Intervention de Serge Letchimy

Séance en hémicycle du samedi 2 juin 2018 à 15h00
Évolution du logement de l'aménagement et du numérique — Article 28

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSerge Letchimy :

Nous avons un peu anticipé le débat sur l'article 29. C'est faire un procès d'intention à Stéphane Peu que de parler de dogmatisme et d'état d'esprit. Je ne crois pas qu'il s'agisse de cela, et l'intervention de Jean-Christophe Lagarde montre bien que le caractère inabouti du texte peut s'avérer dangereux. Les arguments sont très simples et je voudrais poser au Gouvernement une question qui fait écho aux propos de notre collègue : que se passe-t-il en matière d'accession sociale après la vente en bloc ? Quelles garanties offrez-vous pour éviter la vente et la survente à partir de la société de portage ? En effet, celle-ci est là pour porter, non pour devenir propriétaire ou se transformer en une deuxième société HLM en achetant un bien qui reste dans son patrimoine pendant très longtemps. La société de portage a vocation à céder les logements ; comment se fait cette cession ? Quels sont les plafonds de vente ? Comment peut-on structurer l'accession sociale à la propriété, y compris de logements qui ne sont pas dans le patrimoine HLM, à des prix compatibles et soutenus par l'État ?

Si vous apportez des réponses claires à ces questions, nous disposerons de vraies solutions et de portes de sortie. Je ne vois pas de problème à ce qu'on accompagne l'accession sociale à la propriété, mais, si vous n'ajoutez pas dans le texte un dispositif permettant d'éviter la spéculation, vous obtiendrez des sociétés qui vont acheter, et comme vous êtes allés très loin, il n'y aura pas que la vente en bloc ; vous vendrez également à des individus, à des personnes physiques. Je ne vois pas pour quelle raison la société qui aura le patrimoine de plusieurs dizaines de milliers de logements ne vendrait pas également aux individus et ne leur créerait pas éventuellement des copropriétés dégradées. Il faut apporter une réponse précise à cette question – que se passe-t-il postérieurement ? – , d'autant que vous donnez la possibilité d'acheter hors de l'estimation des domaines et que la commune n'a plus le droit de préemption.

Ma deuxième remarque concerne les ventes individualisées. En commission, vous m'avez répondu que la vente se fait en priorité aux locataires sur place, mais vous dites qu'on peut vendre également à des collectivités, à des sociétés de portage, à des sociétés HLM, et même à des personnes physiques qui ne sont pas locataires. Nous en avons fait l'expérience au quartier Bon Air ; en vingt ans, on a créé la plus grosse copropriété dégradée de la Martinique, et l'ANRU a dû dépenser des millions d'euros pour démolir les bâtiments, car il n'y avait aucune gestion de copropriété. Je pose donc la question : si par hasard vous ne vendez pas en bloc, mais à des personnes physiques qui deviendront propriétaires – qui peuvent remplacer des locataires s'il n'y a pas de logement conventionné – , quelles incitations comptez-vous mettre en place pour les amener à se structurer ? Avez-vous l'intention de les obliger à organiser la copropriété, étant entendu que, s'il n'y a pas de vente en bloc, une partie des logements sera détenue, pendant plusieurs années, par la société HLM et une autre par des dizaines de personnes qui deviendront propriétaires ? C'est un véritable enjeu. Ne laissez pas croire que l'opposition est défavorable à la cession aux locataires ; ce n'est pas vrai, cela se fait déjà. Mais votre souhait de passer de 8 000 à 40 000 cessions par an vous oblige à des exercices délicats et dangereux, et il est nécessaire de créer des garde-fous.

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