Intervention de Danièle Obono

Séance en hémicycle du jeudi 26 juillet 2018 à 21h30
Immigration maîtrisée droit d'asile effectif et intégration réussie — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDanièle Obono :

Dans ma circonscription, comme dans beaucoup d'autres endroits en France aujourd'hui, il y a beaucoup d'émotion et énormément de colère.

Le collectif Wilson dont je vous ai parlé tout à l'heure, qui regroupe des habitants et des citoyens qui organisent des distributions de petits-déjeuners porte de la Chapelle à Paris, a lancé il y a quelques jours un appel à l'aide.

Il a déclaré ne plus pouvoir assurer le travail bénévole qu'il y effectuait depuis deux ans.

Dans un communiqué, il décrit la situation actuelle comme explosive : « Nous, riverains et simples citoyens, intervenons porte de la Chapelle depuis vingt mois. [… ] Le matin, nous retrouvons des adultes, des femmes et des enfants seuls, des familles dormant à même le sol. Les migrants nous confient être réveillés, la nuit, par des policiers, frappés et gazés. Leurs effets personnels sont détruits, notamment des papiers et, dernière nouveauté, les chaussures sont confisquées ! En deux ans, des dizaines de milliers, peut-être des centaines de milliers de couvertures et de tentes fournies par les associations et par les particuliers ont été détruites par les autorités. »

Le collectif achève cet état des lieux en expliquant ne plus pouvoir, au vu de la situation sanitaire et sécuritaire, poursuivre le travail bénévole cet été.

« Nous venons de mener une énième bataille, épuisante, pour faire rétablir les quelques points d'eau mis à disposition des migrants, sans compter que, pour la deuxième année consécutive, le Ville de Paris ferme pour l'été les bains-douches des environs. Les conditions d'hygiène sont extrêmement préoccupantes. »

Elles et ils en appellent, encore une fois, à la mobilisation collective et individuelle pour accueillir dignement les personnes que l'État laisse mourir en Méditerranée, dans les Pyrénées ou sur les trottoirs de la ville dite lumière.

Sans émotion et sans colère, donc, mais avec une triste lucidité : « Cela fait quatre mois que je suis ici, dans la rue, il ne me reste que les os et les veines. Il ne me reste que l'âme. » Ces propos sont ceux d'un des nombreux mineurs isolés qui errent à la dérive dans les squares et les jardins de la Goutte-d'Or à Paris.

« Sans émotion et sans colère, mais avec gravité » : ce sont les mots de la poétesse grecque Niki Giannari, que m'a fait connaître notre collègue Mathilde Panot, quand elle parle de ces spectres qui hantent l'Europe.

Elle dit : « De temps en temps, [ils] se retournent vers nous, d'une réclamation incompréhensible, absolue, hermétique. Figures insistantes de notre généalogie oubliée, délaissée, personne ne sait où et quand. Dans ce vaste temps de l'attente, dans ce vaste temps, nous enterrons leurs morts à la va-vite. D'autres leur éclairent un passage dans la nuit, d'autres leur crient de s'en aller et crachent sur eux et leur donnent des coups de pied, d'autres encore les visent et vont vite verrouiller leurs maisons. Mais ils continuent, eux, à travers la sujétion dans les rues de cette Europe nécrosée qui "sans cesse amoncelle ruines sur ruines", au moment même où les gens observent le spectacle, depuis les cafés ou les musées, les universités ou les parlements. »

Sans émotion et sans colère, mais avec courage, raison et lucidité, je vous invite, mesdames et messieurs les députés, à voter avec nous contre ce projet de loi.

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