Intervention de Michèle de Vaucouleurs

Séance en hémicycle du lundi 23 juillet 2018 à 16h00
Liberté de choisir son avenir professionnel — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichèle de Vaucouleurs :

Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, mesdames les rapporteures, monsieur le rapporteur, chers collègues, après l'échec de la commission mixte paritaire, nous examinons en nouvelle lecture ce projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel. Il ne nous paraît pas inutile de rappeler ici les principaux constats qui ont présidé aux réformes que nous souhaitons engager place afin de donner plus de chances à chacun d'accéder à une formation de qualité, gage d'émancipation aussi bien pour les jeunes, dans le cadre de la formation initiale, que pour les salariés, les demandeurs d'emploi ou les travailleurs indépendants souhaitant se réorienter.

Les constats, rappelons-le, sont les suivants. Tout d'abord, les effectifs de la filière de l'apprentissage sont inférieurs à ceux de nos voisins : seuls 7 % des jeunes de seize à vingt-cinq ans sont en apprentissage en France – un taux inférieur aux pays où le taux de chômage des jeunes est bas. Cela est dû à un manque d'information des jeunes et à une image d'une filière de garage, totalement erronée puisque cette filière atteint les 80 % de réussite et que les apprentis intègrent le plus souvent l'entreprise dans laquelle ils ont été formés. En cause également les freins administratifs auxquels nous souhaitons remédier. Par ailleurs, alors même que le monde du travail connaît des transformations et que de nombreux métiers émergent, notre offre de formation est peu lisible. Les salariés ignorent leurs droits et ne se retrouvent pas dans le système actuel, notamment les plus fragiles d'entre eux : 6 % à peine des ouvriers et 12 % des employés déclarent avoir choisi eux-mêmes de suivre une formation, contre 28 % des cadres. De plus, la gouvernance et le mode de financement sont aujourd'hui, on le sait, extrêmement complexes.

Par ailleurs, comme l'avait annoncé le Président de la République, il est essentiel de rendre notre assurance chômage plus universelle et plus juste. Le caractère moins linéaire des carrières et le développement de nouvelles formes d'emploi justifient en effet une rénovation de notre système.

Concernant l'inclusion des travailleurs handicapés et l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, nous savons qu'il reste encore beaucoup de chemin à parcourir. En 2017, seulement 36 % des personnes en situation de handicap – soit 1 million de personnes – sont en emploi, contre 64 % pour l'ensemble de la population ; 18 % des personnes reconnues handicapées sont au chômage, contre 10 % pour l'ensemble de la population. Par ailleurs, la rémunération annuelle nette moyenne des femmes est toujours inférieure de plus de 25 % à celle des hommes, tous contrats confondus. À contrat, diplômes, expérience et responsabilités identiques, une femme gagne en moyenne 10 % de moins qu'un homme. Ces fortes inégalités appellent des réponses pour donner vraiment à chacun la possibilité de s'épanouir dans sa vie professionnelle.

Enfin, entre 220 000 et 300 000 salariés détachés illégalement seraient présents sur le territoire français sans être déclarés. Leurs conditions de travail ou d'hébergement sont potentiellement en retrait par rapport à celles des salariés détachés classiques : cela appelle un encadrement renforcé. Afin de pallier ces insuffisances, des changements forts dans ces différents domaines ont été adoptés en première lecture par notre assemblée.

Il s'agit tout d'abord de rendre l'orientation et l'information à destination des élèves plus claire, plus accessible et plus en phase avec les réalités économiques, notamment en confiant cette mission aux régions. Il s'agit ensuite de faire de l'apprentissage une filière d'excellence, accessible au plus grand nombre, en portant l'âge limite à vingt-neuf ans révolus. Le financement se fera au contrat ; de nombreux centres de formation seront créés, permettant l'ouverture de nombreuses places. Les droits des apprentis seront garantis, tout en leur permettant de se former au plus près de la réalité du métier qu'ils souhaitent exercer. La gouvernance de la formation professionnelle sera nettement simplifiée avec la création de l'établissement public France compétences.

L'accès à la formation sera lui aussi facilité, grâce à la rénovation du compte personnel de formation, désormais établi en euros, et à la création d'une application en ligne recensant l'offre de formation – dont l'objectif est d'améliorer la lisibilité de l'offre, que ce soit pour les salariés ou les demandeurs d'emplois. Le renforcement du conseil en évolution professionnelle gratuit permettra par ailleurs d'accompagner les personnes dans leur parcours de formation. Les salariés non qualifiés et les travailleurs à temps partiel bénéficieront en outre de droits renforcés.

