Intervention de Jean-Paul Dufrègne

Séance en hémicycle du jeudi 4 octobre 2018 à 15h00
Croissance et transformation des entreprises — Article 52

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Paul Dufrègne :

Avec cet article, nous arrivons au terme d'un processus engagé il y a quatorze ans par la transformation, par la loi du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières, de Gaz de France – aujourd'hui Engie – en société anonyme. Bien que le législateur ait prévu à l'époque de garantir la propriété publique de l'entreprise Gaz de France à une hauteur minimale de 70 % du capital social, il n'aura fallu que deux ans pour faire sauter ce verrou en vue de la privatisation. Cette privatisation était toutefois assortie de l'impossibilité pour l'État de détenir moins d'un tiers du capital de l'entreprise. Ce seuil de détention fit par la suite, en 2014, l'objet d'une savante distinction entre détention en capital et détention en droits de vote.

Vous nous proposez aujourd'hui de franchir une ultime étape dans ce qui n'aura été qu'une longue dégringolade. Vous jugez en effet que la détention minimale du capital ou des droits de vote d'Engie par l'État ne se justifie plus au regard de la préservation des intérêts essentiels de la France en matière de continuité et de sécurité d'approvisionnement. Nous ne partageons pas cette analyse. Nous avons au contraire la conviction que l'État doit garder la maîtrise et le contrôle des entreprises de l'énergie, afin de garantir la pérennité, la qualité et la sécurité du service public.

La suppression du seuil minimal de détention d'Engie par l'État et le remplacement de l'obligation de détention intégrale du capital de GRTgaz par Engie, l'État ou des personnes publiques par une obligation de détention majoritaire portent en outre des risques pour les consommateurs en termes d'évolution tarifaire, sur fond de déréglementation des tarifs de l'énergie.

Alors que le groupe refuse d'augmenter les salaires, détruit des milliers d'emplois et délocalise dans des pays à faibles coûts et à faibles garanties sociales, c'est en outre un très mauvais signal envoyé aux salariés de ce service public essentiel.

Enfin, à l'heure où la transition écologique exigerait un renforcement de la maîtrise publique de l'énergie et des efforts considérables pour améliorer la cohérence des politiques énergétiques, sans pénaliser les plus fragiles, c'est un mauvais coup porté à la politique environnementale.

Nous plaidons quant à nous en faveur d'un grand service public de l'énergie – oui, un grand service public, dont la mission serait, entre autres, de déterminer la contribution de chaque territoire aux différents modes d'énergie renouvelable, en y associant les citoyens et leurs représentants.

On aura beau faire de grandes phrases, parler de mix énergétique ou de je-ne-sais-quoi, sans un grand service public de l'énergie nous courrons en permanence derrière des projets qui nous échapperont et qui répondront à des règles contraires à celles qui devraient prévaloir pour l'organisation des territoires. C'est aujourd'hui le cas, pour ce qui concerne l'éolien, dans mon département de l'Allier : les promoteurs y font régner la loi de la jungle, ce qui crée des oppositions entre les habitants.

En conséquence, nous proposons la suppression du présent article.

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