Intervention de Robert Guillaumont

Réunion du jeudi 21 juin 2018 à 9h30
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Robert Guillaumont, membre de la CNE2 :

– Je voudrais replacer cette question des réacteurs à neutrons rapide dans le contexte plus général des réacteurs de quatrième génération, lancés afin de mieux utiliser les matières fissiles en général et, en particulier, le plutonium.

Avec le projet ASTRID, la France se situait parmi les pays en avance sur la voie de la transmutation par les réacteurs à neutrons rapides, mais cette transmutation nécessite d'abord de décider la construction d'un parc de réacteurs de ce type. Ce mot de transmutation a été inventé à une époque où tout le monde était euphorique à l'idée de pouvoir faire disparaître les déchets radioactifs en construisant des réacteurs à neutrons rapides. Toutefois, la réalité s'avère beaucoup plus compliquée, car il faut prendre en compte à la fois les aspects scientifique, technologique et politique. En France, il faut d'abord valoriser les EPR, aussi ne faut-il pas se faire d'illusion, les réacteurs à neutrons rapides n'arriveront qu'au siècle prochain.

Mais le projet alternatif Myrrha et les réacteurs à neutrons rapides ont un point commun : il faut, de toute façon, séparer avant de transmuter, ce qui implique de traiter les combustibles usés, comme à La Hague, mais de façon plus poussée puisqu'il faudra ressortir l'américium et, éventuellement, d'autres actinides mineurs. La prééminence de la France en matière de retraitement est internationalement reconnue, car il n'existe pas d'usine au monde équivalente à La Hague. Par conséquent, il faudrait préserver cette usine, mais ce ne sera possible qu'en construisant des réacteurs à neutrons rapides, sinon, le retraitement n'aura plus de sens. Si aucun réacteur n'utilise des combustibles MOX, il devient inutile de séparer le plutonium. C'est un problème complexe parce que tout s'enchaîne.

Finalement, on en revient à la question abordée aujourd'hui : en l'absence de stratégie, on ne sait pas quoi faire. Par conséquent, une stratégie est indispensable. Construire des réacteurs à neutrons rapides implique de prendre toutes les dispositions nécessaires. Elles ne sont pas simples, parce qu'il faudra entreposer les combustibles MOX usés pendant très longtemps. C'est pour cela qu'EDF semble vouloir construire cette grande piscine de stockage des combustibles usés, qui n'est pas encore décidée, même si les plans sont déjà assez avancés. En général, ce problème est évoqué par le petit bout de la lorgnette, alors qu'il est de grande ampleur et nécessite une stratégie clairement affichée. La CNE2 y réfléchit depuis longtemps mais, évidemment, uniquement sous l'angle des déchets, alors que d'autres aspects doivent être pris en compte.

Pour les États-Unis, je viens d'apprendre que le gouvernement relance le programme de recherche d'un site de stockage, sous le nom de Reset of U.S. Nuclear Waste Management. Un stearing committee est mis en place, auquel participe d'ailleurs au moins un Français pour essayer, d'après ce que j'ai entendu, de reproduire le processus mis en oeuvre dans notre pays.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.