Intervention de Audrey Dufeu

Séance en hémicycle du mardi 3 avril 2018 à 21h30
Débat sur les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAudrey Dufeu :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, c'est de la question du vieillissement et de la longévité que je veux vous parler ce soir.

La politique de l'âge ne peut être qu'associée à des valeurs sociales, progressistes, mais aussi profondément humanistes. Apporter une attention particulière aux plus vulnérables est un combat digne, citoyen et rassembleur. La manière dont nous considérons nos aînés reflète notre perception de notre propre humanité. L'avancée en âge ne doit pas être seulement considérée comme une charge pour notre société, encore moins comme une maladie. Le vieillissement est universel ; il peut aller de pair avec une longévité heureuse, mais aussi avec la dépendance. Le vieillissement traverse toutes les classes sociales. La réponse se doit donc d'être collective et républicaine.

Le fait de mettre en perspective le vieillissement au moment où seuls sa précarité et son coût occupent tous les espaces médiatiques nous fournit l'occasion de nous interroger dans l'hémicycle sur la place que nous voulons donner aux personnes âgées dans notre société.

Depuis trop longtemps, les politiques publiques préfèrent aborder la dépendance par le coût qu'elle induit, et l'action porte essentiellement sur la réduction de ce coût pour l'État et pour les collectivités, ce qui engendre une dynamique de réaction plutôt que d'anticipation. Il est temps de modifier notre vision des choses.

Nous avons, dès maintenant, tous ensemble, un défi à relever : celui de la transition démographique. Selon un rapport de la Cour des comptes de juillet 2016, le nombre des personnes âgées de plus de quatre-vingts ans devrait doubler entre 2010 et 2060, pour atteindre plus de 8 millions. Simultanément, le nombre de personnes âgées dépendantes devrait passer les 2 millions. Nous devons y travailler tous ensemble pour en faire une réussite sociétale digne, humaniste et efficiente. C'est tout le sens et l'objectif du travail parlementaire amorcé par Monique Iborra et Caroline Fiat, que je salue ici et remercie pour leur rapport.

L'entrée dans la dépendance n'est pas inéluctable. Le professeur Berrut, responsable du gérontopôle des Pays de la Loire, souligne ainsi dans son dernier ouvrage que l'adaptation de notre société à la transition démographique « doit se situer à la hauteur des grands enjeux que sont la transition énergétique et les nouvelles relations mondiales ». En effet, la dépendance concerne actuellement seulement 10 % des plus de soixante-quinze ans. En moyenne, 85 % des personnes vieillissantes ont et gardent une vie autonome. La majorité de nos anciens ou futurs anciens va et ira bien. Cette population est pleine de ressources. Elle contribue au tissu associatif, aux liens transgénérationnels. Elle porte une expertise, une réelle économie de la connaissance, qui peut et doit contribuer à une création de valeurs et de richesses pour notre société. Cette nouvelle longévité doit être une chance pour nous tous.

Mais n'oublions pas les personnes âgées les plus vulnérables et leurs proches. Ne voyons pas seulement la dépendance comme un problème ou un fléau. Notre inquiétude et notre considération à son sujet sont les marqueurs d'un pays solidaire et concerné. C'est aussi pour cette raison que la problématique du financement se pose. La crise des EHPAD que nous traversons est l'occasion de montrer notre capacité d'adaptation face aux transformations de notre société. C'est là tout le sens des travaux en cours de notre gouvernement et de notre majorité.

Les mesures de renforcement de nos budgets de santé pour les EPHAD les plus en difficulté défendues par Mme la ministre, et que nous saluons, sont une première étape ; mais nous devons aussi travailler en profondeur, sur le long terme. Il faut ainsi par exemple repenser : l'accompagnement au quotidien des résidents porteurs de troubles cognitifs, par exemple par la généralisation des pôles d'activités et de soins adaptés – PASA ; la simplification des sources de financement de nos établissements et leur homogénéité d'un département à un autre ; le décloisonnement entre la ville et l'hôpital mais surtout entre l'EHPAD et le domicile ; la reconnaissance du savoir-faire de nos paramédicaux ; l'attractivité d'une filière soignante spécifique en gérontologie.

Il serait illusoire de croire qu'une transition démographique réussie ne passerait que par une augmentation des places en hébergement pour personnes âgées dépendantes. Cela sous-entendrait que nous n'anticipons le vieillissement qu'au travers du spectre de la dépendance et de la perte d'autonomie, alors que l'EHPAD de demain doit être repensé dans son environnement et être intégré au nouveau parcours de longévité qui s'offre à nous.

La complexité de nos territoires et des prérogatives partagées entre les agences régionales de santé – ARS – les départements et les municipalités participent à l'entropie de tout un système devenu impropre à la réactivité indispensable pour les prochaines années. Nous devons développer des réseaux d'évaluation gériatriques ambulatoires, nous appuyer sur les soins de suite et de réadaptation, transformer notre système de santé gériatrique et inventer l'EHPAD de demain.

Mes chers collègues, vous l'aurez compris, notre politique de l'âge doit être ambitieuse, optimiste, globale et surtout humaniste.

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