Intervention de Brune Poirson

Séance en hémicycle du mardi 19 juin 2018 à 21h45
Lutte contre la pollution du transport maritime et promotion des carburants marins alternatifs — Discussion générale

Brune Poirson, secrétaire d'état auprès du ministre d'état, ministre de la transition écologique et solidaire :

Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, je prends aujourd'hui la parole à la place d'Élisabeth Borne, retenue à Göteborg, en Suède. Je remercie tout d'abord le député Saïd Ahamada pour son initiative, à laquelle je m'associe, comme pour sa mobilisation sans faille sur le sujet. Elle vient rappeler l'impérieuse nécessité de réduire l'impact des transports sur l'environnement. Je me réjouis d'être ce soir avec vous pour discuter de cette proposition de résolution, qui va dans le sens de la politique menée par le Gouvernement.

Dans le domaine du transport maritime, nous agissons à la fois sur le plan national, pour inciter et accompagner cette transition, et sur le plan international, pour faire évoluer les règles qui sont les plus efficaces et qui garantissent une concurrence équitable entre les acteurs économiques.

Comme beaucoup d'entre vous l'ont indiqué, le comité interministériel de la mer de novembre dernier a donné les orientations de cette politique.

Au niveau international, la France porte à l'Organisation maritime internationale une ambition élevée en matière environnementale, tant sur la qualité de l'air que sur la réduction des gaz à effet de serre. La France a très fortement contribué à la mobilisation sur le sujet, en particulier à la fixation de l'objectif de réduction de 50 % des émissions de gaz à effet de serre en 2050, une ambition que nous avons défendue dans le cadre du sommet mondial sur le climat, le One Planet Summit, qui a été reprise à son compte par l'OMI.

La proposition de résolution souhaite que le projet d'une zone de réduction des émissions d'oxyde de soufre et d'azote sur l'ensemble de la Méditerranée puisse aboutir. Sachez, monsieur le député, que nous le souhaitons aussi. Il n'y a aucune raison que les populations du sud et du nord de la Méditerranée ne bénéficient pas de la même attention que celles de la Manche et de la mer du Nord. Mais, pour cela, nous devons démontrer la pertinence de cette zone au sein de l'Organisation maritime internationale.

Nous réalisons donc actuellement une étude complète, qui a été confiée à un groupement conduit par l'Institut national de l'environnement industriel et des risques – INERIS – , qui prendra en compte le trafic réel de la zone et les émissions associées pour produire une modélisation climatique. Les résultats de cette étude seront disponibles en septembre prochain et feront l'objet d'une restitution devant les experts de tous les pays du bassin méditerranéen et les acteurs locaux. S'ils montrent qu'une telle zone apporterait des bénéfices sur le plan sanitaire, nous mènerons une action diplomatique résolue et très volontariste, pour convaincre les pays méditerranéens de soutenir ce projet à l'OMI, proposition que, le cas échéant, nous déposerons dès 2019.

Nous déployons la même méthode au sujet des particules fines, avec un groupe de travail associant notamment les armateurs, les motoristes et les organisations non gouvernementales, qui réalise un état de l'art en la matière. Des technologies de filtration innovantes seront également proposées dans le cadre d'un appel à projet de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie – ADEME. Sur la base de ce travail, nous déterminerons les projets que nous pourrons porter à l'OMI sur cette question.

Cette action internationale s'accompagne naturellement d'actions au niveau national. À cet effet, les services du ministère des transports réalisent par exemple des contrôles des teneurs en soufre : 706 contrôles ont été effectués en 2017 et 200 depuis le début de l'année. Vous voyez, mesdames, messieurs les députés, combien nous sommes mobilisés sur cette question.

Par ailleurs, comme chacun d'entre vous l'a souligné, le GNL est aujourd'hui le carburant et la technologie les plus adaptés pour réduire les émissions polluantes. Les armateurs français prennent ce virage, comme l'ont fait le groupe CMA CGM, avec la commande de six porte-conteneurs fonctionnant au GNL, ou Brittany Ferries avec un premier ferry.

Afin de faciliter et d'accélérer ces décisions, plusieurs mesures sont à l'étude, comme la réduction de la durée d'amortissement de ces navires – qui reste trop souvent un obstacle au passage au GNL – ou la fiscalisation de ces carburants comme carburants marins.

