Intervention de Ludovic Pajot

Séance en hémicycle du jeudi 13 septembre 2018 à 9h30
Équilibre dans le secteur agricole et alimentaire — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLudovic Pajot :

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, madame la rapporteure pour avis, chers collègues, nous sommes réunis aujourd'hui, dans le cadre de la session extraordinaire, afin de débattre d'un texte attendu par le monde agricole. C'est précisément parce qu'il est attendu que nous avons l'impérieuse mission de relever le défi de la réforme du secteur agricole, notamment de sa protection.

Il faut bien constater que l'examen du projet de loi en première lecture fut un échec. Le double objectif affiché par le Gouvernement – parvenir à l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et à une alimentation saine et durable – n'a pas été atteint.

Le texte aujourd'hui soumis à notre examen en nouvelle lecture n'est pas davantage à la hauteur des enjeux auxquels le monde agricole, que nous aimons tant, est confronté. Même s'il comporte quelques dispositions allant dans le bon sens, la philosophie dont il procède empêche toute amélioration des conditions de vie – pourtant dramatiques – de nos agriculteurs.

Il faut bouleverser les rapports de force actuels, qui sont totalement déséquilibrés. La concurrence déloyale imposée par la grande distribution à nos agriculteurs n'est plus tenable. L'application – que vous appelez de vos voeux, chers collègues de la majorité – des funestes traités de libre-échange – TAFTA ou partenariat transatlantique sur le commerce et l'investissement, CETA, UE-MERCOSUR et JEFTA, ou accord de libre-échange entre le Japon et l'Union européenne – ne fera qu'accentuer ce phénomène, en raison de l'importation de produits non conformes à nos normes sanitaires, sociales et environnementales.

Nous vous avions alertés, lors de l'examen du texte en première lecture, sur la nécessité de fixer un prix d'achat plancher des productions agricoles, afin de permettre enfin à nos éleveurs de vivre décemment de leur métier. Élu d'une région agricole, les Hauts-de-France, je suis quotidiennement confronté à la détresse de ces hommes et de ces femmes qui ont choisi d'exercer l'un des plus beaux métiers qui soit, celui de nourrir les autres. Les comportements inadmissibles de certains industriels, qui prétendent défendre les exploitants agricoles alors qu'ils ne défendent que leur situation, ont souvent des conséquences dramatiques, poussant parfois – bien trop souvent – certains agriculteurs, hélas, à commettre l'irréparable.

Le taux de suicide parmi nos agriculteurs est particulièrement éloquent : il est supérieur de 20 % à 30 % à celui du reste de la population. Il est grand temps de réagir et de s'attaquer aux causes des problèmes, au lieu de se contenter de traiter leurs conséquences après coup. Nous ne nous résoudrons jamais à rester simples spectateurs de cette détresse.

Notre pays dispose de formidables ressources agricoles, ainsi que de femmes et d'hommes qui aiment leur métier. Le savoir-faire français est reconnu dans le monde entier. La qualité de nos productions, premier maillon de la chaîne agroalimentaire, est décisive pour garantir à nos compatriotes une alimentation saine et équilibrée, et par là même participer au rayonnement international de notre pays.

Les circuits courts, dont nous ne cessons de vanter les mérites, doivent devenir la règle, afin de mettre un terme à ce système fou consistant à produire à l'autre bout du monde puis à réimporter les produits sur notre territoire, pollution en prime. L'opacité caractérisant la production et la consommation des produits alimentaires n'est plus acceptable. Nos compatriotes ont le droit de savoir ce qui se trouve dans leurs assiettes, ce qui suppose notamment un étiquetage des produits issus de l'élevage indiquant leur mode de production et – même si cela vous déplaît – une clarification des règles relatives à l'abattage, en particulier l'encadrement plus strict de l'abattage rituel en vue de rendre obligatoire l'étourdissement préalable. Vous semble-t-il admissible, chers collègues, que les consommateurs français ne connaissent le plus souvent ni la provenance, ni même le mode d'abattage des animaux ?

Le monde agricole vit dans un profond désarroi et traverse une crise majeure, susceptible d'être mortelle. Les textes et réglementations divers se succèdent, la crise s'accentue. Les gouvernements successifs tentent d'appliquer des palliatifs, avec de beaux discours grandiloquents, mais nos agriculteurs et nos éleveurs attendent des solutions concrètes, lesquelles supposent la remise à plat du système en vigueur, qui favorise la concurrence déloyale et les asphyxie progressivement. Pour ce faire, il faut remettre en cause le modèle européen que vous vous obstinez à soutenir à tout prix. Entre les exigences de Bruxelles et la vie de nos agriculteurs, pour nous, le choix est simple : nos agriculteurs avant tout !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.