Intervention de François Ruffin

Séance en hémicycle du mardi 3 avril 2018 à 21h30
Débat sur les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Ruffin :

Cinquante millions ! Ce n'est plus un budget, c'est une aumône ! Ce n'est plus une ministre, c'est une dame patronnesse !

Croit-on abuser les gens avec des sommes pareilles ? On se dit peut-être qu'après un certain nombre de zéros, les gens ne savent plus compter ? On va les éclairer, alors. Pour supprimer l'impôt sur la fortune, la France avait les moyens budgétaires – et ça se chiffrait en milliards. Pour le crédit impôt compétitivité emploi, la France avait les moyens budgétaires, et ça se chiffrait en dizaines de milliards. Et pour vos amis du CAC 40, cette année, on frôle les 100 milliards de bénéfices. Mais pour ses vieux, la France, sixième puissance économique mondiale, « n'a pas les moyens budgétaires ».

Oui, je dis « vieux ». On m'a répété que je devrais changer ça, que « personnes âgées » serait mieux, que ça manquait de respect. Je ne préfère pas. Je ne préfère pas rejoindre le camp des hypocrites, des tartuffes qui multiplient les précautions oratoires, les euphémismes, les tournures raffinées, mais pour mieux déguiser des actes cruels.

Oui, cruels. On le sait, maintenant, c'est écrit : des sous-effectifs considérables engendrent une maltraitance institutionnelle. Le mal est connu, sa cause aussi, c'est une députée de la majorité qui l'affiche, et pourtant nous le savons : le Gouvernement jugera urgent d'attendre. On habillera ça de blabla, de tact et de courtoisie, on commandera une nouvelle mission, on…

À moins que.

À moins que vous, soignants, infirmiers, directeurs d'EHPAD, familles, vieux résidents, ne sortiez dans la rue. À moins que vous ne vous mettiez en grève. À moins que vous ne témoigniez sur un Me Too des EHPAD.

Ne croyez pas que ça ne sert à rien. Ne le croyez surtout pas. Ils aimeraient nous instiller ça, le poison de la résignation. Mais nous sommes à l'Assemblée et nous les entendons, nous les voyons de près, les ministres, les puissants : eh bien quand vous êtes dehors, quand vous protestez, ces puissants ne parlent pas pareil. Ils ne balaient plus les critiques d'un revers de main. Leur ton change, vraiment.

Alors, mesdames et messieurs qui tenez nos EHPAD debout, qui maintenez tant bien que mal la dignité jusqu'au seuil de la mort, mon petit discours n'a qu'une fonction : ne vous découragez pas ! Ne baissez pas les bras !

« À chaque époque », écrit le philosophe Pascal Chabot, « l'humanisme doit modifier ses combats. [… ] Une tâche lui [est aujourd'hui] assignée : remettre les logiques économiques et techniques à leur place secondaire, afin qu'elles continuent à servir des finalités plus intéressantes, plus métaphysiques et plus tendres ». Voilà notre tâche. Voilà notre combat.

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