Intervention de Agnès Firmin Le Bodo

Séance en hémicycle du mardi 3 avril 2018 à 21h30
Débat sur les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAgnès Firmin Le Bodo :

Nous débattons ce soir des conclusions de la mission d'information sur la situation des EHPAD présentée le 14 mars dernier devant la commission des affaires sociales par Mmes Monique Iborra et Caroline Fiat. Je tiens à saluer la qualité du travail fourni par mes collègues, qui prend la pleine mesure des graves difficultés auxquelles sont confrontés les établissements. Le bien-être de nos aînés est un sujet trop important pour que nous n'y consacrions pas toute l'attention qu'il mérite. Aussi, je me réjouis de cette nouvelle occasion qui nous est donnée ce soir d'approfondir notre réflexion et d'échanger plus avant sur cette question.

Ce rapport s'inscrit dans la lignée des travaux précédents de la commission des affaires sociales. La commission s'était en effet saisie de ce sujet dès le début de cette législature, afin de faire un état des lieux de la situation des EHPAD. Avec Charlotte Lecocq, nous avions ainsi, dans le cadre de nos travaux d'évaluation de la loi d'adaptation de la société au vieillissement, identifié très rapidement l'un des principaux points de crispation, celui de la tarification des EHPAD.

À l'occasion du rendu des conclusions de notre mission flash, en septembre dernier, sans remettre en cause le bien-fondé du principe de convergence tarifaire prévu par la loi ASV, nous avions appelé à un moratoire de l'application de la nouvelle tarification. Sa mise en oeuvre hâtive a en effet entraîné des transferts financiers massifs et imprévus entre établissements, au profit le plus souvent des EHPAD privés et au détriment des EHPAD publics qui ne font pas face aux mêmes moyens et obligations.

L'Assemblée nationale, madame la ministre, a joué son rôle d'alerte. Après nous avoir écoutés, vous nous avez entendus : le 30 janvier dernier, vous avez nommé M. Pierre Ricordeau médiateur de la tarification. Sans même attendre la fin de sa mission, devant l'ampleur du phénomène, vous avez pris la décision d'accompagner les EHPAD pour lesquels la convergence était la plus lourde, en attendant de trouver les raisons d'un tel écart. Le rapport propose la suspension de cette réforme ; après avoir proposé le moratoire, je pense qu'il est maintenant grand temps de poursuivre la réforme de la tarification, eu égard aux propositions que vous avez faites, madame la ministre.

Nous sommes également réservés sur la première mesure du rapport, qui vise à rendre opposable une norme minimale d'encadrement de 0,6 – soit soixante équivalents temps plein pour cent résidents – dans un délai de quatre ans maximum, ce qui reviendrait à doubler le taux d'encadrement actuel. Si l'on peut s'accorder sur la nécessité d'un meilleur encadrement au sein des EHPAD, je ne suis pas convaincue que proposer une mesure normative, non financée et dont on a rappelé lors de l'examen en commission des affaires sociales qu'elle coûterait environ 11 milliards d'euros, soit très productif en l'état. Néanmoins il ne faut pas négliger la souffrance du personnel travaillant dans les EHPAD. Il nous faut mieux l'accompagner et lui permettre de se former tout au long de la carrière. Il est de notre devoir de redorer le blason de ces professions dont nous avons besoin, afin d'encourager les jeunes générations d'infirmiers et d'aides-soignants à exercer dans ces structures, de façon concomitante avec la réflexion sur l'EHPAD de demain.

La proposition no 31 du rapport a pour objet d'organiser un transfert de charges depuis le forfait « hébergement » vers les deux autres : « soins » et « dépendance ». S'il est évidemment nécessaire de réduire le reste à charge, qui engendre de l'anxiété et des tensions au sein des familles, il est avant tout fondamental de réunir toutes les parties prenantes autour de la table pour déterminer, ensemble, les conditions d'un financement pérenne et soutenable de la dépendance.

À ce stade, la question de la tarification en trois branches peut se poser. Pourquoi ne pas imaginer un système plus simple et plus lisible pour les familles, pour les financeurs, pour les directeurs, pour les tarificateurs ? Le tarif d'une journée en EHPAD ne se limite pas à ce que paie la famille. Sur une journée coûtant 100, la famille prend certes 60 en charge, mais n'oublions pas que la solidarité nationale paie 40 ; il me semble parfois nécessaire de le rappeler.

Je vous rejoins donc sur la nécessité d'un grand débat sur la prise en charge de la dépendance, que j'appelle de mes voeux depuis longtemps, et je me réjouis des annonces courageuses de la ministre de la santé qui a déclaré vouloir ouvrir ce chantier. Nous sommes à la croisée des chemins. Le dossier est éminemment complexe puisqu'il va de la gouvernance – quid du rôle de la CNSA ? – à la prise en charge, avec pour fil conducteur la place de la personne accueillie qui doit être le coeur même des décisions que nous prendrons. Dans ce domaine, madame la ministre, vous nous trouverez à vos côtés et nous serons force de proposition.

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