Le titre II, qui concerne l'indemnisation du chômage, vise à offrir une couverture à un plus grand nombre de personnes et à favoriser une plus grande mobilité professionnelle. Il s'agit là d'élargir l'ouverture de droits à l'assurance chômage aux salariés démissionnaires – sous conditions – et aux indépendants, d'opérer une refonte du mode de financement de l'assurance chômage et de moduler les contributions patronales en fonction du taux de fin de contrat dans les entreprises.

Le titre III renforce les droits des travailleurs handicapés, notamment en consolidant le cadre d'intervention des entreprises adaptées et en réaffirmant le principe d'obligation d'emploi à hauteur de 6 %. En matière d'égalité professionnelle et de lutte contre les violences sexuelles et sexistes, le projet de loi vise à instituer un indicateur transparent afin de mieux faire respecter l'égalité de rémunération, et de mieux informer les salariés des recours disponibles en cas de harcèlement. Des mesures sont également prévues concernant le travail illégal et les travailleurs détachés.

Notre groupe salue de nouveau ces importantes avancées visant à édifier une société de compétences. Au cours des différentes étapes de l'examen de ce texte, les députés du groupe MODEM ont contribué à sa rédaction. Vingt amendements de notre groupe ont ainsi été adoptés en première lecture. L'un d'eux a permis de simplifier le dispositif de sanctions en cas de manquement des employeurs : les obligations porteront désormais sur la réalisation d'une action de formation non obligatoire et des entretiens professionnels. Un deuxième a prévu la remise d'un rapport sur les effets de l'extension de l'âge limite de l'apprentissage et sur sa possible extension aux bénéficiaires du RSA – revenu de solidarité active – et les chômeurs de longue durée au-delà de l'âge de vingt-neuf ans. Un troisième concernait l'intervention du médiateur pour l'obtention de l'accord du représentant légal dans le cas d'une rupture de contrat sollicitée par l'apprenti, afin d'éviter les blocages en cas de situation familiale complexe. Un quatrième a ajouté des dispositions concernant les salariés en parcours d'insertion, avec la reconnaissance de la mission de formation des structures d'insertion par l'activité économique et l'élargissement à titre expérimental de l'objet et du public visés par les contrats de professionnalisation, en vue de permettre aux personnes éloignées de l'emploi de bénéficier d'un contrat de professionnalisation d'inclusion au sein des structures d'insertion. Un cinquième a permis de faire une clarification concernant les fonds attribués aux régions en précisant que le versement des fonds au titre de la péréquation territoriale doit s'effectuer selon des critères définis après une procédure de négociation avec les régions. Un sixième amendement visait à faciliter le recours au télétravail pour les travailleurs reconnus handicapés.

Lors de cette nouvelle lecture, notre groupe défendra plusieurs amendements visant à renforcer les droits des personnes en cours de formation ou en recherche d'emploi, à conforter la mission des régions dans le domaine de l'information sur les métiers, et à s'assurer des conditions de reste à charge des coûts liés à l'apprentissage au sein des entreprises de moins de 50 salariés. Nous souhaitons également que l'expérimentation proposée à l'article 34 concernant l'instauration d'un journal de bord soit mise en place avec l'autorisation du demandeur d'emploi.

Nous sommes par ailleurs satisfaits qu'un amendement adopté par le Sénat confie aux partenaires sociaux la charge de remettre à plat les conditions d'indemnisation des demandeurs d'emploi, afin de répondre aux enjeux d'une ouverture de droits à de nouveaux bénéficiaires. C'est en effet par une discussion entre les syndicats de salariés et les syndicats patronaux qu'un accord pourra être trouvé en faveur d'une indemnisation protectrice et incitatrice.

Le groupe MODEM est satisfait par les avancées que ce projet de loi permettra d'accomplir, et par les améliorations qui lui ont été apportées lors des différentes lectures à l'Assemblée nationale et au Sénat. Nous espérons que cette nouvelle lecture en séance publique se déroulera sereinement et que nous compléterons utilement une nouvelle fois ce texte majeur pour l'avenir de nos jeunes. Nous espérons aussi qu'il entrera en vigueur le plus rapidement possible.

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