Intervention de Laurence Maillart-Méhaignerie

Séance en hémicycle du jeudi 13 septembre 2018 à 9h30
Équilibre dans le secteur agricole et alimentaire — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaurence Maillart-Méhaignerie :

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, c'est au terme d'une année de travail et de réflexion collective, depuis l'ouverture des états généraux de l'alimentation le 20 juillet 2017, que nous abordons, ensemble, cette nouvelle lecture du projet de loi par notre Assemblée. Les conclusions des états généraux de l'alimentation ont très largement inspiré l'écriture de ce projet de loi, nous l'avons déjà dit, et ont servi de feuille de route à nos travaux législatifs. Les acteurs du monde agricole et nos concitoyens y ont exprimé des attentes fortes, auxquelles nous devons répondre.

Je m'exprime devant vous en tant que rapporteure pour avis du titre II du projet de loi EGALIM au nom de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire. Vous le savez, les travaux et les débats menés au sein de la commission du développement durable ont été particulièrement riches, longs et féconds. Je tiens à insister sur le fait que nous y avons associé l'ensemble des groupes parlementaires, dont nous avons pris en compte les attentes dans ce projet de loi. Nombre de nos propositions ont été confirmées et adoptées par la commission des affaires économiques – je salue évidemment le travail du rapporteur, Jean-Baptiste Moreau, et du ministre, constamment à l'écoute de nos propositions – puis en séance publique fin mai, traduisant par là les fortes convictions politiques qui les sous-tendent et l'adhésion qu'elles ont pu rencontrer.

La mesure phare de ce titre II, sur laquelle je souhaite insister aujourd'hui et qui se trouve à l'article 11 du projet de loi, concerne notre modèle de restauration collective publique. Conformément aux engagements du Président de la République, l'article 11 inscrit dans la loi un objectif de 50 % de produits sous signes d'identification de l'origine et de la qualité ou de mentions valorisantes, dont 20 % de produits issus de l'agriculture biologique, servis dans la restauration collective d'ici à 2022. Cette mesure concerne les cantines scolaires des écoles, des collèges et des lycées, les hôpitaux, les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes – EHPAD – , les restaurants universitaires et les établissements pénitentiaires, et vise quatre objectifs pour accompagner la transition agricole et alimentaire et assurer une répartition de la valeur plus en faveur de nos agriculteurs.

Le premier est un objectif économique. Il s'agit d'utiliser la restauration collective et la commande publique comme un levier essentiel pour accompagner la restructuration de certaines filières locales, pour conforter l'ancrage territorial de l'alimentation en favorisant les circuits courts et de proximité, pour favoriser les circuits courts et de proximité, et pour assurer de nouveaux débouchés commerciaux pour nos agriculteurs. Rappelons quelques chiffres: la restauration collective représente presque les deux tiers des repas servis hors domicile chaque année en France, soit plus de 3 milliards de repas par an, et le montant de ses achats alimentaires annuels s'élève à environ 7 milliards d'euros; la restauration collective représente donc un puissant levier économique, à ne pas négliger pour permettre à nos filières de production alimentaire française de capter des parts de marché significatives au bénéfice de nos agriculteurs.

Cette mesure de l'article 11 du titre II poursuit également un objectif de santé publique: nous souhaitons faire évoluer les pratiques alimentaires des Français, en proposant une alimentation saine, durable et accessible à tous dans la restauration collective et, en particulier, dans les cantines scolaires. Il est indispensable d'adopter, dès le plus jeune âge, des habitudes alimentaires saines et équilibrées, et de familiariser nos enfants au goût et au « bien manger ». Un étiquetage simple, affichant l'origine et la composition des produits dans les cantines, a été adopté en commission.

Le troisième objectif de cette mesure est environnemental: nous devons accompagner la transition environnementale de l'agriculture vers des modèles plus durables, en amplifiant notamment des démarches officielles – agriculture biologique et certification haute valeur environnementale – et en privilégiant l'approvisionnement local, qui réduit l'empreinte carbone, et les achats responsables et plus équitables. L'impact de cette mesure sur le gaspillage alimentaire doit également être souligné. Rappelons aussi, comme le montre une étude conduite par l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité auprès des communes et des intercommunalités, que les initiatives prises en faveur d'une alimentation de qualité dans les cantines permettent une réduction de 80 % du gaspillage alimentaire, une intégration de la cuisine de marché – produits bruts, en vrac, frais et de saison – et une meilleure adéquation entre les volumes achetés et les besoins.

