Intervention de Olivier Véran

Séance en hémicycle du dimanche 27 mai 2018 à 9h30
Équilibre dans le secteur agricole et alimentaire — Après l'article 11 septdecies

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOlivier Véran :

Le Président de la République a dit qu'il souhaitait faire de la prévention la pierre angulaire de sa politique de santé. Or l'information est la base de la prévention. Je reprends le sujet précédent : lorsque l'on parle de responsabiliser les parents, encore faut-il leur donner un bon niveau d'information. Il n'y a, par exemple, que 30 % des Français qui considèrent être au clair avec les messages des emballages concernant l'apport calorique journalier qu'ils doivent recevoir. D'après plusieurs enquêtes d'opinion, 87 % des Français veulent que l'information nutritionnelle soit renforcée pour les aider à choisir.

Tel est précisément l'objet de cet amendement, qui vise à généraliser le Nutri-Score dans les publicités pour les denrées alimentaires. Le Nutri-Score va du A au E, du vert au rouge, selon la teneur en sel, en sucre, en graisses saturées, mais aussi en fibres, en fruits, en légumes et en protéines. C'est simple, validé scientifiquement, une expérimentation en vie réelle ayant eu lieu, et soutenu par tous les médecins et par tous les organismes de santé publics.

Mes chers collègues, en votant cet amendement, vous soutiendrez l'industrie agroalimentaire française. En effet, celle-ci n'ajoute pas 50 grammes de sucre dans 100 grammes de céréales destinées aux enfants, alors que l'obésité est devenue une véritable épidémie à l'échelle de la planète. Cette industrie ne bourre pas ses recettes de sel pour masquer l'absence de goût, quitte à faire exploser l'hypertension artérielle et les maladies vasculaires. La tradition culinaire française n'avance pas masquée. Nous n'avons pas besoin d'un Nutri-Score pour savoir que le foie gras est gras, c'est écrit dans le nom, mais nous en mangeons parce que c'est bon et que cela fait plaisir. Il n'y a pas de bons ni de mauvais aliments, mais de bonnes et de mauvaises façons de les consommer. Pour cela, il faut être au courant de ce que l'on consomme. Avant, c'était clair, mais, aujourd'hui, beaucoup d'aliments et de plats préparés, provenant notamment de l'étranger, ne donnent aucune visibilité aux consommateurs.

Le ministre a soulevé en commission le risque d'une procédure européenne : je ne crois pas une seconde que la Cour de justice de l'Union européenne soit amenée à se saisir du fait que l'on parle de droit de la publicité et non de droit de l'emballage. Nous sommes ici au Parlement français et c'est nous qui rendons compte de notre action aux Français.

J'ai évidemment rencontré bon nombre d'industriels. Mon équipe a visité il y a quelques jours les usines du deuxième producteur agroalimentaire français, Fleury Michon, qui est très favorable au combat que nous menons pour le développement du Nutri-Score, y compris dans la publicité. J'ai aussi vu des oppositions chez certains industriels, mais ceux-ci ne respectent pas les valeurs culinaires françaises et sont souvent de gros pourvoyeurs d'obésité et de diabète. Ces industriels, mes chers collègues, ne s'engageront jamais d'eux-mêmes dans des démarches vertueuses. À ceux-là qui avancent masqués, nous avons l'occasion d'envoyer un message très fort.

Un Américain pèse en moyenne 14 kilogrammes de plus qu'un Français, mais l'obésité concerne également les jeunes en Europe, augmente d'autant plus vite que l'accès à l'information est fragilisé et croît encore plus rapidement dans les catégories populaires. Comme l'a dit mon collègue Ramos, un enfant exposé à une publicité pour des aliments gras absorbera en moyenne 340 calories de plus par jour. Il ne s'agit pas d'interdire, mais d'être capable de donner une juste information pour faire un juste choix.

Hier, The Guardian titrait sur le lancement d'une action de groupe contre des industriels agroalimentaires, qui procèdent par des méthodes de neuromarketing pour cibler les enfants, ce qui a des impacts anatomiques sur leur cerveau. Cet amendement n'interdit rien, mais apporte une information claire, rigoureuse, loyale et appropriée.

Je suis convaincu que ce combat mérite d'être mené, et nous avons l'occasion d'informer et de protéger les Français.

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