Intervention de Christophe Naegelen

Séance en hémicycle du mercredi 26 septembre 2018 à 15h00
Accord de dialogue politique et de coopération entre l'union européenne et cuba — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Naegelen :

Monsieur le rapporteur, en préambule, je tiens tout d'abord à vous adresser mes remerciements et mes félicitations pour votre rapport – je salue également le travail des services de la commission des affaires étrangères. L'accord entre l'Union européenne et Cuba, qui est uniquement un accord politique et de coopération, sans volet commercial tarifaire, a été ratifié par la France, à Bruxelles, le 12 décembre 2016. Il marque une nouvelle étape dans la coopération entre l'Union européenne et Cuba et pourrait offrir de nouvelles opportunités, bien qu'il faille garder sur bien des aspects une certaine réserve.

Politiquement, d'ici à 2021, Cuba devrait entrer dans une nouvelle ère, marquée par un renouvellement politique, dans le cadre du remplacement de Raúl Castro, qui, lui-même, avait succédé à son frère. Sur le plan économique, les besoins sont immenses ; la population attend une amélioration de ses conditions de vie qui tarde à venir. La crise de liquidités que traverse actuellement le pays se traduit par une chute des importations et des investissements directs étrangers, et constitue manifestement un obstacle au développement de ses activités économiques. Cette situation économique dégradée maintient le pays sous pression.

Au niveau régional, la crise vénézuélienne n'arrange rien. Le Venezuela étant le principal partenaire économique et financier de Cuba, cela aggrave encore les effets de la crise de liquidités du pays, qui n'avait pas besoin de cela.

De plus, depuis l'élection de Donald Trump, les États-Unis ont repris la traditionnelle position d'hostilité républicaine au régime de La Havane, annonçant en juin 2017 un durcissement de la politique américaine à l'égard de Cuba. Ces annonces visent avant tout à afficher un coup d'arrêt au rapprochement avec La Havane qui, depuis 2014, s'était opéré sous l'administration Obama. L'actuel président des États-Unis a estimé que son prédécesseur avait fait des concessions sans obtenir de réelles contreparties. Il a donc conditionné toute évolution de la politique américaine à des changements profonds venant de Cuba, notamment la libération de prisonniers politiques, le respect des droits de l'homme, la légalisation de tous les partis politiques, l'organisation d'élections libres – avec une supervision internationale – et l'expulsion de personnes recherchées par la justice américaine. L'approche de l'administration Trump met ainsi un coup d'arrêt au rapprochement entre les États-Unis et Cuba.

Dans ce contexte géopolitique, l'Union européenne apparaît à la fois comme une alternative aux États-Unis et comme un allié politique et économique indispensable pour soutenir la transition cubaine. L'Union européenne est d'ailleurs devenue, au fil des ans, le premier partenaire économique de l'île, après le Venezuela, et le premier investisseur dans la région.

Cet accord représente donc une aubaine pour le développement de la coopération entre l'Union européenne et Cuba. La France y a d'ailleurs beaucoup oeuvré, puisque c'est sous sa présidence de l'Union européenne, en 2008, que l'impulsion a été donnée en vue de négocier cet accord. Depuis 2012, la France entretient des relations étroites avec Cuba, relancées par des rencontres politiques au plus haut niveau, comme la visite du président François Hollande à Cuba en mai 2015 et celle du président Raúl Castro en France en février 2016 – une double visite historique. Ces déplacements ont marqué le début d'une nouvelle ère dans les relations bilatérales franco-cubaines. Faut-il le rappeler, la France a permis la restructuration de la dette cubaine, notamment avec l'installation d'une antenne de l'Agence française de développement à Cuba en octobre 2016. Cela a permis à notre pays de revenir sur la scène financière internationale.

Au vu de la situation de Cuba tant à l'intérieur qu'à l'international, un accord serait le bienvenu. Celui qu'on nous propose de ratifier, qui repose sur trois piliers, permettra surtout le développement d'un dialogue politique plus dense entre l'Union européenne et Cuba au niveau bilatéral, mais également aux échelons régional et international, dans le dessein de partager les positions des parties et de trouver, autant que possible, des domaines de coopération conjoints.

Ce partenariat stratégique pour l'Union européenne s'articule autour des relations commerciales, du dialogue politique et de l'aide au développement. Pour la France, déjà présente à Cuba sur le plan économique, les occasions ouvertes par cet accord sont nombreuses. En effet, le poids des entreprises françaises à Cuba pèse près de 2,5 milliards d'euros. Comme cela a été rappelé, notamment par le rapporteur, l'entreprise Bouygues est le principal employeur étranger de l'île, avec près de 10 000 employés nationaux et 300 collaborateurs expatriés. Pernod Ricard connaît aussi un franc succès, qui exerce son activité dans le cadre d'une société mixte franco-cubaine.

L'absence de concurrence des États-Unis, omniprésente partout ailleurs en Amérique latine, jette les bases d'un renforcement des intérêts français. Cuba offre des opportunités intéressantes dans tous les secteurs, sur un marché où la France est attendue. En effet, c'est dans les domaines d'excellence de la France que nos entreprises françaises peuvent gagner des parts de marché à Cuba : le tourisme, l'énergie – notamment les énergies renouvelables – , la santé, les transports – qu'ils soient aériens ou ferroviaires – , l'agriculture, l'agro-alimentaire et le développement urbain. Dans tous ces domaines, la France dispose de pépites.

Le volet le plus délicat est certainement celui de l'État de droit, des libertés publiques et de la liberté d'expression. Même si l'Union européenne a abandonné, en 2016, la position commune de 1996 qui subordonnait toute coopération à une démocratisation du régime cubain, nous ne devons pas oublier que la République de Cuba ne connaît toujours pas de véritable séparation entre les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire, et que la Constitution dispose toujours que le parti communiste cubain est « la force dirigeante supérieure de la société et de l'État ». Les bons résultats obtenus en matière de protection sociale et de couverture santé ne sauraient éclipser le fait que nous devrons accorder une attention particulière à l'évolution des prochaines discussions. Celles-ci nécessiteront une avancée du régime cubain dans le sens des libertés publiques, condition à un développement de nature durable.

Les préoccupations de Cuba dans le domaine environnemental et écologique sont exacerbées par sa nature insulaire. L'énergie demeure l'une de ses principales faiblesses, car elle est largement dépendante des importations de combustibles fossiles. La production électrique cubaine est assurée par un parc vieillissant de centrales thermoélectriques fonctionnant essentiellement au pétrole et au gaz. La nouvelle politique énergétique cubaine a donc pour objectif l'augmentation de la production électrique, l'accroissement de la part des énergies renouvelables et une meilleure efficacité énergétique. Mais, compte tenu de la situation économique et financière difficile de l'île, l'investissement étranger est devenu essentiel. La France doit donc saisir cette occasion pour faire valoir ses atouts.

Aujourd'hui, Cuba évolue. Je pense que, pour la France et l'Europe, Cuba est une terre d'opportunités. Il faut nouer des relations fortes avec Cuba, car, demain, c'est un véritable marché qui s'ouvrira à nous ; la France a tout intérêt à y être présente.

Le groupe UDI, Agir et indépendants votera bien sûr en faveur de ce projet de loi de ratification de l'accord, car, même s'il n'engendre pas de miracle, un processus de dialogue porte davantage ses fruits qu'une logique de fermeture, comme celle adoptée par les États-Unis. Il convient simplement de rappeler que l'Union européenne et, à tout le moins, la France doivent rester vigilantes sur l'évolution des droits de l'homme et des libertés publiques, dans la perspective de futurs accords.

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