Intervention de Marie-Christine Dalloz

Séance en hémicycle du mercredi 20 juin 2018 à 21h30
Règlement du budget et approbation des comptes de l'année 2017 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Christine Dalloz :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, si nous constatons une amélioration du solde budgétaire de l'État en 2017, ce n'est en réalité qu'un écran de fumée, qui repose sur une seule chose : la soudaine accélération de l'activité économique, dont rien n'assure qu'elle soit durable, et encore moins capable de stabiliser notre situation financière. En vérité, le déficit du budget de l'État n'a fait l'objet que d'une réduction à la marge, soit une baisse de 1,4 milliard d'euros par rapport au solde constaté en 2016, bien loin des effets d'annonce triomphants de l'exécutif ces dernières semaines. Même en baisse, le déficit reste élevé, dans la mesure où il représente plus de 20 % des dépenses nettes du budget général et qu'il est supérieur de près de 22 milliards d'euros au niveau qui permettrait de stabiliser la dette dans le produit intérieur brut.

Parallèlement, tous les autres indicateurs financiers se sont dégradés. Notre pays a besoin de réformes structurelles en profondeur, pour maîtriser sa dépense et rééquilibrer ses comptes. Monsieur le ministre, le texte que vous nous présentez n'est pas de nature à nous rassurer, ni quant à la bonne utilisation des deniers publics, ni quant à l'efficience de la dépense publique. À mon grand regret, je ne constate ni mesure de redressement, ni apurement de la dette. À ce titre, plusieurs constats sont à dresser. Premièrement, la nouvelle trajectoire du déficit public n'est rien de plus qu'une traduction comptable de la croissance, qui s'élève à 2,2 % au lieu du 1,5 %, initialement prévu. Ainsi, les recettes sont effectivement en hausse de 14,4 milliards d'euros par rapport à 2016, ce qui représente une augmentation de 5,5 milliards d'euros, par rapport à la loi de finances initiale.

Vous me répondrez, monsieur le ministre, que cela est dû à l'action du Gouvernement et à l'ensemble des efforts mis en oeuvre. Malheureusement, pour nous, la vérité est tout autre. La hausse constatée est le résultat de la relance de l'activité économique, qui a entraîné le dynamisme des recettes fiscales observé en fin d'année. Selon la Cour des comptes, l'élasticité des impôts s'est ainsi établie à 1,8 en 2017, soit à un niveau supérieur à sa valeur de long terme, proche de 1. En réalité, l'augmentation des recettes fiscales ne repose pas sur une politique élaborée et pensée sur le long terme, mais sur un simple concours de circonstances, ce que certains ont appelé « l'alignement des planètes ».

La Cour des comptes vous a d'ailleurs alertés sur ce point, lors de l'examen de son rapport en séance publique : cette situation n'est que temporaire. Elle fait peser un risque significatif sur la charge de notre dette. Que ferons-nous si les taux d'intérêt remontent ? Avez-vous anticipé ce cas de figure – car ils remonteront à court ou à moyen terme ? Permettez-moi de m'en préoccuper, dans la mesure où les recettes supplémentaires n'ont pas été utilisées pour réformer.

Deuxièmement, monsieur le ministre, la croissance ne vous dispense pas de réfléchir à des mesures pour diminuer la part structurelle de la dépense publique. Au contraire de tout ce qu'il fallait faire, vous avez accéléré le dérapage de la dépense publique. Les dépenses de l'État ont connu une augmentation rapide en 2017, qui résulte des décisions prises en loi de finances initiale. La Cour des comptes avait pourtant mis en évidence des sous-budgétisations manifestes et d'importants reports de charges de l'année précédente. De plus, vous avez bénéficié d'un niveau faible du prélèvement destiné à l'Union européenne, qui aurait dû se traduire par une diminution de la dépense. Cela ne s'est pas vu ! En définitive, le dérapage constaté s'est élevé à 6,4 milliards d'euros, dont 4,4 milliards pour les seules sous-budgétisations.

Les dépenses de l'État se sont envolées de 12 milliards d'euros en un an, dont 10,6 milliards, hors dette et pensions, pour le champ des seuls ministères, soit une croissance de 4,8 %, alors que vous imposez parallèlement aux collectivités territoriales une contractualisation pour contenir la progression de leurs dépenses à 1,2 %. Les dépenses de personnel, hors pensions, augmentent de 4 %, soit plus qu'au cours des six dernières années cumulées. Quant aux dépenses de fonctionnement, c'est une augmentation de 4,7 %, à périmètre constant. En résumé, la dette de l'ensemble des administrations publiques est passée de 96,6 % à 96,8 % du PIB, entre 2016 et 2017.

