Intervention de Marc Le Fur

Séance en hémicycle du jeudi 13 septembre 2018 à 9h30
Équilibre dans le secteur agricole et alimentaire — Article 1er

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarc Le Fur :

Pardonnez-moi, monsieur Potier, mais il l'a dit. Et vous êtes aujourd'hui bien seul pour le défendre, cher collègue et ami, sur les bancs d'un parti autrefois très majoritaire.

Quel est ce prix de revient ? Doit-il être calculé par exploitation ? Par région ? Au niveau national ? Européen ? Intègre-t-il la marge de l'exploitant ? Toutes ces questions restent sans réponse.

Monsieur le ministre, mardi dernier, lors du Salon international des productions animales – SPACE – , Marcel Denieul, un des sages de l'agriculture bretonne, vous a dit que les illusions étaient tombées.

Écoutant aujourd'hui votre discours avec la plus grande attention, j'ai remarqué que vous n'aviez pas repris le thème du prix fixé en fonction du prix de revient, parce que vous n'y croyez vous-même plus – ou pas.

Une autre difficulté nous attend, celle de la fameuse augmentation du seuil de revente à perte. A priori, il s'agit d'une bonne idée. Aujourd'hui, un commerçant peut acheter et revendre au même prix. Demain, il pourra acheter une marchandise et la revendre 10 euros plus cher. Cela semble aller dans le bon sens.

Pourtant, il pourrait aussi maintenir le prix de vente de sa marchandise et exiger de son fournisseur qu'il vende 10 euros moins cher. Ainsi, l'augmentation de ce seuil de revente à perte pourrait se traduire par une pression accrue sur les fournisseurs.

Cette pression risque d'être d'autant plus forte que, comme chacun l'admet, nous entrons dans une période délicate pour le pouvoir d'achat non seulement des retraités, mais de l'ensemble de nos compatriotes. Je vous engage tous, chers collègues, à réfléchir à cette question.

Il est donc à craindre que la guerre des prix dans la grande distribution ne s'exacerbe et qu'elle aboutisse, en réalité, à une pression plus forte sur les prix offerts aux fournisseurs. Soyons très vigilants et attentifs sur ce point.

Sans nier les bonnes idées, ni la bonne volonté, j'estime que le rendez-vous risque d'être manqué.

Illusions, également, sur un autre sujet, dont on ne parle que peu, ou plus. Rappelez-vous, chers collègues, que le candidat à la présidence de la République nous avait promis non seulement des états généraux, mais aussi 5 milliards d'euros d'investissements pour l'agriculture. Tous les agriculteurs l'ont entendu.

Quelques éléments nous sont parvenus sur ce sujet. D'abord, ces 5 milliards ne reviendront pas uniquement à l'agriculture, mais aussi à la pêche ou à l'aquaculture. Pourquoi pas ?

Ensuite, nous nous rendons compte qu'il ne s'agira pas d'argent frais, mais souvent d'une simple garantie de la Banque publique d'investissement – BPI – , assimilée à une subvention.

Enfin, nous nous apercevons qu'il s'agira souvent de recycler de l'argent de l'Union européenne, en particulier des mesures agroenvironnementales et climatiques – MAEC. Illusions, une fois de plus : les 5 milliards d'euros ne seront pas au rendez-vous.

Nous verrons cela dans quelques jours, dans quelques heures, monsieur le ministre, lorsque vous nous présenterez le budget du ministère de l'agriculture. Nous verrons si, d'une manière ou d'une autre, quelques miettes viendront abonder ces 5 milliards. Je crains qu'il n'en soit rien, mais j'espère que vous démentirez cette crainte.

Illusions, aussi, parce qu'au moment où nous débattons de ce texte, l'Europe poursuit ses négociations commerciales. Celles-ci sont déjà très engagées, non seulement avec le Canada, où les mesures sont partiellement en application, mais aussi avec le MERCOSUR – un accord serait l'élément le plus dramatique de ces dernières années pour notre agriculture – ou le Mexique, autant de pays qui peuvent devenir nos concurrents.

Monsieur le ministre, comment pouvez-vous dire que vous réglementerez l'agriculture française de manière beaucoup plus exigeante, tout en laissant entrer aussi massivement, par de tels accords, des produits extérieurs ? Cela me semble redoutable.

Illusions, encore, parce qu'au moment où nous débattons de ce texte, comme pour dissimuler les choses, nous constatons une évolution très inquiétante de la PAC. J'étais il y a quelques jours à Bruxelles. Mes interlocuteurs m'ont clairement dit que le budget de la PAC baisserait de 5 à 15 %, soit une diminution encore plus importante des primes allouées à nos agriculteurs, et que l'on n'entendait pas la France sur le sujet – un propos pénible pour nous tous.

La PAC n'est que la résultante de la volonté de la France. Sans elle, il ne se passera rien et nos intérêts ne seront pas défendus. J'en veux pour preuve le fait que le Président de la République n'a évoqué la politique agricole commune dans aucun de ses quatre discours fondateurs sur l'Europe, prononcés dans des lieux symboliques – à Strasbourg, à Aix-la-Chapelle, à la Sorbonne, à Athènes – de beaux discours qui abordaient de grands sujets.

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