Intervention de Laurent Saint-Martin

Séance en hémicycle du lundi 17 septembre 2018 à 16h00
Lutte contre la fraude — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaurent Saint-Martin :

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteure, monsieur le rapporteur pour avis, chers collègues, « L'on est plus souvent dupe par la défiance que par la confiance », écrivait dans ses Mémoires le cardinal de Retz. Ce précepte illustre très bien la philosophie qui sous-tend l'action engagée par notre majorité depuis maintenant plus d'un an : créer une société de confiance.

Une société de confiance – cela vous rappellera quelques souvenirs, monsieur le ministre – dans laquelle l'administration est au service des citoyens et des entreprises : c'est tout le sens du projet de loi que nous avons adopté voilà quelques mois. Pierre supplémentaire apportée à l'édifice : la loi ESSOC, pour un État au service d'une société de confiance, qui a inauguré une profonde transformation de la relation entre les citoyens et les entreprises avec l'administration.

Si l'erreur est humaine, l'erreur est aujourd'hui un droit. À la défiance et à la sanction, nous avons préféré la correction et l'accompagnement parce que nous croyons en la bonne foi des usagers. À la rigidité et à la complexité des règles, nous avons préféré la simplification des procédures et le combat contre le zèle réglementaire.

Il n'en reste pas moins que tout cela, mes chers collègues, ne constitue que la moitié du chemin. Si nous offrons tous les éléments pour forger une relation de confiance entre l'administration et les usagers, alors, la réciproque doit être totale : une société dans laquelle les citoyens et les entreprises font eux-mêmes confiance à leur administration.

Il est donc indispensable d'inscrire ce projet de loi dans ce contexte car il est le corollaire du principe de bonne foi : droit à l'erreur pour les contribuables, oui, mais tolérance zéro pour les fraudeurs fiscaux ! Les citoyens et les entreprises doivent avoir confiance en la capacité et en la volonté de l'administration de traquer et sanctionner les manoeuvres frauduleuses.

Les Panama Papers, les Paradise Papers, les LuxLeaks, que l'on parle de fraude ou d'optimisation, agressive ou non, je suis d'accord avec les propos de Fabien Roussel et d'Éric Coquerel : on ne doit pas faire de différence pour condamner tous les scandales fiscaux qui reposent sur des systèmes internationaux complexes, ingénieux et extrêmement bien organisés dans lesquels interviennent de nombreux acteurs. De tels scandales témoignent également de la difficulté qu'éprouvent les administrations d'État pour recouvrer l'impôt et contrôler les flux financiers. Enfin, ils illustrent à quel point l'enjeu des moyens de détection, de dissuasion et de sanction des systèmes étatiques est crucial.

La fraude fiscale frappe au coeur nos principes fondamentaux : le consentement à l'impôt, principe inscrit à l'article 14 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, est de plus en plus sapé. Or, il est primordial que nous le garantissions car il est le socle de l'acceptabilité sociale de l'impôt, le socle de la légalité de l'impôt. C'est également l'un des principes fondateurs de notre parlementarisme moderne, inspiré de la guerre d'indépendance américaine : « No taxation without representation ». Enfin, c'est le sceau du sentiment d'appartenance à notre collectivité, dont nous contribuons au développement à raison même de nos facultés. À cet égard, il est intolérable que certains, citoyens ou entreprises, s'affranchissent de l'impôt tout en profitant des services et infrastructures qui leurs sont offerts. La fraude est d'autant plus inacceptable dans le contexte de tensions budgétaires que nous vivons et alors que nous faisons politiquement le choix de ne pas augmenter les prélèvements obligatoires.

Je ne reviens pas sur vos propos concernant l'article sur les plateformes qui, je le rappelle encore une fois, ne modifie en rien la fiscalité actuelle.

Ainsi, la fraude fiscale est une atteinte au principe d'égalité entre citoyens devant la loi, une trahison envers notre collectivité, un coup porté à notre pacte républicain. C'est le cancer de la société !

Pour toutes ces raisons, je salue ce projet de loi qui dotera l'Etat de moyens de détection et de sanction tout en renforçant ceux qui existent déjà. Je félicite à mon tour Émilie Cariou pour son excellent travail de rapporteure, notamment après la mission d'information qu'elle a menée sur le verrou de Bercy.

Les moyens de détection répondent au défi de la complexité et de l'ingéniosité des systèmes de fraude fiscale, notamment sur le plan humain avec la création d'une police fiscale, cela a été dit. L'aggravation des sanctions constitue quant à elle un signal fort envoyé aux fraudeurs – le name and shame revêt en plus le caractère de sanction sociétale.

Enfin, l'élargissement de la liste française des paradis fiscaux aux États et territoires non coopératifs de la liste européenne constitue un signal positif envoyé à nos partenaires européens alors que la lutte contre la fraude fiscale requiert une réponse commune de tous les États membres de l'Union européenne.

La France montre la voie. Nous mènerons ensemble le combat contre la fraude fiscale, avec comme objectif non pas de la réduire, mais de l'éradiquer.

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