Intervention de Céline Calvez

Réunion du jeudi 28 juin 2018 à 9h45
Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCéline Calvez, députée, rapporteure :

Je suis très heureuse de pouvoir revenir aujourd'hui sur le rapport que nous avons présenté dans le cadre de la Délégation aux droits des femmes avec Stéphane Viry.

Nous avons souhaité adopter une méthode qui permette de renouveler l'exercice pour aller au coeur de cette question, à savoir la place des femmes dans les sciences et la manière dont on pouvait l'améliorer. En effet, comme nous l'avons déjà souligné, l'urgence est réelle, l'urgence à atteindre une égalité réelle et pas seulement dans les textes.

En ce qui concerne la méthode, nous avons pu auditionner nombre de scientifiques et certaines d'entre vous ont d'ores et déjà pu nous faire partager leurs réflexions. Nous nous sommes également appliqués à sortir de l'Assemblée nationale en nous rendant notamment à l'institut Pasteur. De plus, pour la première fois au sein de la Délégation aux droits des femmes, nous avons mis en place une consultation citoyenne et nous sommes très contents des retours que nous avons ainsi obtenus. Il s'agissait d'une consultation qui articulait des questions fermées et des questions ouvertes : elle nous a permis d'engager notre démarche, de « prendre le pouls » de la société et de confronter ce qui avait été dit en audition et ce qui était remonté par les citoyens via cette plateforme.

Ces différents rendez-vous ont fait ressortir une situation paradoxale où les stéréotypes étaient très présents. Il nous a fallu aller dans toutes les sphères de la société, ne pas nous contenter de parler aux femmes et aux scientifiques mais interpeller l'ensemble de la société et de ses strates pour pouvoir changer la donne.

Le paradoxe que je soulevais est le suivant : les femmes réussissent mieux que les hommes leurs études scientifiques et, pour autant, leur place est moindre dans les carrières scientifiques. Nous devons interroger ce paradoxe et surtout lui apporter des réponses. Je ne vais pas revenir sur certains chiffres sur l'orientation des femmes dans les filières scientifiques, sur leur place dans l'enseignement supérieur et au sein des carrières scientifiques. Je souhaiterais plutôt que nous puissions très rapidement constater que les évolutions qui ont lieu dans le cadre de l'école ou de l'enseignement supérieur se répercutent dans le monde du travail, où les femmes subissent encore un plafond de verre qui leur ferme l'accès aux plus hautes responsabilités.

Le cas du secteur informatique est emblématique. Alors que nous avions l'impression que la place des femmes était en trop lente progression, nous nous sommes rendu compte que dans l'informatique ou dans l'intelligence artificielle, cette place accusait en réalité une régression. À l'heure où toutes ces mutations technologiques profondes révolutionnent notre société, il est important de pouvoir interroger la place des femmes non seulement pour leur assurer une égalité mais surtout pour faire progresser la science. Nous rappelions encore hier lors du lancement de la fondation Femmes@Numérique que nous ne pouvons pas nous passer de 50 % des talents. Il s'agit donc de pouvoir les favoriser.

Nous ne pouvons pas nous résigner. Avec mon collègue Stéphane Viry, nous avons ainsi déterminé quatre axes d'action. Le premier est la lutte contre les stéréotypes du genre, le deuxième recouvre les actions à mener dès l'école et jusqu'à l'enseignement supérieur, notre troisième axe porte sur le renforcement des règles dans le monde du travail et, enfin, le quatrième axe – comme il s'agit d'une question sociétale – consiste en une meilleure implication de la société et des hommes en particulier en faveur de cette égalité.

Notre premier axe d'action vise à pointer les stéréotypes aussi bien auprès des familles qu'auprès de l'école et des entreprises et à privilégier une meilleure communication pour changer les représentations. Je me réjouis qu'une marque de poupées en ait lancé dernièrement une représentant une ingénieure en robotique, pour pouvoir montrer à l'ensemble des jeunes « pousses » de notre planète qu'il est possible de se projeter dans ce métier.

Nous devons aussi, et nous l'avions soulevé lors de notre consultation citoyenne, mettre en place les rôles modèles. Quand on évoque les femmes scientifiques, certes, Marie Curie est citée mais peu de personnes connaissent réellement et mesurent l'importance de ses travaux. Par ailleurs, le fait qu'elle ait un double prix Nobel peut être intimidant et il est alors difficile de pouvoir se reconnaître dans cette personne. Ce sont aux femmes scientifiques – comme nos invitées d'aujourd'hui – qu'il revient d'incarner des rôles-modèles auprès des jeunes filles dès aujourd'hui.

Le deuxième axe concerne l'école dès un très jeune âge. Comme Mme Billon l'a rappelé, les jouets affectent aussi cette représentation. De manière plus générale, lorsque l'on confie son enfant au système d'éducation, aux enseignants, il faut aussi prendre en compte la vision de la science de ces derniers et la façon dont ils pourront transmettre leur goût de la science aussi bien aux petits garçons qu'aux petites filles. Pour cela, nous proposons une meilleure formation des professionnels de l'éducation aux enjeux de l'égalité. Nous pensons bien sûr aux enseignants mais aussi à tous ceux qui les accompagnent, notamment dans le cadre de l'orientation.

Nous voulons aussi accompagner de manière beaucoup plus volontariste les jeunes dans leur manière de choisir leur orientation afin qu'elle ne soit pas subie mais choisie. Pour cela, les parents eux-mêmes doivent être convaincus. Des jeunes filles intéressées par les sciences nous ont souvent dit que le goût pour l'astronomie qu'elles affichaient pouvait être freiné par leurs parents eux-mêmes qui ne leur conseillaient pas de poursuivre dans cette voie. Il faut donc travailler sur les représentations dans les manuels scolaires et, au-delà, dans toutes les images véhiculées auprès des jeunes.

Notre troisième champ d'action est relatif au monde du travail et en particulier au monde de la recherche. Il était important pour nous d'encourager le mentorat. Il existe mais est-il valorisé dans la promotion des carrières mêmes ? On nous dit souvent que les publications sont le critère principal d'évaluation des scientifiques. Or nous aimerions voir reconnaître l'accompagnement, le mentorat et la participation aux conférences qui viennent sensibiliser les futurs talents, comme une contribution à la science. Nous avons également encouragé d'autres mesures dans le cadre du travail, notamment une meilleure conciliation du congé maternité avec une carrière scientifique.

Il faut pouvoir sensibiliser les jeunes femmes qui entament une carrière scientifique à ces différents points de passage pour mieux les affronter et surtout pour pouvoir éventuellement les changer.

Notre dernier axe est d'ordre culturel : parvenir à ce que cette égalité implique les hommes. Nous devons souligner l'initiative commune de l'Unesco et de la fondation L'Oréal qui, pour leur 20e anniversaire, ont décidé de lancer une nouvelle initiative : Men for Women in Science, dont Cédric Villani est un des vingt porteurs. Pour ce 20e anniversaire, l'idée autour de ces vingt hommes est de passer à une approche qui dépasse le cadre des femmes. Je tenais à souligner cette initiative car elle ouvre la voie à nos réflexions depuis vingt ans et c'est un partenariat public-privé très intéressant.

Avant de conclure cette présentation, je voudrais remercier tous les internautes qui ont répondu à notre appel à contributions sur cette consultation citoyenne.

Je suis maintenant impatiente d'entendre nos invitées, qui contribuent à la visibilité des femmes épanouies dans la science.

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