Monsieur le ministre, les effets de manche du Gouvernement ne sont rendus possibles que grâce à un simple effet mécanique. Les comptes publics étant toujours largement en déficit, la dette publique en euros continue de croître en 2017, pour atteindre 2 218 milliards en fin d'année, contre 2 152,5 milliards à la fin de l'année 2016. Exprimée en pourcentage de la richesse nationale, l'évolution est inévitablement défavorable. À la fin de l'année 2017, l'endettement public atteint son plus haut niveau historique, en augmentation continue depuis la crise financière de 2008. Si rien n'est fait, la dette pourrait franchir les 100 % du PIB, au cours du mandat de votre majorité.

Le premier président de la Cour des comptes a été très clair, lundi dernier dans notre hémicycle : « Après une année 2017 de très forte croissance des dépenses des ministères, les perspectives de redressement des finances de l'État pour les années à venir dépendront de sa capacité réelle à maîtriser ses dépenses et à respecter ainsi les engagements de la loi de programmation des finances publiques. » Le message est limpide ! Il ne s'agit en aucun cas de ce que votre secrétaire d'État a qualifié hier de « purge », bien qu'il soit toujours plus facile de se cacher derrière de grands mots pour ne rien faire. Une véritable responsabilité vous incombe. Plutôt que de s'intéresser à la communication, il faut tendre vers une meilleure efficience du service public à un coût maîtrisé. Tel doit être le cap que le Gouvernement ne doit pas perdre de vue, alors que les perspectives de croissance pour 2018 sont déjà revues à la baisse.

L'INSEE a, en effet, prévu que la croissance devrait nettement décélérer en 2018, pour atteindre à la fin de l'année 1,7 %, loin derrière les 2,3 % enregistrés en 2017. L'institut révèle également que le pouvoir d'achat ne progressera que de 1 % en 2018, contre 1,4 % en 2017, marquant l'échec de la politique budgétaire et fiscale de l'État depuis un an. À cela viendront s'ajouter les conséquences dévastatrices de la mise en oeuvre du prélèvement à la source dès janvier 2019, aggravant encore un peu plus le sentiment de baisse du pouvoir d'achat.

Je suis parfaitement consciente que la France n'est pas le seul pays européen à connaître une décélération, mais nous accusons déjà un retard conséquent par rapport à l'ensemble de nos partenaires. En 2017, l'endettement des vingt-huit pays de l'Union atteignait 88,1 %. La dépense publique française, quant à elle, s'élève en 2017 à 56,4 % du PIB, pour une moyenne de 47,1 % dans la zone euro. Pour résumer, nous dépensons toujours plus pour des résultats toujours moindres.

Profitons de l'expérimentation du Printemps de l'évaluation pour fixer ensemble des objectifs ambitieux à concrétiser pendant le semestre budgétaire de la loi de finances. Il est crucial d'être au rendez-vous cet automne : nous le devons à nos concitoyens. Maîtriser la masse salariale des administrations publiques et les dépenses de fonctionnement, redonner la priorité aux mesures structurelles, tels sont les enjeux du Gouvernement.

Nous l'avons bien compris, les derniers indicateurs macro-économiques laissent supposer que la conjoncture sera moins favorable que prévu en fin de quinquennat. Par conséquent, le Président de la République est pressé, par le Haut Conseil des finances publiques, de respecter ses engagements et, par le FMI, de réformer les administrations publiques à tous les niveaux. Monsieur le ministre, il est évident que vous ne pourrez financer par une croissance en baisse l'exonération de charges sociales des heures supplémentaires ; la baisse des impôts de production ; la suppression des petites taxes ; le reste à charge zéro ; le projet de service national universel ; ou encore la suppression de la taxe d'habitation pour les ménages aisés. Vous faites face à un défi de taille pour améliorer la vie des Français et leur redonner confiance en leur avenir.

Les collectivités attendent également des solutions durables, face aux nombreuses difficultés qu'elles rencontrent, après des baisses conséquentes et successives des dotations de l'État. Autant vous dire que nous n'attendons pas des mesures comme le passage aux 80 kilomètres-heure pour répondre aux défis de la ruralité. Monsieur le ministre, alors que vous abordez un virage dangereux, nous vous attendons au tournant : à vous et à votre majorité de le négocier sans dérapage !

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