De même, vous soulignez l'intérêt qu'il y aurait à mettre en place un suramortissement pour les navires propulsés au GNL ou à un autre carburant propre. Nous discutons actuellement avec les armateurs sur la trajectoire de conversion de la flotte et sur les meilleures modalités d'accompagnement. Je ne peux pas préjuger des arbitrages en la matière qui relèvent du projet de loi de finances, mais votre résolution permettra d'éclairer le Gouvernement sur l'orientation souhaitée par la représentation nationale.

Concernant la propulsion hydrogène, je souhaite que le transport maritime puisse s'inscrire dans le plan hydrogène annoncé par Nicolas Hulot au début du mois. Le Conseil d'orientation de la recherche et de l'innovation pour la construction et les activités navales a identifié cette thématique dans sa feuille de route dite « green ship ». La ministre chargée des transports soutiendra pour sa part les projets qui seraient déposés dans ce domaine au titre des dispositifs d'aides à l'innovation.

Les démarches des compagnies maritimes ne pourraient aboutir sans l'adaptation des infrastructures portuaires tant pour la distribution du GNL que pour l'électricité à quai. Pour accompagner cette transition, le ministère des transports a donc élaboré une stratégie nationale de développement des carburants alternatifs dans les ports avec des objectifs de déploiement des infrastructures adaptées à horizon 2025-2030.

Deux types d'énergies alternatives sont concernés : l'électricité à quai qui vise à réduire la pollution émise par les moteurs des navires en escale ; le GNL qui permet de réduire les émissions de gaz à effet de serre. D'ores et déjà, les ports du Havre, de Nantes et de Dunkerque disposent de stations d'avitaillement en GNL. À Marseille, les études de risques pour permettre l'approvisionnement en GNL de navires de croisière sont achevées et devraient permettre d'autoriser prochainement l'avitaillement. En complément du GNL, le port de Marseille est le premier port français à proposer un branchement à quai destiné à des navires de commerce.

Enfin, la puissance publique s'est impliquée auprès des acteurs privés pour mettre en place une plateforme GNL opérationnelle depuis début 2017. Celle-ci rassemble une cinquantaine d'entreprises de la filière et poursuivra les activités de facilitation nécessaires à l'émergence de projets liés au GNL, comme la recherche de financement ou l'évolution de la réglementation.

Je crois comme vous qu'un port doit penser son activité en prenant en compte la ville ou la métropole dans lequel il est implanté. La réciproque me semble tout aussi juste. Il faut donc veiller au dialogue entre les citoyens et leur port. Je sais, monsieur le député, que vous êtes particulièrement actif sur cette question.

Depuis plusieurs années, les ports ont engagé des actions en faveur du dialogue. Un grand nombre d'entre eux a signé une charte ville-port. C'est le cas notamment à Marseille où le comité de pilotage de la charte se réunit une à deux fois par an depuis 2013, avec pour objectif l'intégration du port dans le tissu urbain ainsi que l'implication de la métropole dans le développement du port. Ce dialogue entre port et citoyens se matérialise également à travers la création d'un « port center » comme au Havre, à Dunkerque ou à La Rochelle qui permet de renouer des liens parfois distendus avec les habitants de la ville.

La loi de 2008 a également prévu la mise en place dans chaque grand port maritime de conseils de développement associant des représentants d'associations de défense de l'environnement. Ces conseils se prononcent notamment sur la stratégie du port et sa politique d'investissement. Ils permettent d'animer la place portuaire.

Ce dialogue, mis en place à l'initiative du port et des villes ou des métropoles, est à encourager. Monsieur le député, votre souhait a été particulièrement entendu à Marseille puisque vous tiendrez prochainement une première réunion rassemblant le grand port maritime, les habitants, les comités d'intérêt de quartiers, les conseils citoyens et les associations de défense de l'environnement. Nous souhaitons que ce dialogue soit le plus fructueux possible et nous vous soutiendrons dans cette démarche.

Pour conclure, soyez assurés que le Gouvernement a pleinement pris la mesure de la nécessité de mener des actions visant à favoriser la réduction des émissions polluantes des navires. C'est avec un grand intérêt que nous avons pris note des pistes que vous proposez.

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