait ce texte : il tire les conclusions de la revue stratégique et donne à nos armées les moyens de répondre aux menaces existantes et à venir. En appui de cette volonté, notre groupe souhaite préciser la doctrine de la France en mentionnant les stratégies « intégrales » de certaines puissances, qui constituent un véritable changement de paradigme : la guerre ne se limitera pas aux aspects militaires ; elle se jouera également dans les champs économique, technologique et culturel.

Si, comme le pensait Clausewitz, « la guerre est le domaine de l'incertitude », il est une certitude dans laquelle nous pouvons placer nos espoirs : celle que notre avenir est européen. Notre famille politique insiste sur cette ambition européenne depuis des décennies. À ce titre, nous saluons les engagements en matière de coopération, qui permettent d'avancer vers une véritable Europe de la défense.

Enfin, si la défense relève du domaine réservé du Président de la République, il est nécessaire que la représentation nationale débatte sereinement de cette LPM et contribue à l'enrichir. Dans cette logique, notre groupe proposera des amendements visant à renforcer le contrôle parlementaire. Dans ce cadre, nous serons attentifs à ce que ni le choix de maintenir les deux composantes de la dissuasion nucléaire, ni les efforts en matière d'innovation, ni la mise en place du service national universel ne se fassent au détriment des capacités opérationnelles et des conditions d'exercice des soldats.

Je voudrais mettre l'accent sur quatre dimensions essentielles de ce projet de loi.

La première est l'analyse du contexte géostratégique qui en a fourni le cadre. La revue stratégique de défense et de sécurité nationale a produit une analyse fine de l'évolution de ce contexte. Elle a présenté les menaces, à commencer par le terrorisme djihadiste, qui reste la menace prioritaire mais n'est pas exclusive. Le monde est aujourd'hui caractérisé par l'affirmation d'États-superpuissances agressifs et l'affaiblissement concomitant des institutions internationales. La dissémination croissante des armes et la prolifération nucléaire représentent des menaces renouvelées. De plus, les risques de conflits sont étendus à l'espace exo-atmosphérique et au cyberespace.

Fort de ce constat, le Gouvernement a proposé une remontée en puissance, en confirmant les deux composantes de la dissuasion et en renforçant les moyens du renseignement et de la cyberdéfense. L'environnement stratégique étant instable, il nous faudra nous assurer que les ambitions et les moyens de la défense française demeurent adaptés à notre contexte stratégique. Tel est l'objet de l'un de nos amendements, qui prévoit une actualisation de la revue stratégique à l'horizon de 2021. La vision stratégique de la France peut sans doute être complétée. Les stratégies « intégrales » de certaines puissances telles que la Chine et la Russie ne sont, à notre sens, pas suffisamment prises en compte. De même, le champ de la réflexion sur les stratégies nucléaires reste ouvert, et l'espace exo-atmosphérique demeure trop peu étudié.

Pour répondre à ces défis, le présent texte vise à entériner un modèle d'armée présenté comme complet et équilibré, permettant d'affirmer l'autonomie stratégique de la France. C'est sa deuxième dimension essentielle.

Ce modèle d'armée s'appuie d'abord sur la dissuasion nucléaire. Il est heureux que la LPM confirme la dissuasion en engageant le renouvellement de ses deux composantes. Il nous paraît néanmoins important qu'un débat démocratique puisse avoir lieu sur ce sujet stratégique. Notre autonomie est aussi garantie par les moyens attribués en priorité au renseignement et à la cyberdéfense, par le renouvellement et la modernisation des capacités opérationnelles charnières et par le soutien à notre base industrielle et technologique de défense. Le groupe du Mouvement démocrate et apparentés salue ces points forts.

