Intervention de Isabelle Rauch

Séance en hémicycle du jeudi 24 mai 2018 à 9h30
Présence des parlementaires dans les organismes extérieurs au parlement — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaIsabelle Rauch :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, monsieur le vice-président de la commission des lois, chers collègues, en 1879, la féministe Maria Deraismes s'exprimait en ces termes : « La politique du suffrage universel est la clé de voûte de toute société soucieuse du progrès. Si elle n'a pas donné tous les résultats qu'on en espérait, c'est que le suffrage universel, amputé d'une moitié, n'a jusqu'ici fonctionné que sur un pied et en boitant, laissant sans emploi une grande partie de ses forces, en ayant refusé la femme comme auxiliaire. »

Nous pouvons fort heureusement, désormais, nous réjouir du fait que les femmes disposent de la plénitude des droits politiques, mais il me semble que des progrès majeurs doivent encore être faits dans la pratique. Le principe paritaire consacré constitutionnellement en 1999 met en effet du temps à se traduire dans les faits. Convaincus qu'il faut passer des principes aux actes, le président de l'Assemblée nationale et les présidents de quatre groupes parlementaires ont souhaité moderniser les modalités de nomination des parlementaires dans les organismes extraparlementaires.

Je salue M. Waserman pour la qualité des échanges que nous avons eus lors des travaux préparatoires et pendant l'examen en commission de cette proposition de loi. Ce travail commun a permis d'aboutir à un texte juridiquement solide et porteur d'une réelle volonté de changement.

La délégation aux droits des femmes avait formulé six recommandations sur ce texte, et je suis très heureuse que la première d'entre elles ait été acceptée en commission. Un article liminaire a ainsi été ajouté à cette proposition de loi, aux termes duquel « L'Assemblée nationale et le Sénat favorisent le partage à égalité entre les femmes et les hommes des responsabilités politiques, professionnelles et sociales. » Le texte adopté par la commission commence par rappeler cet engagement : c'est un signal fort. En consacrant ce principe, nous montrons que nous respectons nous-même les règles que nous entendons appliquer à l'ensemble de la société. C'est bien cet esprit qui a présidé à la réalisation de cette proposition de loi.

Je ne reviendrai pas ici sur son économie d'ensemble, que le rapporteur a détaillée ; je me concentrerai sur l'article 1er qui organise les modalités paritaires de désignation des députés et sénateurs dans les organismes extraparlementaires. Cet article distingue trois situations. Premièrement, lorsque chaque assemblée désigne un nombre pair de parlementaires, elle doit nommer autant de femmes que d'hommes. Deuxièmement, lorsque l'Assemblée nationale et le Sénat sont appelés à nommer respectivement un député et un sénateur, ils désignent alternativement, chacun en ce qui le concerne, une femme et un homme. Troisièmement, lorsque chaque assemblée désigne un nombre impair de parlementaires, il lui revient de désigner alternativement un nombre supérieur de femmes ou d'hommes. Dans les deux derniers cas, la proposition retient un principe d'alternance, soit entre les deux chambres, soit dans le temps.

Ces mécanismes sont pertinents : ils assureront une parité réelle dans tous les organismes et à tous les postes. Il faut en effet se garder d'une approche globale qui pourrait conduire à confiner les femmes – mais aussi les hommes – à certains postes. Il ne faut plus, mes chers collègues, que la nomination d'une femme à la présidence d'un grand établissement ou à la tête d'un conseil d'administration soit perçue comme une avancée : cela doit devenir une réalité quotidienne.

Dans son rapport d'information sur cette proposition de loi, la délégation aux droits des femmes a énoncé six recommandations. La première, dont j'ai déjà parlé, consistait à mentionner explicitement le principe d'égalité réelle dans un article liminaire.

La deuxième recommandation est d'étendre le principe de la désignation paritaire à toutes les nominations relevant du Parlement, notamment pour les personnalités qualifiées.

La troisième s'inscrit dans une approche plus globale du principe de parité. Il faut bien évidemment s'intéresser à la parité du poste considéré, mais aussi tenir compte de l'environnement dans lequel s'inscrit ce poste : par exemple, nommer une femme dans un conseil d'administration où ne siègent que des hommes risque de faire d'elle un simple alibi. Nous proposons donc que toute nomination soit accompagnée de la publication de données sur la répartition entre les femmes et les hommes au sein de l'instance considérée. Nous ne pourrons pas faire changer toutes les pratiques, mais nous serons informés et nous pourrons demander aux autorités de nomination des explications sur leurs choix.

La quatrième recommandation concerne les modalités d'examen des personnes que le Président de la République envisage de nommer au titre de l'article 13 de la Constitution. Il nous appartiendra de déterminer, lors de la révision constitutionnelle, si le principe paritaire doit s'appliquer à ces nominations. D'ores et déjà, nous proposons que, à l'occasion de l'audition de chaque candidat, l'identité de ses prédécesseurs soit rappelée, afin que l'on sache comment la parité a été appliquée au poste considéré.

Dans le même esprit, il me semble indispensable d'interroger les personnes amenées à exercer des responsabilités managériales sur la façon dont elles entendent mettre en place le principe paritaire dans la structure dont elles auront la charge – c'est là notre cinquième recommandation. Nous devons en effet non seulement nous préoccuper des instances de direction mais aussi veiller à ce que l'égalité entre les femmes et les hommes s'applique à tous les niveaux.

Enfin, pour veiller à la réalité de l'application de la parité, notre sixième et dernière recommandation est de créer un Observatoire de la parité qui aurait une vision d'ensemble de la situation dans les champs politiques, professionnels et sociaux.

Je ne doute pas, mes chers collègues, que vous partagiez ma conviction et mon engagement en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes, et j'espère pouvoir compter sur votre soutien pour défendre les cinq recommandations restantes lors de l'examen de prochains textes.

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