Intervention de Hélène Zannier

Séance en hémicycle du jeudi 28 juin 2018 à 9h30
Adaptation à la polynésie française de dispositions en matière de commerce — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHélène Zannier :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous sommes amenés à nous prononcer aujourd'hui sur un texte qui m'apparaît caractéristique à plusieurs égards.

Tout d'abord, il s'agit d'un texte d'une portée très spécifique, puisque limitée territorialement. Ensuite, c'est un texte qui fait consensus dans notre assemblée, toutes formations politiques confondues, comme nous avons pu le constater lors de son examen en commission. Il me paraît utile de le rappeler, car ce n'est pas si fréquent.

Pour mémoire, la Polynésie française est régie par un statut spécial, en vertu de l'article 74 de la Constitution, qui permet à ce territoire d'outre-mer d'exercer un certain nombre de compétences. Au titre de ces compétences figure notamment la fixation des règles en matière de concurrence. Les autorités locales ont ainsi pu adopter dans cette matière un corps de règles adapté aux spécificités du territoire de la Polynésie française. Cette législation locale a ensuite dû être complétée par l'extension ou l'adoption de dispositions nationales dans les domaines de compétence qui relèvent de l'État, comme le droit pénal ou la protection des libertés publiques. Cette extension s'est faite par le moyen d'une ordonnance prise par le Gouvernement, qu'il nous revient aujourd'hui de ratifier.

Le contenu du texte ayant déjà été très bien présenté par Mme la rapporteure, je souhaite revenir plus longuement sur l'acceptation quasi unanime dont fait l'objet cette ordonnance. À mon sens, ce consensus révèle les progrès de l'idée de décentralisation, ici dans le cas spécifique d'une collectivité d'outre-mer, mais peut-être demain également, dans un cadre plus restreint, pour les collectivités de métropole. En effet, si l'article 15 du projet de loi constitutionnelle actuellement en débat était adopté, le droit à la différenciation pourrait être reconnu aux collectivités territoriales.

La République a beau être et demeurer une et indivisible, les territoires dont nous sommes issus possèdent leurs spécificités, qu'elles soient géographiques, culturelles ou historiques.

Prenons, par exemple, mon département, la Moselle, plus particulièrement l'est de la Moselle. Voisins de l'Allemagne, notre identité s'est aussi créée avec l'histoire, parfois conflictuelle, que nous partageons avec ce pays. C'est ainsi que nous, Mosellans, auxquels j'associe nos cousins Alsaciens, bénéficions de nombreuses spécificités qui nous tiennent particulièrement à coeur : un dialecte local, le francique, qui, comme son nom l'indique, est issu du royaume des Francs ; un droit local qui, bien loin de n'être qu'un système dérogatoire à la loi de 1905, est une réglementation à part entière qui a inspiré de nombreuses évolutions législatives ; un régime local d'assurance maladie égalitaire qui assure une meilleure couverture des assurés, tout en préservant l'équilibre du budget. Il nous reste à développer la coopération transfrontalière en inventant de nouvelles structures. L'évolution législative nous y aiderait.

Ainsi, en reconnaissant et en consacrant les particularismes locaux, comme nous le faisons ici dans ce texte, nous facilitons un développement harmonieux des territoires, en faisant confiance à leurs élus.

Le droit à la différenciation n'est toutefois pas le seul sujet qui rapproche le présent texte de la réforme des institutions.

En effet, au cours des débats en commission, nos collègues de la France insoumise ont soulevé l'idée d'autoriser, au sein de l'Autorité polynésienne de la concurrence, la publication des opinions dissidentes. C'est un sujet intéressant, et qui sera sans doute abordé à l'occasion des discussions sur le projet de loi constitutionnelle, voire de celles du projet de loi organique relatif à la réforme des institutions.

Il n'est toutefois pas certain que l'Autorité de la concurrence polynésienne soit l'institution la plus adéquate pour expérimenter la publication des opinions dissidentes. Au demeurant, ce n'est certainement pas à ce projet de loi de prévoir de telles dispositions, raison pour laquelle nous ne pourrons accueillir favorablement les amendements à ce sujet. Notre collègue Maina Sage a toutefois fait part en commission de son intérêt pour ces propositions et de sa volonté de les transmettre aux autorités polynésiennes. Peut-être qu'en la matière, les autorités locales se révéleront précurseurs, expérimentant des dispositifs appelés à être intégrés par la suite dans le droit commun.

C'est là un deuxième intérêt de la législation locale, que ce texte met indirectement à l'honneur. Je vous engage donc à voter ce projet de loi qui illustre, par différents aspects, les atouts de la décentralisation pour notre pays, en l'occurrence dans le cadre spécifique du statut des collectivités d'outre-mer.

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