Intervention de Mustapha Laabid

Séance en hémicycle du samedi 2 juin 2018 à 21h30
Évolution du logement de l'aménagement et du numérique — Après l'article 28

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMustapha Laabid :

Comme M. Julien-Laferriere, j'ai une expertise en matière d'HLM, mais plutôt fruit du vécu puisque j'y ai grandi pendant vingt ans. Je connais donc bien ce type de logement.

La loi égalité et citoyenneté de 2017 prévoit la possibilité pour les organismes HLM d'expérimenter pour une durée de cinq ans une politique des loyers dérogatoire dans le cadre des CUS. Par décret, Rennes Métropole, seule candidate du pays, a été autorisée à expérimenter un dispositif appelé « loyer unique ». Ce dispositif doit permettre aux locataires d'HLM de choisir leur lieu de vie indépendamment de leur niveau de ressources, en mettant au même niveau les loyers de tous les logements sociaux de la métropole. Il est présenté comme un outil innovant pour lutter contre l'assignation à résidence des ménages les plus pauvres, notamment dans les quartiers de la politique de la ville.

À la lecture de cette disposition, mes collègues et moi-même nous sommes réjouis de cette « idée de génie ». Députés dans des circonscriptions incluant les quartiers les plus pauvres de Rennes, nous ne pouvions que souscrire à cet enjeu de mobilité résidentielle pour les familles les plus modestes.

Alors, quel désenchantement ! Car, une fois passée l'écoute naïve de la communication de la ville de Rennes, une fois étudiées les modalités de la mise en oeuvre du dispositif, nous ne pouvions plus parler que de « fausse bonne idée ». Le loyer unique ainsi conçu ne remplit pas les objectifs en matière de mixité sociale, car la mixité sociale ne se décrète pas – surtout lorsque l'on souhaite attirer des populations nouvelles dans ces quartiers populaires. Et ce n'est pas en augmentant le loyer dans les logements anciens pour compenser leur baisse dans les logements récents que les classes moyennes vont venir s'installer dans ces quartiers.

Je préfère me battre à vos côtés, messieurs les ministres, pour la rénovation urbaine et un cadre de vie sécurisé et de qualité, et pour une politique de peuplement qui permette le vivre ensemble dans la diversité. Le loyer unique ne remplit pas ces objectifs. Aussi, vouloir envoyer les familles les plus modestes hors de la ville pose question en termes d'accès aux services publics, de mobilité, et d'accès à l'emploi et à la formation professionnelle. Rennes n'est pas une ville ghetto ! Pourquoi vouloir pousser les plus modestes hors de la ville ? Pourquoi vouloir créer de nouveaux lieux au ban de la ville, de nouvelles banlieues ?

Je conclurai en soulignant que ce loyer unique aura un impact différent selon les bailleurs sociaux : ceux ayant le parc le plus ancien profiteront financièrement de cette expérimentation du fait de l'augmentation de leur quittancement de loyer, alors que ceux qui ont investi le plus ces dernières années, donc les plus vertueux, seront pénalisés financièrement !

Messieurs les ministres, mes chers collègues, oui à l'expérimentation si elle s'inscrit dans un esprit de justice sociale et d'équité territoriale, oui à l'expérimentation si elle est sincère et ne tend pas à faire financer par d'autres des choix pris par intérêt politique et financier. Mais, ces conditions n'étant pas réunies, je vous demande de bien vouloir prendre en considération mon amendement proposant l'abrogation du IV de l'article L. 445-3 du code de la construction et de l'habitation.

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