Surtout, nous poursuivons un objectif de justice sociale: nous voulons faire de la restauration scolaire une école de la citoyenneté alimentaire et du « bien manger » pour tous. 50 % de produits bio, locaux, sous signes de qualité dans la restauration collective d'ici à 2022, ce sont des repas plus sains et durables pour 7 millions d'enfants chaque jour dans les cantines. C'est une mesure juste et équitable, car elle permet de lutter contre la précarité alimentaire, qui touche, vous le savez, un grand nombre de familles en France, pour lesquelles l'alimentation est devenue la variable d'ajustement du budget du foyer. Avec cette mesure, nos enfants mangeront mieux, ce qui constitue un vrai progrès.

Mais, pour atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés, l'implication des professionnels comme des consommateurs est essentielle. Il est indispensable de sensibiliser et de former les acheteurs publics, les gestionnaires et les chefs de cuisine aux pratiques que nous promouvons. De nombreuses initiatives locales, initiées notamment par les collectivités territoriales, nous ont montré la voie et encouragés à maintenir dans la loi cet objectif ambitieux.

Si ces mesures traduisent les ambitions de notre majorité pour permettre une montée en gamme de notre alimentation quotidienne, elles doivent impérativement s'inscrire dans une réflexion globale sur notre modèle alimentaire: le « bien [ou le] mieux manger » doit être accessible au plus grand nombre, indépendamment des ressources et des origines sociales.

C'est pourquoi ce texte aborde, en son article 12, la question de la lutte contre la précarité alimentaire et de l'aide alimentaire, sujets auxquels notre commission a apporté une attention particulière. L'agrément des personnes morales habilitées à recevoir des dons alimentaires fait désormais l'objet d'une protection renforcée, et l'exigence de qualité des dons effectués par les distributeurs a été relevée. Les projets alimentaires territoriaux, tout comme le Programme national nutrition santé, intégreront un objectif de réduction du gaspillage. Nous demandons également aux entreprises de s'impliquer dans cette démarche: le don alimentaire et la lutte contre le gaspillage feront désormais partie intégrante des critères de la responsabilité sociétale des entreprises.

Le projet de loi comporte également plusieurs dispositions permettant de veiller au respect du bien-être animal, et ce à chaque étape de l'élevage et de l'abattage. Il prévoit notamment l'amélioration de la procédure de lancement d'alerte, la généralisation des responsables de protection animale dans les abattoirs, l'extension aux associations déclarées du droit de se constituer partie civile et la sensibilisation aux enjeux du bien-être animal dans le cadre de l'enseignement agricole. Ces mesures permettront de renouer un lien de confiance entre les citoyens et les éleveurs par davantage de transparence et de contrôles dans la chaîne d'abattage.

Enfin, la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire a défendu avec grande conviction ses objectifs de préservation de l'environnement et de réduction de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques en agriculture. Outre la séparation des activités de vente et de conseil, nous avons adopté plusieurs mesures visant à faciliter et encourager le recours aux produits de biocontrôle, favoriser la formation à leur utilisation et encourager les changements de pratiques.

Une mission de réduction de l'utilisation des produits phytosanitaires a également été assignée aux chambres d'agriculture, et la définition des néonicotinoïdes a été étendue afin d'englober les substances susmentionnées. Enfin, nous avons adopté des mesures de protection relatives à l'épandage de pesticides à proximité des zones d'habitation, tout en adressant aux parties prenantes une invitation forte à dialoguer et à arrêter des engagements dans le cadre de chartes de bonnes pratiques et de bon voisinage.

Tels sont les principaux sujets sur lesquels nous avons travaillé au sein de notre commission. L'examen du projet de loi en commission des affaires économiques au mois de juillet a permis de conforter ces avancées. Un verdissement renforcé, des mesures agro-environnementales plus ambitieuses afin de répondre au plan Écophyto II, une accélération du développement de l'agriculture biologique dans le cadre du plan Ambition Bio 2022 : telles sont les orientations fortes et cohérentes que nous avons inscrites dans le projet de loi. Les travaux de notre assemblée ont également permis de clarifier et de confirmer l'engagement de l'exécutif à accompagner un plan de sortie progressif du glyphosate en trois ans, en responsabilisant les filières et les professionnels concernés.

Certains sujets seront à nouveau débattus en séance publique afin d'enrichir le projet de loi, notamment les mentions et indicateurs de qualité des produits alimentaires et la rémunération des services environnementaux rendus par l'agriculture, laquelle est un engagement de campagne du Président de la République. Plusieurs amendements en ce sens ont d'ailleurs été déposés. Tels sont, monsieur le ministre, mes chers collègues, les principaux sujets dont nous aurons à nouveau l'occasion de débattre dans cet hémicycle, dans le cadre de l'examen d'un projet de loi que nous portons avec fierté et conviction !

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