Intervention de Éric Coquerel

Séance en hémicycle du samedi 21 avril 2018 à 9h30
Immigration maîtrisée droit d'asile effectif et intégration réussie — Article 16

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Coquerel :

En 1993, Charles Pasqua avait porté le nombre maximal de jours de rétention de sept à dix : plus un tiers. En 2003 et en 2011, Nicolas Sarkozy l'a porté à trente-deux, puis quarante-cinq. Aujourd'hui, vous proposez un doublement, qui constituerait un triste record.

En vingt ans, la longueur maximale de la détention en centre de rétention administrative a donc été multipliée par sept. Pour quel résultat : moins de migrants aux frontières ? Moins de migrants franchissant la Méditerranée au risque de leur vie ? Bien sûr que non !

Par contre, le résultat est connu pour ceux qui subissent cette rétention. Je me suis rendu il y a deux semaines au centre de rétention du Mesnil-Amelot, comme la loi m'y autorise, pour observer les conditions de vie dans ces centres. Celui-là n'est pas le pire : il est l'un des plus récents et le personnel est correct, de l'avis même des personnes retenues, même s'il y a des problèmes de nourriture et d'eau potable. Mais ce qui revient dans tous les témoignages, tous, c'est que ces gens ne comprennent pas pourquoi ils sont emprisonnés. Parce que c'est une prison ! Ils sont privés de liberté, et ils se demandent pourquoi ils sont emprisonnés alors qu'ils n'ont rien fait – car on ne peut pas considérer que ne pas avoir de papiers soit un délit ou un crime nécessitant une privation de liberté de quarante-cinq jours.

Il y avait eu une tentative de suicide, la semaine précédant mon arrivée. À Marseille, au cours des deux derniers mois, il y en a eu sept. Pour ce simple fait qu'être privé de liberté juste parce qu'on n'a pas de papiers, c'est une situation tellement insupportable qu'elle génère des drames.

Mes chers collègues, monsieur le ministre d'État, nous devons voter en toute conscience et en toute responsabilité sur cet article. Pensons aux conséquences de notre vote. Doubler le nombre de jours de rétention n'aura aucun effet dissuasif, et ne fera qu'inciter les migrants à se placer davantage dans la marge et la clandestinité. En revanche, les effets seront très clairs pour les personnes déjà en détention. Je vous demande de voter en toute conscience, et qu'il n'en résulte pas une balafre de plus pour la République.

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