Par ailleurs, notre groupe se réjouit des ambitions européennes affichées par le texte, à la fois en matière industrielle et du point de vue opérationnel. À cet égard, il faut donner corps aux initiatives telles que le Fonds européen de défense, la coopération structurée permanente et l'Initiative européenne d'intervention, promue par le Président de la République. Dans le but d'appuyer ces orientations, nous proposerons d'aller plus loin dans le comblement des lacunes capacitaires et le développement de la coopération industrielle européenne. Nous défendrons ainsi des amendements tendant à soutenir la direction générale de l'armement en matière de ressources humaines ainsi qu'un amendement visant à rappeler l'importance des matériels robustes et rustiques, qui sont moins technologiques mais répondent aux besoins concrets de nos soldats sur le terrain.

J'en viens à la troisième dimension essentielle de ce projet de loi : les moyens. L'ambition d'un modèle d'armée complet et équilibré permettant à la France de répondre efficacement aux menaces exige en effet des moyens financiers et humains importants. Sur ce plan, nous soutenons l'effort de l'exécutif, qui propose un projet lucide et sincère. La lucidité se traduit, d'une part, par la trajectoire ascendante tant du budget que des effectifs, qui donne la priorité à la condition militaire et au renforcement des capacités opérationnelles les plus critiques. Elle se manifeste, d'autre part, dans le choix de la coopération européenne. La sincérité s'exprime, quant à elle, dans le recours exclusif à des crédits budgétaires – et non à d'hypothétiques recettes exceptionnelles – et dans l'augmentation réaliste de la provision pour les opérations extérieures, les OPEX.

Si la programmation est ambitieuse, lucide et sincère, quelques points de vigilance demeurent toutefois. En premier lieu, nous remarquons qu'une part importante de l'effort budgétaire et en matière d'effectifs porte sur la période postérieure à 2022. Nous saluons le principe, inscrit dans ce projet de loi, d'une actualisation en 2021. Néanmoins, nous serons particulièrement attentifs à ce que cette actualisation n'obère pas les ambitions initiales. Par ailleurs, il sera nécessaire de mener une réflexion sur l'évolution du contexte stratégique et de bien la prendre en compte. Nous serons également vigilants quant aux éventuels effets d'éviction qui pourraient être causés par le renouvellement des deux composantes de la dissuasion au détriment des équipements conventionnels ou par les investissements dans la haute technologie au détriment des équipements dits « rustiques ». Pour s'en prémunir, le contrôle du Parlement devra rester étroit et exigeant. Nous avions déposé, en commission, plusieurs amendements visant à le renforcer ; nous plaiderons à nouveau en ce sens en séance publique.

Je termine en évoquant la quatrième dimension essentielle de cette LPM : la condition militaire et la participation des militaires à la vie citoyenne.

Les conditions de vie des militaires et de leurs familles ainsi que les conditions d'exercice du métier de soldat se sont largement dégradées ces dernières années. Notre groupe est donc très satisfait de l'amélioration des conditions de vie et d'exercice prévue par la LPM. Ce texte concourt aussi à la dynamisation des ressources humaines, qui favorise la fidélisation. Nous saluons en outre l'ouverture de l'accès des militaires aux fonctions électives locales, que les débats en commission ont permis d'élargir. Nous sommes évidemment conscients des risques de politisation, qu'il nous faut écarter. Notre groupe proposera des amendements pour compléter le dispositif. Enfin, nous appelons au renforcement des réserves et du service militaire volontaire, qui contribuent activement à tisser des liens entre la nation et son armée.

Vous l'aurez compris, le groupe du Mouvement démocrate et apparentés soutient avec enthousiasme ce projet de loi, qui fixe une véritable ambition pour nos armées. Nous soutenons cette LPM, qui définit un modèle d'armée cohérent pour répondre aux menaces et garantir notre autonomie stratégique. Cette LPM affirme la nécessité de la coopération européenne et contribue à l'émergence d'une véritable Europe de la défense. C'est une LPM lucide et sincère, qui donne des moyens à nos armées à la hauteur des ambitions de la France. C'est, enfin, une LPM « à hauteur d'homme », qui met le soldat au coeur de ses ambitions et au coeur de la société. En somme, nous soutenons cette LPM de redressement et l'appuierons pour qu'elle devienne, plus encore, une LPM de renouveau.

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