Intervention de Antoine Herth

Séance en hémicycle du jeudi 28 juin 2018 à 9h30
Agriculture durable pour l'union européenne — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAntoine Herth :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission des affaires économiques, messieurs les auteurs de la proposition de résolution, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le groupe UDI, Agir et indépendants salue l'initiative de cette proposition de résolution européenne. À nos yeux, en effet, notre Parlement national et, plus largement, les parlements nationaux de l'Union européenne doivent participer aux débats sur l'avenir d'une politique majeure de l'Europe. Ce faisant, ils contribuent à rendre plus proche des préoccupations quotidiennes de nos concitoyens une Europe trop souvent caricaturée et décrite comme une machine administrative froide.

Je le dis sans ambages, monsieur le secrétaire d'État : cette proposition de résolution européenne doit apporter un soutien à l'exécutif ainsi qu'à nos représentants au Parlement européen, qui seront en première ligne lorsque les négociations s'ouvriront. Ce texte doit également nous permettre d'envoyer un message à la Commission européenne – il a aussi et peut-être surtout été conçu pour cela.

Cependant, nous devons faire attention à la façon dont cette proposition de résolution européenne sera lue et comprise. Aussi, je défendrai des amendements visant à corriger certaines formulations qui ont tout leur sens à Paris, dans le débat national, mais qui sont des faux amis lorsqu'elles sont entendues à Bruxelles.

Le premier sujet porte sur les aides. Dire que « nous préférons les prix aux aides », c'est reprendre un slogan de tribune que nous avons souvent entendu lors des congrès d'organisations professionnelles, mais ce sera immanquablement entendu à Bruxelles comme un acquiescement à la diminution du budget. Or, comme l'a justement redit M. le secrétaire d'État, la question budgétaire est première : elle est essentielle dans la négociation.

Le deuxième sujet concerne la notion de marché de proximité. À Bruxelles, le seul marché qui vaille est celui de l'ensemble des États membres de l'Union européenne, à savoir le marché unique. Faisons donc attention aussi à la façon dont ce concept va être compris lorsqu'il arrivera aux oreilles de la Commission européenne.

Je m'interroge par ailleurs sur la posture adoptée vis-à-vis de l'Autorité européenne de sécurité des aliments. Nous avons tous intérêt à un renforcement de cette autorité : aussi, toute formulation qui la remettrait en cause, ne serait-ce que partiellement, serait à mon sens malhabile.

Un autre sujet me tient particulièrement à coeur : celui de la réglementation des autorisations de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques. Je rappelle incessamment que la France est, depuis dix ans, le fer de lance d'une modification fondamentale des pratiques agronomiques et d'une réduction de l'usage des produits phytopharmaceutiques. Toute autre affirmation ne ferait qu'affaiblir la position de la France dans ces discussions, d'autant plus sensibles que nous débattons actuellement de sujets comme l'utilisation du glyphosate.

Nous faisons également un peu de politique dans cette assemblée. Je voudrais donc exprimer deux divergences de fond avec les auteurs de cette proposition de résolution.

La première concerne le foncier. Évidemment, le fait que l'accaparement des terres prive les paysans du monde de leur outil de travail est scandaleux. Il existe cependant une deuxième clé de lecture de cette réalité : on peut y voir une atteinte à la souveraineté nationale des États qui font l'objet de cet accaparement. À mes yeux, la protection du foncier est donc d'abord et avant tout un enjeu de souveraineté nationale. Or je ne suis pas certain qu'à ce jour, beaucoup des membres de notre assemblée seraient prêts à partager cette souveraineté ou à la déléguer à l'Union européenne, ce qui nous obligerait d'ailleurs probablement à réviser assez rapidement certains aspects du projet de loi sur l'évolution du logement, de l'aménagement et du numérique.

Ma deuxième divergence porte sur les relations Nord-Sud. On peut évidemment se payer de bons sentiments dans nos relations avec les pays en développement. Je pense au contraire que, dans le contexte actuel de tensions dans le domaine militaire comme dans le domaine migratoire, l'Union européenne aurait intérêt à réfléchir à une vraie stratégie de soutien, dans le cadre de partenariats ciblés avec les pays qui connaissent le plus de difficultés. Je pense aux pays du Maghreb, qui sont directement touchés par les changements climatiques, les conflits armés et toutes sortes de troubles, comme le sont d'ailleurs aussi les pays de la zone subsaharienne. Il serait dans l'intérêt bien compris de l'Union européenne d'avancer dans cette direction.

Pour conclure, je voudrais exprimer un regret. J'ai la chance de participer au groupe de travail qui rassemble des parlementaires du Bundestag et de l'Assemblée nationale. Nous sommes en train d'écrire des textes extrêmement intéressants, qui doivent nous conduire à des méthodes de travail communes sur la transposition des directives européennes, par exemple, mais également sur la préparation des futures négociations européennes. À l'avenir, peut-être aurons-nous la chance de prendre le temps d'une concertation avec nos voisins allemands avant de voter une proposition de résolution européenne à l'Assemblée nationale. Cela ne ferait que renforcer le poids de la parole de la France et de l'Allemagne dans les discussions européennes.

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