Intervention de Emmanuelle Ménard

Séance en hémicycle du mercredi 20 juin 2018 à 15h00
Pilotage de la recherche publique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEmmanuelle Ménard :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, il faut se féliciter que le sujet de la valorisation de la recherche publique soit abordé dans cet hémicycle. Nous sommes plusieurs à avoir rappelé qu'en 2015, en matière de dépenses pour la recherche publique, la France occupait la cinquième place mondiale. On relate aussi la création de 256 start-up grâce aux sociétés d'accélération du transfert de technologie. On n'oublie pas non plus de nous dire qu'en 2017, le Gouvernement s'est mobilisé, puisque la loi de finances initiale a permis de sortir 27 milliards d'euros en autorisations d'engagement et presque autant en crédits de paiement, soit une augmentation de 2,9 %.

Tout cela est vrai, mais est-ce suffisant ? La Cour des comptes semble dire le contraire. Récemment auditionnée par la commission des affaires économiques, elle a dessiné un portrait beaucoup moins flatteur : on a appris que l'argent des Français est géré avec quelque peu de légèreté, notamment en ce qui concerne les moyens alloués à la valorisation de la recherche publique – valorisation qui, je le rappelle, engage de coquettes sommes. La Cour des comptes ne mâche pas ses mots : elle dénonce le fait que si les ambitions sont bien là, elles ne semblent pas en adéquation avec ce qui se passe réellement sur le terrain. Bien que la volonté d'être parmi les leaders de l'innovation soit louable, il faut se rendre à l'évidence : les résultats ne sont pas à la hauteur de nos espoirs. Et la Cour des comptes de continuer : l'écosystème censé favoriser l'innovation est si confus qu'en réalité il la bloque ; le maillage territorial supposé la soutenir ne correspond absolument pas aux ambitions d'excellence que les gouvernements successifs ont revendiquées ; les nouvelles structures mises en place pour promouvoir l'innovation par un lien plus étroit entre recherche privée et recherche publique sont en difficulté ; pour couronner le tout, les financements pourtant abondants ne sont soumis à aucun véritable contrôle budgétaire. Bref, cela ressemble à ce qu'on pourrait appeler de l'amateurisme, alors que l'innovation est un enjeu majeur pour la France et ses entreprises, ainsi que pour la place de la France dans le monde.

L'enjeu est d'autant plus crucial que le développement économique des pays émergents s'accélère et que ceux-ci prennent de plus en plus de place sur le marché de l'innovation. Je pense notamment à l'Inde, qui, depuis quelques années, est le nouveau paradis des start-up.

La présente proposition de résolution est pleine de bonnes intentions. Espérons simplement qu'il ne s'agisse pas de voeux pieux ! Quand on lit des phrases comme : « L'Assemblée nationale [… ] souhaite que puissent aboutir rapidement les projets de systèmes d'information interopérables entre acteurs de la recherche » ou « L'Assemblée nationale [… ] invite le Gouvernement à faire preuve de la plus grande vigilance sur l'ambition des volets "Recherche" et "Politique spatiale" », on est en droit de se demander si ce texte est véritablement à la hauteur des enjeux de notre époque.

Prenons l'exemple de la recherche spatiale. C'est un enjeu politique incontournable si nous voulons tenir notre rang de grande puissance mondiale. Or nous en sommes encore à suggérer à ce secteur d'activité de faire une sorte de petit nettoyage de printemps afin de clarifier les moyens dont il dispose pour préparer l'avenir et rester compétitif technologiquement et économiquement. Or nous sommes en compétition, une compétition acharnée, et, sans innovation, notre croissance et notre compétitivité ne tarderont pas à tomber au point mort. Ayons donc plus d'ambition pour ce qui est des moyens à y consacrer !

Renouons avec une culture de l'innovation audacieuse pour stopper la fuite de nos chercheurs à l'étranger ! Si la France est riche d'ingénieurs, de chercheurs, de financiers, de chefs d'entreprise qui veulent se lancer dans l'innovation, beaucoup d'entre eux sont hantés par la peur de l'échec, la dévalorisation de l'entrepreneuriat ou la crainte de rencontrer des difficultés pour financer leur projet. On sait qu'outre-Atlantique, les entreprises rivalisent d'ingéniosité pour garder leurs talents. Alors, nous aussi, faisons preuve d'imagination pour mieux innover et donner plus de liberté à nos chercheurs !

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