Intervention de Olivia Gregoire

Séance en hémicycle du mercredi 20 juin 2018 à 15h00
Révision générale des taxes à faible rendement — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOlivia Gregoire :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, c'est en tant que co-rapporteure spéciale de la commission des finances sur le programme « Développement des entreprises et régulations » que je prends la parole devant vous. J'associe à cette intervention mon collègue Xavier Roseren, co-rapporteur spécial de ce programme.

Au cours de la réunion de la commission d'évaluation et de contrôle des politiques publiques portant sur la mission « Économie », dont relève notre rapport spécial, nous avons été marqués l'un et l'autre par le foisonnement et la complexité extrême des dispositions fiscales s'appliquant aux entreprises. Je souhaite donc approfondir les propos de mon collègue Saint-Martin s'agissant des taxes, en particulier celles à faible rendement.

Le poids que représentent, pour nos entreprises, ces dispositions fiscales, les contrôles qui les accompagnent et les contentieux qu'elles génèrent est bien connu de tous. Notre système fiscal et ses incohérences sont l'un des facteurs explicatifs des difficultés récurrentes éprouvées par les entrepreneurs français et étrangers exerçant sur notre territoire à se situer par rapport aux pouvoirs publics et à envisager sereinement leurs échanges avec l'administration. Au sein de la majorité, nous avons déjà souhaité alléger cette charge mentale et psychologique pesant sur les entrepreneurs à travers le projet de loi pour un État au service d'une société de confiance, notamment ses dispositions de rescrit.

Mais notre système de taxes et impôts est à ce point opaque et mouvant qu'il représente pour certains une incertitude, voire une crainte quotidienne. La multiplicité des dispositifs, dénoncée à de multiples reprises non seulement par nos entreprises, mais parfois même par ceux qui édictent les lois, est si ancrée dans notre vision des choses que nous avons perdu de vue l'essentiel : l'efficacité et l'efficience de ces dispositifs.

Le véritable enjeu est pourtant bien là. Chaque nouvelle taxe, chaque contrôle, chaque contentieux a un double coût : pour nos entreprises, car des formalités innombrables les éloignent de leur coeur de métier, de leur raison d'être ; et évidemment pour l'État et son administration, mobilisés sur des sujets dont la pertinence est régulièrement remise en question par les autorités publiques de conseil et de régulation. La Cour des comptes consacrait ainsi à ce sujet, en 2016, un rapport dans lequel elle ne dénombrait pas moins de 233 prélèvements versés par les entreprises, représentant une somme dépassant les 770 milliards d'euros.

Aucune taxe n'existe bien sûr par hasard, et chacune a, un jour, eu une raison d'être, traité un problème bien particulier touchant à l'encadrement d'une activité à risque ou à la participation au financement d'un élément nouveau. Mais elles se sont sédimentées jusqu'à former un magma opaque aux yeux des entreprises qui s'en acquittent comme des responsables qui les pilotent.

Un ensemble de taxes à faible rendement conduit particulièrement à s'interroger : le coût et la complexité de leur recouvrement font réagir. Réviser les taxes les moins pertinentes, celles dont l'objet et la finalité ne correspondent plus aux réalités de notre économie, c'est soulager nos entreprises d'un poids. Compenser les pertes induites pour l'État – étape indispensable – , c'est consacrer, pour les années à venir, son rôle et celui de ses opérateurs dans la correction des failles du marché, dans l'atténuation d'externalités négatives auxquelles nous ne pouvons encore échapper. Et maintenir les taxes les plus utiles, c'est garantir des ressources indispensables à une action publique dont le but reste de proposer un environnement stable et propice au développement de nos entreprises.

En 2016, la Cour des comptes a identifié cinquante-sept prélèvements représentant seulement 2,4 % du montant total acquitté par les entreprises, mais ne mobilisant pas moins de vingt organismes collecteurs différents.

Derrière ces chiffres, il y a des femmes et des hommes, un important réseau d'agents publics sur tout notre territoire, pour lesquels nous repoussons depuis trop longtemps une indispensable réflexion sur l'emploi le plus pertinent de leur talent – à commencer pour eux, mais aussi pour l'État. Parmi ces prélèvements, 60 % présentaient, d'après l'étude de la Cour des comptes, un rendement inférieur à 100 millions d'euros. Je le dis et je le redirai, certaines de ces taxes continuent de répondre à des problématiques bien précises et doivent être maintenues. Mais l'une des clés d'une avancée vigoureuse sur ces sujets sera clairement l'identification des mesures compensatoires qui devraient obligatoirement accompagner toute révision des taxes à faible rendement.

Monsieur le secrétaire d'État, il y a quelques semaines, dans un entretien radiophonique, vous avez évoqué une démarche en cours pour rationaliser les aides aux entreprises et faire potentiellement baisser leur coût de 5 milliards d'euros d'ici à 2022. Nous ne pouvons que saluer cette réflexion. Sur des questions aussi sensibles, en effet, engageant parfois des sommes qui peuvent sembler accessoires mais qui impliquent des transformations profondes et durables, le systématisme et les solutions de facilité n'ont pas leur place.

Nous, députés de la commission des finances, nous aurons à coeur de vous accompagner dans cette démarche de détermination d'un cadre budgétaire efficient. C'est notre rôle, en tant qu'évaluateurs des politiques publiques. En cette semaine de contrôle et d'évaluation, je ne peux que souligner la volonté et la détermination affichées par l'ensemble de mes collègues de prendre part à ces débats et d'être, à vos côtés, une véritable force de proposition, ces prochaines années.

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