Intervention de Jean-Michel Blanquer

Séance en hémicycle du jeudi 7 juin 2018 à 9h30
Encadrement de l'utilisation du téléphone portable dans les écoles et les collèges — Présentation

Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale :

Monsieur le président, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les députés, comment un monde de plus en plus technologique peut-il être de plus en plus humain ? À mes yeux, c'est la question principale de notre temps, et cette proposition de loi est l'une des réponses que nous pouvons apporter. Les grands défis technologiques actuels se posent d'abord à l'école, et les réponses que nous pouvons leur apporter passent par l'école, d'abord parce que l'école doit tenir compte des nouvelles technologies.

Il y a deux jours, j'ai inauguré, au ministère de l'éducation nationale, un laboratoire de nouvelles technologies qui a vocation à avoir un impact sur l'ensemble du système scolaire. Comme vient de le dire Mme la rapporteure, nous devons aussi offrir une éducation aux nouvelles technologies. C'est le sens de l'introduction de nouvelles matières au lycée, notamment la discipline de spécialité que nous appellerons les « sciences informatiques », à l'issue de la réforme du baccalauréat. C'est également le sens de l'introduction, dans le socle commun du lycée, d'une discipline qui a trait aux « humanités scientifiques et numériques », notion que nous mettons au pluriel, ce qui est très significatif du lien qu'il convient d'établir entre la culture générale à donner à nos élèves et les grands défis technologiques de notre temps.

Être ouvert aux technologies du futur, considérer même qu'elles sont clés pour demain, ne signifie pas que nous devons les accepter telles quelles dans tous leurs usages. Nous savons tous que, comme les langues d'Ésope, les nouvelles technologies peuvent servir au meilleur comme au pire. Cela signifie qu'il y a des bons usages, des usages pertinents, qui peuvent même permettre d'accomplir l'idéal socratique, vieux de plusieurs siècles, de l'interaction et de la participation des élèves. Nous pouvons le faire, mieux que jamais, grâce aux nouvelles technologies.

Cependant, nous ne connaissons malheureusement que trop les mauvais usages : comme l'a rappelé Mme la rapporteure, il s'agit du cyberharcèlement, de la consultation de sites pornographiques par les élèves et tout simplement de l'addiction aux écrans. Celle-ci est devenue un véritable mal de notre société, un mal qui sévit très tôt et ne passe pas seulement par les smartphones et l'école, mais contre lequel les pouvoirs publics doivent adresser un message clair. En effet, toutes les études internationales montrent que cette addiction aux écrans, notamment aux smartphones, fait des dégâts : elle conduit à un affaiblissement de la concentration des enfants et, de plus en plus, surtout à partir de la classe de sixième, à un recul de pratiques fondamentales comme les exercices physiques et la lecture.

Par conséquent, si les nouvelles technologies peuvent susciter notre enthousiasme, en même temps, nous devons être vigilants vis-à-vis de tous leurs effets pervers. Nous devons à nos enfants et à nos adolescents, dès l'école, ce discernement et cette clarté. C'est pourquoi je me réjouis de l'inscription à l'ordre du jour de cette proposition de loi visant à interdire l'utilisation du téléphone portable dans les écoles et les collèges. Ce texte concrétise un engagement de campagne du Président de la République, que je suis fier, en qualité de ministre de l'éducation nationale, de pouvoir mettre en oeuvre. L'interdiction du téléphone portable à l'école répond à des enjeux éducatifs clés, notamment le premier d'entre eux : la protection des élèves. Il est bon de rappeler une évidence : les élèves sont tous des mineurs, et nous avons un devoir de protection à leur égard, à l'école et au collège tout particulièrement.

Durant les activités d'enseignement, le téléphone portable perturbe la sérénité des apprentissages. Son interdiction garantira aux élèves un environnement favorable. La qualité de la concentration des élèves est en effet indispensable à la compréhension, à la mémorisation et donc à la réussite. Durant les temps de récréation, l'usage du téléphone portable dégrade le climat scolaire : leur utilisation de plus en plus massive nuit à l'activité physique et dégrade les relations entre les élèves. Les chefs d'établissements pourront vous le dire : une cour sans portable, c'est une cour où les enfants jouent, discutent, chahutent, où ils vivent leur vie d'enfant.

Au cours de mes nombreuses visites de collèges, je constate la très grande différence entre les établissements où le téléphone portable est déjà interdit et ceux où il ne l'est pas. Cela prouve, du reste, que l'interdiction est possible dans les faits, mais nous avons besoin – j'y reviendrai – d'une base juridique beaucoup plus solide et claire que celle en vigueur ; le débat public de ce matin nous y aidera.

Par ailleurs, l'usage des téléphones portables est à l'origine d'une part importante des incivilités et des perturbations dans les établissements : bris de téléphone, racket et vol. C'est une réalité dont nous devons parler. Ils servent souvent de support au phénomène de cyberharcèlement, qui est importé dans les cours de récréation et se poursuit en dehors des établissements. Il conduit à des changements que l'on pourrait qualifier d'anthropologiques dans la vie de nos enfants et de nos adolescents ; nous devons y être très attentifs. Enfin, les téléphones portables facilitent l'accès aux images violentes, notamment pornographiques ; ils contribuent ainsi à diffuser une image dégradante de la femme, contraire aux principes républicains et humanistes que nous portons collectivement – vous le savez, c'est un sujet sur lequel le Gouvernement est particulièrement engagé.

Vous avez tous, mesdames et messieurs les députés, évoqué ces enjeux lors de l'examen de ce texte en commission des affaires culturelles et de l'éducation. Sur ces questions, je constate un consensus dans toute la société française, que je vérifie avec chaque interlocuteur.

En commission, certains d'entre vous se sont interrogés sur la nécessité de légiférer puisque l'interdiction du téléphone portable à l'école figure d'ores et déjà dans le code de l'éducation. Je souhaite répondre clairement à cette interrogation qui me semble légitime.

En l'état actuel du droit, l'article L. 511-5 du code de l'éducation prévoit l'interdiction de l'usage des téléphones portables « durant toute activité d'enseignement et dans les lieux prévus par le règlement intérieur ».

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